Système ECO2 - Normandie - AlterCarot
Conception du système
Le système de culture ECO2 est basé sur une rotation typique du Val de Saire : 3 légumes + 2 céréales sur 5 ans. La reconception du système repose sur l'introduction du sorgho en tant que plante de service et d'une interculture avant la culture de poireau. L'objectif principal de ce système est la gestion des maladies et ravageurs telluriques avec l'utilisation des pesticides en dernier recours.
Mots clés :
Légumes - Plein champ - Expérimentation système - Champignons telluriques - Nématodes
Caractéristiques du système
Situation de production : Cultures légumières de plein champ Espèces : Carotte, Poireau, Chou-fleur, Maïs, Orge, Sorgho Gestion de l'irrigation : Aspersion ou canon Fertilisation : Amendements organiques (compost, fumier), engrais du commerce (organiques et minéraux) Interculture : Mélange graminée-légumineuse Gestion du sol/des adventices : Amendements organiques, raisonnement de la nutrition, labour, binage, interculture, désherbage thermique, désherbage manuel, pulvérisation localisée Circuit commercial : Circuit long, marché du frais Infrastructures agro-écologiques : Ce levier n'est pas mobilisé |
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Ce système permet une diminution de 64.7 % de l'IFT par rapport à la référence à l'échelle du système et de 75 % sur la culture de carotte. Cependant, cette baisse d'utilisation des produits phytopharmaceutiques s'accompagne d'une diminution des objectifs de rendements commercialisables pour l'ensemble des cultures : la carotte (-28 %), le poireau (- 12 %), le chou-fleur (-39 %) et le maïs (-65%). A noter, les rendements en culture de poireau ne sont certes pas satisfaisant par rapport à l'objectif, mais il sont revanche nettement supérieurs à la moyenne départementale (+ 21 %). Cette perte n'étant pas compensé par les charges (qui augmentent) ce système, en l'état, n'est pas économiquement viable.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Désherbage mécanique | Passages d'une bineuse ou herse étrille dans l'inter-rang de la culture | Efficace dans l'inter-rang. Efficacité augmentée en condition séchante |
Désherbage manuel | Sarclage manuel lorsque le désherbage mécanique est impossible ou inadapté (stade de la culture) | Très efficace et sélectif, mais peut fortement impacter l'équilibre économique de la culture et donc du système (temps de main d'œuvre à définir au préalable) |
Rotation | Mise en place de couverts d'interculture pour étouffer les adventices et éviter la grenaison | Efficace si bonne levée du couvert |
Observation | Observations (comptages) plusieurs fois en cours de culture pour constater l'état de l'enherbement et décider ou non d'une intervention | Très efficace, permet de raisonner les interventions chimiques en permettant de bien positionner d'autres types d'interventions |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Barrière physique | Pose d'un filet anti-insectes empêchant | Efficace si positionné à temps. Rend difficile l'accès à la culture pour les autres interventions (ex. désherbage mécanique). |
OAD | Utilisation de modèle de prédiction permettant de suivre l'évolution des populations (pontes, larves et adultes) et les pics de dégâts potentiels. Ce modèle doit permettre de cibler le positionnement optimal des interventions | Permet l'anticipation des interventions et donc un meilleur positionnement. Efficacité accrue si complétée par des observations terrain. |
Biocontrôle | Gestion des ravageurs à l'aide de produits de biocontrôle |
Nécessite souvent plus d'applications pour avoir une bonne gestion du ravageur. Efficacité des produits de biocontrôle dépend fortement de leurs positionnement par rapport au ravageur (cycle biologique et comportement de l'espèce) et l'environnement (température, hygrométrie, luminosité, etc.). |
Irrigation | Bassinage de la culture pour retirer le ravageur du feuillage |
Efficace sur le poireau en période sèche Stimule la levée des adventices |
Impasse intervention | Choix de ne pas intervenir dans certaines situations ou le risque pour la culture est limité | Lorsque le risque lié au ravageur est nul ou acceptable pour la culture (ex. atteinte des feuilles qui ne seront pas récoltées), il est possible de ne pas intervenir |
Observation | Observations (comptages) plusieurs fois en cours de culture pour suivre le développement du ravageur et des dégâts et décider ou non d'une intervention | Très efficace, permet de raisonner les interventions chimiques en permettant de bien positionner d'autres types d'interventions |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Biocontrôle |
Gestion des maladies à l'aide de produits de biocontrôle en amont de la mise en place de la culture pour réduire l'inoculum, en cours de culture en préventif ou à l'enfouissement d'une culture pour réduire l'inoculum pour la prochaine culture sensible |
Nécessite souvent plus d'applications pour avoir une bonne gestion de la maladie. Efficacité des produits de biocontrôle dépend fortement de leurs positionnements par rapport à la maladie (cycle biologique) et l'environnement (température, hygrométrie, luminosité, etc.). |
Génétique | Choix d'une variété tolérante ou peu sensible à la maladie (ex : variétés de poireau Laston, très résistante à la rouille) | Ce choix doit tenir compte des critères du marché et des potentielles sensibilités face aux autres bioagresseurs. |
Rotation | Eloigner le plus possible 2 cultures sensibles à la même maladie afin de réduire avec le temps l'inoculum pour la seconde culture |
Au sein de la même famille de culture (ex. mycosphaerella pour les Brassicacées) et même entre famille de plante différentes (ex. sclérotinia pour les Astéracées et Apiacées) , plusieurs voir toutes les espèces peuvent être sensibles à la même maladie. Ces sensibilités peuvent rendre difficile la construction de la rotation. |
Observation | Observations (comptages) plusieurs fois en cours de culture pour suivre le développement de la maladie et décider ou non d'une intervention | Très efficace, permet de raisonner les interventions chimiques en permettant de bien positionner d'autres types d'interventions. |
En culture de carotte
Graminées | Dicotylédones | Bioagresseurs du sol | Ravageurs aériens | Maladies foliaires | |
2019 | NC | NC | NC | NC | NC |
2020 | |||||
2021 | Pythiacées | ||||
2022 | Grenaison morelle, mouron et ortie |
Pythiacées, mouche de la carotte |
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2023 | NC | NC | NC | NC | NC |
En culture de poireau
Graminées | Dicotylédones | Bioagresseurs du sol | Ravageurs aériens | Maladies foliaires | |
2019 | NC | ||||
2020 | NC | NC | NC | NC | NC |
2021 | NC | NC | NC | NC | NC |
2022 | Grenaison morelle | NC | Rouille | ||
2023 | NC |
En culture de chou-fleur
Graminées | Dicotylédones | Bioagresseurs du sol | Ravageurs aériens | Maladies foliaires | |
2019 | |||||
2020 | |||||
2021 | NC | NC | NC | NC | NC |
2022 | NC | NC | NC | NC | NC |
2023 |
Rendements (moyenne des 3 répétitions) du système
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Le rendement global du système ECO2 diminue de 36 % par rapport aux objectifs de rendement fixés en début de projet et de 24.7 % par rapport au rendement de référence départemental (cf. REF dans le graphique ci-dessus). Le rendement de la carotte diminue quant à lui de 28.4 % par rapport à l'objectif et de 27.5 % par rapport au rendement moyen des producteurs. Aucune culture de ce système n'a atteint les objectifs de rendement fixés en début de projet. En revanche, les rendements en cultures de poireau dépassent la moyenne départementale. En moyenne, les rendements en choux-fleurs dépassent également la référence producteur.
Répartition des temps de travaux (J/ha) du système
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Le temps de travail de désherbage mécanique évolue peu (-7.3 %) et repose essentiellement sur l'utilisation du binage et de la herse étrille.
Suite à la baisse significative de l'IFT, le temps d'application des produits phytopharmaceutiques est lui aussi réduit, et ce, de 71.7 % à l'échelle du système (pour 15.7 passages sur toute la rotation, principalement pour des applications de biocontrôle). L'application des RdD désherbage et la possibilité de sarcler ont favorisé cette baisse.
Le temps de sarclage moyen est conséquent sur la carotte, mais répond néanmoins aux objectifs énoncés. Le sarclage sur les cultures de poireau et chou-fleur quant à eux légèrement les objectifs fixés. Cette augmentation importante du temps lié au sarclage résulte de la diminution de l'utilisation des produits herbicides. A noter : Le temps de sarclage en système de référence est estimé à 0 en début de projet, mais celui-ci augmente continuellement à la suite des nombreux retraits des matières actives.
Répartition des charges du système
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Une baisse importante des charges liées aux produits phytopharmaceutiques est constatée, mais ne permet pas de compenser l'augmentation des charges liées au sarclage. Avec 2746 € de charge dédiée uniquement au sarclage, le coût de ces interventions représente 6.6 % des charges globales du système (14.4 % des charges pour la culture de carotte). L'augmentation des charges de mains d'œuvre autres que le sarclage est liée notamment à la lutte contre la mouche de carotte avec le recours à la pose de filets et répulsifs).
Lecture du graphique : Les critères sont notés sur une échelle de 1 à 5 : 1 correspondant à "très insatisfaisant par rapport à l'objectif", 2 à "insatisfaisant par rapport à l'objectif", 3 à "peu satisfaisant par rapport à l'objectif", 4 "satisfaisant par rapport à l'objectif" et 5 à "très satisfaisant par rapport à l'objectif".
Evolution de la flore adventive sur l'échelle de la rotation (2019-2023)
Sogho | Carotte | Maïs | Interculture | Poireau | Chou-fleur |
Couverts : certains des objectifs affichés pour la mise en place d'interculture étaient de permettre l'étouffement des adventices et d'éviter leur grenaison. Les contextes météorologiques lors des essais (pluviométries importantes menant à l'engorgement des parcelles) n'ont pas permis d'atteindre ces objectifs et ont au contraire permis le développement des adventices.
Poireau et chou-fleur : niveaux de densité d'adventices satisfaisants bien qu'aucun herbicide n'ai été appliqué. Le binage combiné aux sarclages ont été suffisants au bon maintien des parcelles. Le temps accordé au sarclage a cependant légèrement dépassé les objectifs fixés certaines années sur les 2 cultures.
Carotte : niveaux de densité d'adventices satisfaisants bien que cette culture cumul en moyenne un IFT herbicide de 1,6. Les sarclages ont permis un bon maintien des parcelles.
Le suivi des RdD désherbage a permis une maîtrise satisfaisante des morelles, chénopodes et matricaires, normalement très problématiques sur ces cultures. Les objectifs de non-grenaison de ces adventices ont permis ce maintien. Cette maîtrise de l'enherbement repose cependant essentiellement sur le sarclage manuel, qui dépasse les seuils définis certaines années, notamment en culture de poireau et chou-fleur.
Ce système de culture a été coconçu avec des producteurs et techniciens, en tenant compte des contraintes locales (conditions pédoclimatiques, capacités d’investissement, type d’irrigation…) et de marché (circuit long) afin d’être représentatif du bassin de production. Toutefois, en raison des spécificités propres à chaque exploitation agricole (surface d’exploitation, assolement, historique des parcelles, matériel disponible…) et de la variabilité annuelle des conditions de culture et de marché, un transfert du système de culture dans sa globalité n’est ni envisageable ni pertinent.
Ainsi, le projet AlterCarot visait à transférer non pas le système de culture, mais les règles de décision qui ont permis de le piloter. Dans le cadre du projet, 83 règles de décision ont été formalisées par couple culture/bioagresseur (ex. : désherbage de la carotte), et 5 à l’échelle des systèmes de culture (ex. : faux-semis). Parmi elles, 36 règles de décision concernent spécifiquement le SdC ECO1 et 25 le SdC ECO2.
Ces règles de décision ont fait l’objet d’une évaluation de leur transférabilité, selon une méthode spécifiquement conçue pour les besoins du projet AlterCarot basée sur 7 critères (claire, cohérente, applicable, stable, réalisable, efficace, pérenne). Les RdD jugées transférables seront diffusées sur la plateforme GECO et auprès des producteurs adhérents aux structures partenaires au projet.
Une baisse significative de l'IFT (conformément aux objectifs du projet) est possible sur ce système de culture normand. Cependant, cette baisse s'accompagne d'une prise de risque importante avec un impact direct sur la viabilité des exploitations agricoles :
- Dépendance au désherbage manuel certaines années
- Baisses de rendement significatives en cas de forte pression de bioagresseurs
- Baisse significative de la marge semi-nette
Toutefois, les performances agronomiques sont encourageantes pour certains couples culture/bioagresseur :
- Gestion à la fois de l'enherbement, des ravageurs et des maladies en chou-fleur
- Gestion de l'enherbement (mis à part la morelle certaines années) sur l'ensemble des cultures
Ce projet a mis en relief l'importance de trouver un équilibre entre la diminution de l'IFT et la viabilité des exploitations. La réflexion doit être appronfondie et la notion de prise de risque doit être prise en compte pour favoriser la transférabilité des enseignements du projet AlterCarot.