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Alternatives à l’usage d’herbicides : limiter le stock semencier

Grandes cultures / Polyculture-élevage
Année de publication
  (mis à jour le 08 fév 2021)
Source :  Inra, Arvalis
Auteur :  Bruno Chauvel
Réferences : 
Article du Centre de ressource Glyphosate - Décembre 2018
Alternatives à l’usage d’herbicides : limiter le stock semencier

Comment se constitue le stock semencier ?

Les communautés adventices des milieux agricoles sont composées en majorité d’espèces annuelles, dont le maintien dans les parcelles cultivées au cours des années, est lié à une production de semences qui « retournent » dans le sol. Selon l’existence sur la semence de différentes structures (pappus, crochet, épine, membrane aillé, etc.), la distance de dispersion avant de retomber sur le sol peut être de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres. Une fois retombées sur le sol, les semences sont plus ou moins enfouies dans le sol et entrent en dormance. Suivant la biologie de l’espèce, suivant l’effet de facteurs pédoclimatiques et des pratiques de travail du sol réalisées par l’agriculteur, les semences adventices se pourront alors de retrouver à nouveau en condition de germer et de lever.
 

 

Le cycle démographique des espèces adventices annuelles est un cycle court (Figure 1) et varie de quelques semaines à quelques mois. Pour les espèces vivaces, le cycle annuel se traduit par la production d’organes de reproduction végétative (racines, rhizomes, bulbes ou bulbilles) qui restent dans le sol.

La présence d’une forte densité d’adventices à la récolte a pour conséquence une « pluie de graines » qui vont constituer un problème de gestion pour les années suivantes. Dans de telles situations, il est généralement recommandé de réaliser un travail du sol d’une certaine profondeur – au moins 10 cm – avec retournement, qui permet de mettre les semences hors d’atteinte de la surface pour la quasi-totalité des espèces adventices (voir la fiche Technique Répartir les labours dans la rotation) et de garder ainsi le contrôle sur les adventices de la parcelle.

 

 

 

Comment limiter la reconstitution du stock semencier ?

La limitation de la reconstitution du stock semencier est réalisée à partir d’un ensemble de pratiques de gestion qui se mettent en place lorsque les méthodes de désherbage habituelles (chimiques ou mécaniques) ne se sont pas montrées suffisamment efficaces au cours des périodes de culture ou d’interculture. L’objectif est d’empêcher la constitution de stocks de semences trop importants (nombre de semences au m²) ce qui contraindrait l’agriculteur à des actions de désherbage systématique les années suivantes. De plus, ces fortes densités de semences dans le sol limitent l’efficacité des méthodes de gestion préventives classiques de travail du sol (voir les fiches Techniques Répartir les labours dans la rotation, Réaliser des faux-semis pendant l’interculture, Semer/repiquer tardivement) du fait des nouvelles vagues de levées favorisées par la perturbation du sol. On peut noter que les pratiques de « dé-stockage » peuvent par ailleurs être rendues difficiles par l’obligation de semer des couverts.
 

 

Comme beaucoup de pratiques de gestion de la flore, les stratégies de limitation du retour des semences dans le stock sont connues et réalisées depuis longtemps par les agriculteurs :

   • L’arrachage manuel permettait d’éliminer les plus grosses plantes en floraison qui étaient sorties et brulées en bout de champs.
   Des essanveuses (Figure 2) étaient utilisées à la fin du XIXe siècle pour éliminer les inflorescences de moutarde qui dépassaient des cultures de céréales.
   Enfin, les agriculteurs avaient pour habitude de récolter en premier les parcelles avec les plus fortes densités de mauvaises herbes dans le but de bloquer la maturation des semences adventices.

 

 

Aujourd’hui, les stratégies de limitation du stock semencier se déclinent sous différentes formes :

   • Limitation chimique
   • Broyage ou fauche
         • Élimination des inflorescences – écimage
         • Récupération des semences avec les menues pailles et destruction
   • Développement de structures paysagères favorisant le développement de prédateurs animaux (insectes, carabes, rongeurs) qui consommeront des semences. Il s’agit alors d’une régulation biologique.

Ces actions peuvent aussi avoir pour objectif d’éviter la présence de semences adventices dans les récoltes et d’éviter des coûts supplémentaires de nettoyage des récoltes.

 

Solutions alternatives à la limitation chimique

Actuellement, une des principales stratégies de limitation du stock semencier repose sur la mobilisation de solutions de lutte chimique. En effet, la production de semences de certaines espèces adventices, connues pour leur forte nuisibilité telles que le cirse des champs (Cirsium arvense), le chiendent (Elytrigia repens), le liseron des champs (Convolvulus arvensis) et le gaillet gratteron (Galium aparine) peut être gérée chimiquement en fin de cycle. Ce rattrapage spécifique  est réalisé soit avec des molécules de synthèse spécifiques, soit un herbicide non sélectif, comme le glyphosate et doit respecter des conditions de traitement bien précise (Arvalis, 2016). Cependant ces pratiques de désherbage chimique seront limitées à l’avenir du fait de la réduction, voire de l’interdiction, de l’utilisation de certains herbicides de synthèse et du risque potentiel de trouver des résidus herbicides sur les semences récoltées.

Des herbicides « biologiques » non sélectifs, tels que l’acide pélargonique, pourraient aussi être utilisés à l’avenir si les spécificités de ces nouvelles molécules se prêtent à de telles utilisations.

Dans les contextes actuels, des solutions alternatives à la lutte chimique existent.

 

1 - Limitation mécanique

   Ecimage
L’écimage permet une élimination des inflorescences adventices qui dépassent de la culture. Avec des outils plus élaborés que les essanveuses du XIXe siècle, les écimeuses ne permettent toutefois de gérer que les espèces de grande taille (favoine folle– Avena fatua, moutarde des champs – Sinapis arvensis, ambroisie à feuilles d’armoise : Ambrosia artemisiifolia, etc. ; Cultivar, 2016). Il faut de plus s’assurer que cette fauche sur le haut de la plante ne favorise pas un ‘tallage’ de la plante ce qui pourrait avoir un effet inverse à celui attendu.

Sur les espèces vivaces (cirse des champs, patience à feuilles obtuses – Rumex obtusifolius), l’écimage peut contribuer à la limitation de la dispersion de l’espèce par les semences.

L’efficacité de cette pratique est très dépendante des conditions locales et des fenêtres d’intervention qui peuvent être limitées.

 

   Fauche – broyage
La fauche des adventices annuelles est un moyen très efficace pour limiter leur développement des adventices annuelles. Dans les rotations, en agriculture biologique par exemple, l’insertion de prairies temporaires (légumineuses ou graminées) qui sont fauchées juste avant la production de semences a été, et est, encore un levier très fort de gestion. Cette pratique était présentée dans les années 1960 comme une pratique majeure de gestion du vulpin des champs (Alopecurus myosuroides ;De Gournay, 1963). Cependant, la contrepartie de l’insertion de ces prairies est le risque de développement de plantes vivaces qui sont potentiellement favorisées par le régime de fauche.

Dans les vergers ou les vignes où la pratique est réalisable, les effets seront similaires sur les couverts naturels.
Dans la culture de maïs, l’agriculteur a la possibilité de réaliser un ensilage sur des zones les plus touchées par les adventices. Cela ne constitue pour autant qu’une pratique de rattrapage.

Sur les autres cultures, le broyage va entrainer la perte complète de la culture. La décision en revient donc à l’agriculteur dans la gestion durable de la parcelle, c’est-à-dire de savoir s’il prend le risque de détruire une culture pour favoriser une gestion des adventices plus aisée dans le temps. Elle peut être conseillée, dans le cas de l’ambroisie à feuilles d’armoise par exemple pour des raisons de publique (limitation de l’émission de pollens) mais aussi pour des raisons agronomiques (limitation de la production d’akènes).

Voir la fiche Technique Broyer les couverts végétaux d'interculture

 

   Récolte des semences et des menues pailles

 

La récolte de menues pailles est aussi une pratique ancienne remise « à la mode » en Australie depuis une dizaine d’années (Walsh et al. 2012). Le principe consiste à ne pas rejeter les pailles broyées qui contiennent des semences adventices. L’ensemble est récolté pour une destruction des semences (brulage, méthanisation, etc.) plutôt que d’être épandu sur la parcelle. La condition biologique pour que cette méthode soit efficace est qu’au moins une partie des semences soient encore présente sur l’inflorescence des adventices. Une grande partie de la flore adventice n’est donc pas concernée par cette pratique. Cependant, les ray-grass (Lolium sp. ; figure 3), le gaillet gratteron, peut-être une partie des semences de vulpin des champs peuvent potentiellement voir le retour de leurs semences au sol particulièrement réduit.

Voir la fiche Technique Exporter les menues pailles et l'article ARVALIS La récolte des menues pailles : un levier complémentaire de gestion des adventices à moyen terme

 

 

2 - Limitations biologiques

   Prédation - granivorie

La régulation naturelle des bioagresseurs s’apparente à la lutte biologique. Les graines des adventices annuelles représentent une ressource alimentaire importante dans les agroécosystèmes. De fait, de nombreux arthropodes, tels que des coléoptères carabiques, criquets et fourmis, mais aussi des petits mammifères et oiseaux consomment des quantités non négligeables de graines d’adventices, soit directement sur les plantes, soit une fois que les plantes sont tombées au sol. Ce sont les carabes qui concentrent aujourd’hui le plus d’étude du fait des fortes populations d’insectes susceptibles de réguler des populations adventices (Petit-Michaut, 2018).

 

A une échelle différente, des agriculteurs impliqués dans des systèmes en semis direct utilisent des troupeaux de moutons qui ont pour fonction de désherber des parcelles pendant la période d’interculture. Si toutes les plantes ne sont pas broutées, comme les cirses par exemple, la présence des animaux peut très fortement limiter le retour au stock des espèces graminéennes, vulpin, ray gras.

 

Cependant les connaissances sur l’effet réel de la prédation des semences sur la dynamique des adventices restent aujourd’hui très limitées. Pourtant, le maintien de consommateurs de graines dans les parcelles cultivées demeure un levier agroécologique de la gestion des adventices, qui doit être considéré comme complémentaire des autres leviers agronomiques qui permettent de limiter les densités de semences et de réduire les niveaux d’infestation des populations d’adventices.

 

   Compétition - allélopathie

 

L’utilisation de plantes de couverture (figure 5) en plus des objectifs de couverture du sol (protection contre l’érosion ; amélioration de la structure) peuvent potentiellement limiter la production de semences. Il s’agit d’une régulation par compétition ou d’une inhibition du développement des espèces voisines par l’action de molécules synthétisées par quelques espèces végétales (allélopathie ; Gfeller et Wirth, 2018).

Ces régulations plantes-plantes sont dépendantes des conditions météorologiques (pluviométrie) et sont pas toujours suffisantes pour limiter la production de semences adventices.

 

 

Pour conclure

Comme la plupart des pratiques non chimiques, l’efficacité et la durabilité des pratiques qui limitent le retour des semences au stock sont très liées à la biologie des espèces concernées et aux conditions métérologiques. De plus, ces pratiques peuvent entrer en conflit avec d’autres pratiques agroécologiques (menues paille vs prédation ou utilisation d’une écimeuse vs taille des variétés compétitrices) ce qui nécessitent un pilotage de la part de l’agriculteur à l’échelle de la parcelle.

Mais cette stratégie très tardive dans le cycle des espèces adventices pourrait aussi apporter des débuts de solutions à la gestion des plantes avec des levées tardives ou très échelonnées (ambroisies – Ambrosia sp. ; datura - Datura stramonium) et qui échappent ainsi aux pratiques de désherbage classiques.

 

Références bibliographiques :