Système ROSA BIP rosiers fleurs coupées sous abris et hors sol - CREAM-Chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes
Conception du système
Le système 'Rosier fleur coupée' s’inscrit dans le projet DEPHY Expé ROSABIP. L’objectif de cette expérimentation est de conduire une culture de rosier hors sol sous abri pour la fleur coupée sans utilisation de produit phytosanitaire avec une qualité et un rendement économiquement viable.
Mots clés :
Rosier - Fleur coupée - Auxiliaires - Biostimulants - Zéro phyto
Caractéristiques du système
Espèce : Rosier 'Milva'. Mode d’irrigation : Fertirrigation au goutte à goutte. Gestion du climat : Par ordinateur pour la gestion des ouvrants, de la brumisation et du chauffage en fonction de la température et de l'hygromètrie. Chauffage d'octobre à mars 14°C. Infrastructures agro-écologiques : Plantes de services au sein de la culture (Inula viscosa), cosse de sarrasin pour favoriser l'habitat des auxiliaires.
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Agronomiques |
Rendement : maximiser les rendements pour atteindre le système de référence Qualité: maximum de catégories Extra et I |
Maîtrise des bioagresseurs |
Maîtrise des maladies : supprimer les fongicides Maîtrise des ravageurs : supprimer les insecticides, maîtriser la lutte biologique, maintenir les auxiliaires dans la culture et favoriser la faune auxiliaires indigènes |
Environnementaux | IFT chimique de 0 |
Socio-économiques |
Marge brute : Système économiquement viable avec 0 IFT chimique Temps de travail : ne doit pas être excessif par rapport au système de référence. |
Le mot de l'expérimentateur
Le CREAM était déjà en PBI sur toute la station, le projet ROSABIP a permis d’aller plus loin dans la démarche de baisse des IFT. La résistance aux bioagresseurs, les conditions de travail et le respect de l’environnement, nous a obligé à repenser tout notre système de culture avec des méthodes alternatives : lutte physique, lutte biologique, observation des cultures, avec pour objectif de passer à 0 IFT sur cette culture majeure pour la filière fleur coupée. Grâce au projet, nous avons pris des risques à la place des agriculteurs pour pouvoir leur proposer un autre modèle de production en rupture avec les pratiques conventionnelles.
Lutte biologique par apports d'auxiliaires d'élevage et valorisation de la biodiversité fonctionnelle: abris et nourrissage des auxiliaires (Mitefood, cosses de sarrasin), gestion et végétalisation des abords des abris, plantes de services.
Maîtrise du climat : bassinage de mai à septembre pour conserver une hygrométrie supérieure à 50%.
Produits alternatifs de biocontrôle.
Piégeage des ravageurs
Observations toutes les semaines : état sanitaire global et points d'échantillonnage.
La gestion des adventices est solutionnée par le système de culture hors sol. Lorsque qu'une adventice apparaît dans les bacs de culture (rarement grâce au substrat perlite), elle est retirée.
Leviers |
Principe d’actions |
Enseignements |
Observations |
Notations hebdomadaires : Recensement du niveau de population des bioagresseurs et d’auxiliaires par des observations in situ et le décorticage de fleurs sur 12 points d’échantillonnage. |
Très satisfaisant : les observations sont faciles à effectuer et permettent une détection précoce des attaques de ravageurs. Le décorticage des fleurs est destructif, mais pour une faible quantité et surtout il permet un dénombrement précis de la faune. |
Maîtrise du climat |
De mai à septembre, brumisation très fréquente pour maintenir l'hygrométrie. |
Très satisfaisant : permet une meilleure installation des auxiliaires et une bonne maîtrise des thrips, acariens… |
Biostimulants |
Applications tous les 15 jours par pulvérisation foliaire de biostimulants : acides aminés, lipopeptides, extraits de plantes, algues, phytohormones…). |
Satisfaction moyenne : Demande une utilisation systématique. Interrogation sur un potentiel effet d’appétence de la plante vis-à-vis de certains ravageurs, comme les pucerons. |
Lutte biologique par conservation |
- Apport de nourriture (Thyreophagus entomophagus) pour le maintien des auxiliaires. - Afin de favoriser l’habitat et le nourrissage des auxiliaires ; mise en place de plantes de services (Inule visqueuse) réparties sur la parcelle. - Cosses de sarrasin pour l’habitat des auxiliaires; |
Peu satisfaisant pour l’inule ; pas de passage des Macrolophus sp. vers la culture. Peut être un foyer pour des ravageurs (lépidoptères) Pour les cosses de sarrasin et le nourrissage ; pas d’effet constaté. Satisfaisant : Apparition d’auxiliaires naturels : Feltiella sp. (Efficace), chrysope, syrphe, Anagyrus sp ; Scymnus sp (moins efficaces). Non maintien de certains auxiliaires mis en place : Chrysope, Macrolophus sp. Coccinelles (Propylea quatordecimpunctata), Aphidius sp ; et Aphelinus sp. Pas d’apparition de certains auxiliaires efficaces contre les pucerons comme le praon volucre, très présent sur l’ancien site du CREAT. |
Lutte biologique par augmentation |
Lâchers (vrac ou sachet) de Neoseiulus cucumeris contre le thrips. Phytoseiulus persimilis contre acariens. Bacillus thuringiensis (bactérie en pulvérisation) contre les lépidoptères. |
Satisfaisant selon les ravageurs, mais coût élevé. Efficacité et maintien de certains auxiliaires lâchés : Neoseiulus cucumeris, Phytoseiulus persimilis, Aphidoletes sp. Contrôle insuffisant des pucerons malgré utilisation massive d’auxiliaires : Aphidius sp., Aphelinus sp., Aphidoletes sp., coccinelles, syrphes, chrysope. Contrôle insuffisant des lépidoptères malgré utilisation du Bacillus thuringiensis. |
Piégeage |
Piégeage avec des plaques ou bandes engluées. |
Satisfaction moyenne : Piégeage non sélectif. Efficace contre les cicadelles si positionnées en tout début d’attaque mais insuffisant en cas de forte infestation. |
Lutte mécanique |
Utilisation d’un jet à haute pression sur les tiges. |
Non satisfaisant : inefficace contre les pucerons. |
Lutte physique |
Pulvérisation de savon noir tous les 15 jours en cas d’infestation de pucerons. |
Satisfaisant : Utilisation du savon noir systématique toute les semaine, décrochage tout de même au printemps. |
Substances naturelles de biocontrôle |
Utilisation en pulvérisation de : pyréthrine, huile de colza, huile de paraffine, maltodextrine. |
Peu satisfaisant : N’a pas permis la maîtrise des attaques de pucerons et cochenilles. |
Lutte chimique compatible auxiliaires |
Utilisation en pulvérisation d’un produit compatible avec l’utilisation d’auxiliaire composé de flonicamide. |
Satisfaction moyenne : Efficacité relative et nombre d’utilisation du Teppeki limitée à trois applications par an. |
Leviers |
Principe d’actions |
Enseignements |
Observations |
Notations hebdomadaires : observations sur la parcelle. |
Très satisfaisant : les observations sont faciles à effectuer et permettent une détection précoce des maladies. |
Biostimulants |
Application par pulvérisation foliaire ou poudrage de biostimulants : acides aminés, lipopeptides, extraits de plantes, algues, phytohormones…). |
Très bonne satisfaction : l’utilisation du poudrage est très efficace pour la maîtrise de l’oïdium et du Botrytis.
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Maîtrise du climat |
De mai à septembre, brumisation très fréquente pour maintenir l'hygrométrie. |
Très satisfaisant : permet une bonne maîtrise de l’oïdium en période estivale |
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2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Satisfaction globale sur les 6 années |
Thrips |
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Aleurodes |
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Pucerons |
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Chenilles |
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Cochenilles |
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Cicadelles |
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Acariens |
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Oïdium |
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Botrytis |
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Bonne maitrise de la problématique |
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Maitrise partielle de la problématique avec des dégâts faibles |
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Problématique non maitrisée |
Depuis la plantation, nous n’avons pas rencontré de problème de botrytis ou d’aleurode et réussi à maîtriser l’oïdium, le thrips et l’acarien (sauf 2022-2023) grâce aux leviers suivants :
- Oïdium : engrais foliaire BCP BO3 Fleurs et serres (poudrage) + bassinage
- Thrips : bassinage + dishooting + Neoseiulus cucumeris (1 sachet/m² toutes les 4 à 6 semaines)
- Acariens : bassinage + Phytoseiulus persimilis (sur foyer 15-20 individus au m²). Mais augmentation très forte des populations en 2022, suite à des problèmes techniques avec la brumisation et les ouvrants des serres.
- Cicadelles : fort problème au printemps 2020, baisse importante de qualité (taille + biocontrôle + bandes engluées) - Maîtrise en 2021, 2022: pas de problème, retour des attaques en 2023
- Pucerons : problème non majeur en 2020 devenu majeur à partir de 2021 : maîtrise avec taille + biocontrôle + lutte biologique avec prédateurs : chrysope, coccinelles (Adalia et Propylea) et parasitoïdes : Aphidius et Aphidoletes + insecticides compatibles avec les auxiliaires (IFT 4,5). Changement de stratégie avec moins d’applications de biostimulants et plus de savon noir qui permet de faire baisser les attaques et optimiser les lâchers d’auxiliaires. En été, apparition de parasitoïdes naturels : cécidomyie, efficace pour nettoyer les foyers.
- Chenilles(Chrysodeixis et Cacoecimorpha) : problème en 2019, moins en 2020 (utilisation de piège et Bacillus thuringiensis). Pas de problème en 2021, 2022. Retour des attaques en 2023.
- Cochenilles : gros problème de Pseudococcus longispinus et Icerya purchasi en 2020 ; lâchers de Cryptolaemus, taille et produit de biocontrôle. En 2021, attaque localisée, maîtrisée avec taille et brossage des tiges. En 2022, foyers localisés ; brossage tiges + lâchers Cryptolaemus. Retour des attaques 2023.
La culture de rosiers en hors sol sous serre avec des variétés sélectionnées pour la fleur coupée n’est pas compatible avec une culture 0 IFT chimique. En effet, la maîtrise des ravageurs sans IFT chimique est impossible sur le long terme et les récoltes ne sont pas qualitatives. |
Récoltes des roses
Du 11/03/2019 au 01/06/2023
Types d'interventions |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
IFT phytosanitaire synthèse |
0 |
0 |
3 |
2 |
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IFT biocontrôle |
8 |
10 |
5 |
4,5 |
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Biostimulants |
33 |
23 |
30,5 |
8 |
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Physique/mécanique |
0 |
2 |
0,5 |
1 |
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Savon noir |
0 |
1 |
6 |
13 |
4 |
Lâchers |
12 |
11 |
26 |
14 |
1 |
Nourrissage |
3 |
2 |
10 |
0 |
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0 : nul, 1: faible, 2 : moyen, 3: important
Le système de production conventionnel en rosier fleurs coupées utilisent énormément d’IFT chimique pour obtenir des rendements importants et une qualité irréprochable. Cependant, ce système ne permet pas une maîtrise totale des bioagresseurs et impacte négativement la biodiversité. L’objectif du CREAM dans le projet ROSABIP était d’obtenir une production rentable avec des récoltes quantitatives et qualitatives, de maîtriser les bioagresseurs et favoriser la biodiversité, le tout sans IFT chimique. Cependant, malgré une bonne maîtrise des bioagresseurs principaux, les ravageurs secondaires ont posé problème, avec une qualité des récoltes et des rendements faibles, nous obligeant à utiliser un produit phytosanitaire choisi pour sa compatibilité avec les auxiliaires.
Les pucerons sont considérés comme des ravageurs secondaires en cultures de rosiers fleurs coupées par rapport au thrips qui demeure l’ennemi numéro 1. Cependant, dans notre système 0 IFT chimique, le thrips a été bien maîtrisé, alors que nous nous sommes heurtés à de fortes attaques de pucerons dépassant le seuil de nuisibilité. L’utilisation massive d’auxiliaire et de produits de biocontrôle n’a pas été suffisante pour gérer les populations. Les rosiers pour la fleur coupée sont une culture pérenne et il n’est pas possible de réaliser des vides sanitaires. Finalement, après plusieurs changements de stratégies (moins de biostimulants, plus de biocontrôles…) et pour ne pas perdre la culture, quelques applications d’un produit phytosanitaire compatible avec les auxiliaires ont été nécessaires. Cependant le problème est revenu et un nouveau changement de stratégie a permis de contenir les attaques ; avec l’application régulière de savon noir ajoutée à la lutte biologique et la présence d’auxiliaires naturels.
Même si le 0 IFT chimique est inatteignable économiquement dans le système conventionnel de production de rosiers pour la fleur coupée, plusieurs leviers permettent néanmoins de le faire baisser et sont facilement transférable en exploitation :
-la maîtrise du climat en particulier avec des bassinages réguliers
-la lutte biologique par conservation ou augmentation
-les engrais foliaires
-l’utilisation de produits de biocontrôle
Le système actuel de production de rosier pour la fleur coupée n’est pas viable économiquement si on supprime les IFT chimiques. Sur le long terme, la pression des ravageurs est trop forte et les récoltes invendables. C’est pourquoi il est important de continuer les expérimentations afin de proposer une production respectueuse de l’environnement pour une culture aussi importante et emblématique que la rose. Pour cela, le CREAM s’oriente vers un nouveau modèle de production de rosiers cultivés selon le cahier des charges de l’agriculture biologique : en pleine terre, avec des engrais organiques, des variétés plus rustiques et un respect de la saisonnalité et des circuits de commercialisation.