Système Verger de rupture - La Pugère - REVATRA
Conception du système
Le système "Référence" correspond à la structure de verger (conduite en gobelet) que l'on retrouve dans la grande majorité des vergers d'amandiers de la région. L'itinéraire technique correspond également aux pratiques régionales (à l'exception du désherbage chimique qui est remplacé par du désherbage mécanique). Précisons que cette modalité prend en compte différents OAD comme les données météorologiques, la cage à émergence de l'insecte Eurytoma amygdali, les observations sur le verger des auxiliaires, l'évolution de la présence des ravageurs comme le puceron ou la cicadelle verte, ... C'est aussi un verger doté de règles de décision par rapport à l'enherbement sur le rang ou la présence de ravageurs. En synthèse, cette modalité permet la comparaison avec le système "Innovation" mais représente aussi une source d'enseignements et de diffusion de pratiques vertueuses (et efficaces) de la protection du verger et de la gestion du rang de plantation.
Le système "Innovation" correspond à une modalité de rupture. Elle se traduit par un mode de conduite innovant (la très haute densité) associé à un porte-greffe de faible vigueur. L'idée étant que ce mode de conduite, composé d'arbres alignés et de faible vigueur permette la pose d'un filet de protection mécanique contre le principal ravageur de l'amandier : Eurytoma amygdali. Ce levier est pressenti comme efficace, une étude préalable ayant montré cette possibilité, mais devant être validé par un essai sur un verger de grande taille, soumis aux difficultés climatiques, logistiques et pratiques que l'on trouve chez les producteurs. En complément de cette reconception du verger sont associés différents leviers d'efficience. Cela concerne notamment le levier génétique, avec le choix d'une variété, Soleta, donnée comme moins sensible à certaines maladies fongiques. D'autres leviers sont utilisés, comme la taille en vert pour limiter les foyers de pucerons, la gestion de la vigueur, le semis de bandes fleuries pour attirer les auxiliaires et la pose d'une bâche tissée au sol afin de se dédouaner de toutes interventions (chimiques ou mécaniques) de destruction des adventices sur le rang de plantation.
Mots clés :
Agro-écologie - Leviers - Conduite - Variétés- transfert
Caractéristiques du système "Innovation"
Espèce | Variétés | Porte-greffe | Mode de conduite | Distance de plantation | Année d'implantation | Valorisation | Circuit commercial |
Amandier |
Lauranne(r) Soleta |
Rootpac(r) 20 | Haute densité, haie fruitière | 4 m x 1,25 m | 2019 | Production frais | Long |
Système d’irrigation : Goutte à goutte Gestion de la fertilisation : Fertirrigation (Analyse de sol, Profil cultural, Exportations et comportement de l'arbre). L'apport d'éléments fertilisants se fait majoritairement par fertirrigation grâce à une pompe doseuse. Infrastructures agro-écologiques : Haies déjà installées Protections physiques : Bâches au sol contre les adventices et filet alt'insectes contre Eurytoma amygdali |
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Concernant le déroulé de l'essai, nous avons été confronté à différents aléas climatiques qui ont perturbé nos travaux. Le premier de ces aléas concerne les gelées de printemps. En 2021, le 8 avril, une baisse des températures avoisinant les - 6 °C a été enregistrée sur la parcelle. Toute la récolte a été détruite, et ce dans les 2 modalités. De plus, les larves de l'insecte Eurytoma amygdali, contre lequel nous avons mis en place des stratégies de protection (notamment le filet) ont également été détruites par le gel. Cela a allégé la pression de ce bioagresseur pour les amandiculteurs de la région en 2022 mais nous a privé d'observations fiables sur son développement (et donc sur les stratégies de protection). Retour du gel en 2022 (2 années de suite, c'est assez exceptionnel sur ce secteur) avec une récolte présente mais réduite, ne permettant pas des comparaisons économiques entre les 2 modalités. Heureusement, pas de gel en 2023, mais des conséquences induites sur la présence de l'insecte.
Concernant l'intérêt de l'essai, la profession est effectivement en recherche d'informations relatives à la culture de l'amandier, dont la protection contre les bioagresseurs est l’un des axes principaux. Malgré les aléas évoqués, l'information tirée de ces 2 modalités a été précieuse. Des appels réguliers, la présentation lors de journées techniques, des visites sur le terrain, ... ont permis de transmettre au mieux les enseignements de l'essai. Une synthèse générale a été réalisée lors du colloque amandier du 6 février 2024 à l'INRAE d'Avignon.
On distingue la stratégie de protection du verger mis en place sur la modalité "Référence" de celle considérée sur la modalité "Innovation". Sur "Référence", c'est une stratégie basée sur l'observation de l'évolution du parasitisme, un OAD d'émergence pour Eurytoma amygdali, l'observation de la présence d'auxiliaires et la donnée climatique. Les réponses correspondent le plus souvent à des traitements phytosanitaires, en respectant cependant le fait que des niveaux de tolérance sont pris en considération pour les dégâts de ravageurs (pas de maladies).
Sur "Innovation", l'observation, les OAD et les seuils de tolérance sont également intégrés à la stratégie. Par contre, les réponses apportées contre les bioagresseurs sont plus globales et concernent des leviers innovants. Il s'agit prioritairement d'une reconception du verger d'amandier, avec plantation d'arbres de faible vigueur, conduits en haie fruitière, afin de permettre la pose d'un filet de protection contre les insectes. On parle donc d'une stratégie globale car la pose d'un filet ne peut se faire sur la conduite traditionnelle en gobelets. D'autres leviers, plus spécifiques, complètent la stratégie : limitation de la vigueur (et donc de l'appétence aux insectes piqueurs-suceurs), bandes fleuries, bâche tissée au sol pour ne pas utiliser de désherbants et une variété donnée comme moins sensible aux champignons pathogènes (Soleta).
Le schéma décisionnel "Protection des adventices" ci-dessous concerne la modalité "Innovation"
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Bâche tissée au sol | Cette bâche a un grammage élevé (130 gr/m2) ce qui lui confère une épaisseur importante et empêche la germination des adventices. | Très efficace dans la mesure où la bâche est balayée une fois par an. Cela permet de limiter les dépôts de limons qui s'accumulent et permettent aux adventices de s'installer. Par contre, la bâche apporte une protection aux campagnols qui peuvent s'installer et ronger les racines, ce qui peut entrainer des mortalités d'arbres. |
Enherbement inter-rang | Ce levier est commun aux 2 modalités. Il s'agit de maintenir un couvert végétal entre les rangs de manière à favoriser les auxiliaires généralistes et limiter le tassement du sol (et donc la vie biologique, génératrice de fertilité). | Le couvert est semé en fin de première feuille. Dans les 2 cas, il assure les rôles attendus dans les principes d'action. L'enseignement général concerne sa levée. En effet le manque de pluie récurrent pour cette levée (automne ou printemps) limite aujourd'hui sa capacité d'installation et, de fait, les intérêts attendus |
Le schéma décisionnel "Gestion des ravageurs" ci-dessous concerne la modalité "Innovation".
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Filet de protection contre Eurytoma amygdali | Le filet recouvre totalement les arbres (conduits en haie fruitière). Aucun espace ne doit permettre à l'insecte de passer sous le filet. Dans le cadre de cet essai, il s'agit d'un filet 5 x 4, de mailles 1.71 x 2.21. Le filet est posé début avril, lors de la sortie des adultes. Les dates de pose et de retrait du filet sont déterminées en fonction des éclosions relevées dans une cage à émergence (OAD). |
Aucune piqure d'Eurytoma sous les filets en 2022 et 2023, années de production. Permet d'éviter 2 IFT de la famille des Pyréthrinoïdes, utilisés sur la modalité "Référence". La pose doit être rigoureuse (pas de passages laissés), le filet étant placé avant ou très proche des premières éclosions. Ce filet pourrait avoir un effet sur de nouveaux parasites comme Monosteira unicostata (pas encore présent sur REVATRA) et éviter ainsi 1 à 2 IFT pour les vergers concernés. |
Bandes fleuries | Semées à l'automne. Composées de plantes à floraison précoce qui attirent les auxiliaires (syrphes et chrysopes notamment). Ceux-ci prélèvent du nectar puis migrent sur les pucerons présents dans les arbres pour les consommer. |
Stratégie déjà utilisée en pêcher et s'avérant très efficace. Permet d'éviter, sur jeunes vergers d'amandiers, 1 voire 2 IFT. Par contre, 2 difficultés. La première concerne les conditions climatiques de levées. Il est indispensable de semer avant des pluies, qui ne sont pas toujours présentes aux périodes concernées. La seconde difficulté concerne "l’Arrêté abeille", qui impose de faucher les inter-rangs pour ne pas risquer de pénaliser les auxiliaires par les traitements. |
Taille en vert | Permet de supprimer des foyers de pucerons actifs. | Indispensable pour une bonne reprise de la végétation après l'attaque. |
Le schéma décisionnel "Gestion des maladies" ci-dessous correspond à la modalité "Innovation".
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Plantation de la variété Soleta, considérée comme peu sensible au fusicoccum et au monilia | Moindre sensibilité naturelle (données de référence espagnoles). |
Pas de dégâts de Fusicoccum amygdali sur la période 1ère à 5ème feuille. Attention, ce parasite se montre actif plutôt sur arbres adultes. Quelques bouquets touchés par le Monilia mais dommages acceptables (dans le cadre D.Do.P). Par contre forte sensibilité de Soleta à la Rouille (Tranzchelia pruni-spinosae) et au Coryneum. Dommages marqués en 2020. |
Observation des données météorologiques. | N'intervenir que si risques de contamination. | Levier qui fonctionne mais qui n'est pas innovant. |
Molécules chimiques homologuées sur amandier contre Fusicoccum amygdali et Monilia. | Anti germinatifs sur champignons pathogènes | Efficaces mais alterner les familles chimiques. |
Le tableau ci-dessous concerne la maitrise des principaux bioagresseurs présents sur les 2 modalités de l'essai. En vert, bonne maitrise, répond aux objectifs. En rouge, maitrise insuffisante. En gris, pas concerné.
Adventices | Eurytoma | Puceron | Fusicoccum | Monilia | Rouille | Coryneum | ||||||||
2019 | ||||||||||||||
2020 | ||||||||||||||
2021 | ||||||||||||||
2022 | ||||||||||||||
2023 | ||||||||||||||
Réf | Inno | Réf | Inno | Réf | Inno | Réf | Inno | Réf | Inno | Réf | Inno | Réf | Inno |
La pression adventices a été parfaitement maîtrisée par la bâche tissée sur la modalité "Innovation". Cela est fondamentale car les jeunes arbres plantés avaient moins de 1 an de pépinière, et étaient donc très sensibles à la concurrence hydro-minérale. Par contre, cette bâche demande à être parfaitement tendue à la plantation et balayée une fois par an pour éviter les dépôts de limons. Autre information, la bâche a favorisé l'arrivée de campagnols (Microtus duodemcicostatus). À ce titre, la pose de la bâche est à éviter sur toute parcelle présentant de possibles infestations de campagnols.
La pression Eurytoma a été faible sur les 2 modalités à cause des gels de 2021 (- 6,8°C) et 2022. Ces gels ont entrainé la mort d'une partie importante des larves présentes sur les amandiers sauvages du secteur et ainsi limité la présence de l'insecte adulte l'année suivante. La stratégie chimique sur la modalité "Innovation", à savoir 2 pyréthrinoïdes de synthèse sur le début et le pic du vol, a été très efficace. De même, la protection par le filet s'est avérée bénéfique avec aucune piqure enregistrée (sur un échantillon de 15 000 fruits en 2022 et de 16 000 fruits en 2023). Par contre, en 2023, le témoin non traité ne faisait pas état de piqures, sans doute lié aux gels évoqués ci-dessus. À noter que 2 autres essais, utilisant le même type de filet (Filpack 5*4, 1.71 x 2.21) ont protégé efficacement avec aucun fruit piqués sous le filet (20 % de fruits piqués sur le témoin non traité d'un des essais).
La protection contre les pucerons (Brachycaudus amygdalinus) a été marquée par des comportements différents sur les 2 modalités. Sur la modalité "Référence", les dégâts enregistrés en 2020 sur la 2ème feuille, avec absence de traitement préventif, ont incité à intervenir en 3ème feuille avec une huile de paraffine avant fleur (soit 1 IFT de biocontrôle). Pas d'autres interventions par la suite, les leviers taille en vert, présence d'auxiliaires et retour de la vigueur ont permis de limiter très fortement l'impact de ces pucerons sur les jeunes arbres. Pour la modalité "Innovation" la présence des bandes fleuries (quand les conditions climatiques leur ont permis de se développer) a permis de ne pas avoir de foyers actifs. Cela était également favorisé par la faible vigueur des pousses de cette modalité, liée à un porte-greffe nanisant.
Concernant la protection contre le "couple" Fusicoccum amygdali/Monilia, ces champignons sont considérés comme virulents et pérennes à cause de chancres qui peuvent se développer sur amandiers et servir de réserve annuelles de spores. À ce titre, les règles de décisions émises par le COPIL/COTECH de lancement du projet ont été de protéger préventivement les 2 modalités. Par contre, les traitements préventifs n'ont pas eu lieu sur les 2 premières feuilles. Sur les 5 années d'observations, nous n'avons pas mis en évidence de Fusicoccum sur les vergers étudiés. Quelques dégâts de Monilia sont apparus, mais rares et sans développement. Dans l'ensemble, ces 2 champignons ont été bien maitrisés sur les 2 modalités.
Concernant la maitrise de la rouille (Tranzchelia pruni-spinosae) et du Coryneum, la situation a été très variable selon les années. En 2020, sur la 2ème feuille, aucun traitement de protection n'a été réalisé, malgré des pluies au printemps. La rouille est apparue en juin et s'est développée en juillet/aout et septembre. Les premiers symptômes sont apparus sur la variété Soleta. Cette variété, donnée peu sensible au Fusicoccum et au Monilia s'est avérée par contre, très sensible à la rouille. Elle a favorisé, de part la proximité des rangs, le développement de la maladie sur les autres variétés, Lauranne(r) et Ferragnès. Les dégâts ont été importants avec une décoloration généralisée des feuilles sur les 2 modalités (mais d'abord et en priorité sur la modalité "Innovation"). Le Coryneum a suivi la même dynamique que la rouille. À partir de 2021, sur 3ème feuille la règle de décision a été de protéger les parcelles d'essai si présence de pluies et de températures élevées. Ce fut le cas en 2023 (5ème feuille). À partir de cette règle de décision, les 2 champignons ont été bien maîtrisés. Malheureusement, nous ne disposons pas sur amandier d'un modèle prédictif de contamination. De fait, les protections sont déclenchées à partir d'une estimation qui prend en compte l'intensité des pluies mais surtout la durée d'humectation, élément essentiel aux risques de contamination.
Performance agronomique
Le fait de disposer de 2 variétés différentes dans chaque modalité complique les facteurs de comparaison pour le rendement en amandes coques. Pour présenter une donnée cohérente sur cette dimension du rendement, nous avons isolé la variété Lauranne(r), présente sur les 2 modalités ("Référence" avec conduite en gobelets et "Innovation" avec conduite en haie fruitière) en ramenant la production à l'hectare.
Figure 1 : rendements de Lauranne (r) ramenés à l'ha, 2023
Le mode de conduite en haie fruitière montre un rendement plus faible, car pénalisé par un manque d'eau sur les 2 parcelles suite à un accident et un arrêt de la pompe. Les arbres "Innovation" étant sur un porte-greffe faible et peu enraciné ont davantage souffert du manque d'eau avec des conséquences plus fortes sur le potentiel de production.
Les autres années de production (3ème et 4ème feuille) ne peuvent être comparées suite aux dégâts de gel (aucune production en 2021, production faible et irrégulière selon les différents points de la parcelle en 2022).
Performance environnementale
Figure 2 : répartition de l'IFT par modalité et par année
En première feuille (année 2019), pas de traitement sur les 2 modalités. À ce stade, les maladies fongiques sont généralement peu présentes. De même, suite aux observations, pas de présence de pucerons et donc pas de protection réalisée.
En 2ème feuille (année 2020), pas de protection préalable fongicide, ce qui s'est avéré être une erreur. Les dégâts conjugués de Rouille (Tranzchelia pruni-spinosae) et de Coryneum ont imposé 2 traitements (et même 3 sur la variété Soleta, qui s'est montrée très sensible) pour limiter l'impact de ces champignons. Ces contaminations ont montré l'importance d'une protection préventive sur les principales maladies fongiques, ce qui a modifié les règles de décisions initiales. À partir de la 3ème feuille, la protection préventive a été mise en place. Seule exception, la possibilité de se passer d'une protection cuivre a été testée en 5ème feuille (année 2023) sur la partie "Innovation", à priori avec succès car sans incidence négative sur la protection maladies de cette modalité.
La baisse des IFT pour la modalité "Innovation" concerne essentiellement la protection contre les ravageurs. Elle se concentre sur 2 insectes, le puceron avec l'absence d'une protection préalable avec huiles de paraffine qui ne nuit pas au verger (favorisé également par la faible vigueur des arbres) et l'hyménoptère Eurytoma amygdali. Pour ce dernier, le filet, de maille 5*4, 1.71 x 2.21, installé sur "Innovation" a empêché le passage de l'insecte, avec aucun dégât enregistré sur les 4ème et 5ème feuille. Les 2 années de fort gel (2021 et 2022) ont pénalisé la production mais également tué les larves de cet insecte dans l'environnement. De fait, les années suivantes, le témoin non traité n'a pas été touché ce qui enlève un élément de comparaison. Par contre, 1 essai mené en 2023 sur un autre programme avec la même protection filet a montré également l'absence de dégâts avec un témoin non traité à 20 % de fruits piqués.
Pour les autres insectes ravageurs : Anarsia lineatella et Cicadelle Assymetrasca decedens, les observations très régulières (1 contrôle rigoureux par semaine de début mars à fin septembre), ont permis de ne pas traiter. Des symptômes sont apparus (effet des piqures) mais les dégâts ont été évalués insuffisants pour déclencher des traitements. Le seuil de nuisibilité n'étant pas établi par ailleurs sur ces insectes, nous avions décidés de n'intervenir que si la croissance des arbres était en phase d'arrêt, ce qui ne fut pas le cas lors de nos observations.
À noter que nous ne présentons pas l'IFT herbicide car aucun herbicide n'est réalisé sur les 2 modalités. Concernant "Référence", c'est un choix du COPIL/COTECH avec priorité au désherbage mécanique et pour "Innovation", il était intéressant d'étudier l'intérêt de la bâche tissée 130 gr/m2. Pour le désherbage mécanique, bonne efficacité, mais 3 passages par an (1 à partir de la 5ème feuille). Pour la bâche tissée, très bonne efficacité adventices mais entretien annuel obligatoire par balayage. Par contre, sous la bâche, développement des populations de campagnols qui ont entrainé la mortalité de quelques arbres. En synthèse, les 2 modalités permettent une baisse de l'IFT de 0.25 à 0.5 par rapport au désherbage chimique.
Figure 3 : IFT hors biocontrôle et IFT de biocontrôle par modalité et par année
Peu de produits de biocontrôle sont utilisables et disponibles en amandiers (par exemple, pas de confusion sexuelle contre Eurytoma amygdali). La différence entre les 2 systèmes vient du non usage des huiles de paraffine d'hiver contre les pucerons sur la modalité "Innovation" et ce, sans développement de l'insecte (faible vigueur des arbres et auxiliaires permettent cette suppression d'IFT).
Lecture du graphique : la ligne rouge représente l’objectif fixé. Tous les points qui se trouvent à l’intérieur de l’aire rouge sont en-dessous de l’objectif. Tous les points qui se trouvent à l’extérieur dépassent l’objectif.
Pour le critère "IFT insecticides", la modalité "Innovation" est qualifiée par une note de 5. Cette note correspond à 0 intervention insecticide hors biocontrôle sur l'année (année de référence : 2023). C'est une des réussite du projet qui montre que la maitrise des ravageurs sur amandier est possible avec l'utilisation d'un filet, des observations en lien avec des évaluations de nuisibilité, la présence d'auxiliaires et la protection complémentaire par IFT de biocontrôle. Sur la modalité "Référence", la note de 3 correspond à la protection contre l'insecte Eurytoma amygdali et pucerons (sur premières feuilles).
Concernant les "IFT fongicides", la modalité "Innovation" obtient la note de 4. Cela est permis par l'abandon du traitement préventif au cuivre et l'utilisation de polysulfure de calcium, sur les contaminations printemps/été en tant que produit de biocontrôle. Notons que cette considération positive est liée à une pluviométrie relativement limitée au printemps. La partie "Référence" a été traitée en encadrement de floraison + 1 traitement préventif au cuivre.
Pour les "IFT herbicides", très bon comportement des 2 modalités. La modalité "Référence" est désherbée mécaniquement. C'est efficace mais le coût est plus élevé que le désherbage chimique. La bâche tissée au sol, levier utilisé sur la modalité "Innovation" permet effectivement une très bonne protection contre les adventices (mais à entretenir durant toute sa durée de vie).
Pour les "Temps de travaux", l'absence d'interventions sur Eurytoma permet de limiter le nombre de passage de tracteurs et préparation de bouillie d'où un gain de temps sur la partie "Innovation". De même, sur cette modalité, un gain de temps important pour les opérations de taille et de récolte. Malgré cela, la pose-dépose des filets ne permet pas d'atteindre la note de 5.
Ce zoom présente de l'intérêt car la bâche tissée au sol peut être transférer non seulement sur les vergers qui correspondraient à la modalité "Innovation" mais également à l'ensemble des modes de conduite utilisés en amandier dont les plantations en gobelet. Le principe de la bâche tissée est une protection mécanique qui recouvre l'ensemble de la surface du rang de plantation. Elle empêche les graines d'atteindre le sol, de germer et donc de venir concurrencer les amandiers en eau et éléments nutritifs. Cette bâche a été installée dès la plantation sur la partie "Innovation". La pose est relativement facile et rapide. Le coût était, en 2019, de 1 € du mètre linéaire, pour une largeur de 2 mètres. Cette bâche présente un grammage de 130gr/m2, ce qui la rend très résistante. Pas de trous observés durant la durée de l'essai. A priori un système très efficace et au final amortissable par rapport à du désherbage mécanique, voire à du chimique, sur le long terme. Par contre, plusieurs éléments à prendre en considération :
- La bâche doit faire l'objet tous les ans de 1 à 2 passages de balayeuse pour retirer les limons d'érosion qui se déposent et génèrent un "nouveau sol" sur lequel les adventices peuvent germer.
- La bâche est à proscrire si présence (avérée ou potentielle) de campagnols. Ils se réfugient sous la bâche et consomme les racines des amandiers.
Le transfert vers les exploitations concerne 2 possibilités :
Transfert du système Innovation dans son intégralité. La dimension systémique favorise ce type de transfert. La modalité "Innovation" permet la mise en place du filet et donc l'économie d'IFT contre les insectes ravageurs (les résultats Eurytoma amygdali devraient cependant être complétés par des essais sur d'autres ravageurs présents ou à venir sur le verger d'amandier). Les rendements sur cette modalité ont été perturbés par le gel et un accident d'irrigation mais semblent de très bon niveau dans les vergers régionaux de même mode de conduite. Avant d'installer ce type de verger, il faut cependant s'assurer de disposer du système de récolte spécifique (machine à vendanger surélevée) et d'un suivi très pointu de l'alimentation hydro-minérale.
Transfert de certains leviers de l'essai. Concernant le levier variétal, la variété Soleta, donnée comme peu sensible aux champignons de blessure (Fusicoccum amygdali et Monilia) s'est montrée particulièrement sensible à la Rouille (Tranzchelia pruni-spinosae) et au Coryneum. C'est une information essentielle qui va orienter les choix variétaux et/ou justifier la mise en place d'une protection fongique très rigoureuse sur cette variété. Concernant la bâche tissée au sol, son efficacité est optimale si elle est bien entretenue. On peut ainsi transférer l'idée d'un système efficace, de coût raisonnable, qui permet d'oublier complètement la problématique du désherbage sur le rang de plantation. Par contre, à déconseiller fortement dans les terrains avec risques de campagnols. Concernant les bandes fleuries, transférable également, de bons résultats si elles démarrent bien et se maintiennent. Cela est naturellement lié à la présence de pluies après semis. Ces bandes fleuries attirent les insectes auxiliaires comme les Syrphes et les Chrysopes qui viennent se nourrir de nectar. Ils passent ensuite sur les amandiers pour consommer les pucerons présents. Par contre, difficile aujourd'hui à gérer, l'arrêté abeille imposant une tonte des fleurs en saison si usage d'insecticides. Concernant le filet, il ne peut être dissocié du mode de conduite, c'est-à-dire qu'il ne peut être transféré que sur des vergers en haie fruitière. Mais ce mode de conduite peut se développer car de nouveaux essais sont en place avec un accès plus facile aux systèmes de récolte traditionnels et des rendements élevés. Concernant l'efficience des traitements, nous avons constaté la possibilité de se passer d'un IFT cuivre si encadrement de la floraison rigoureuse et interventions pertinentes en saison selon les durée d'humectation. Sur les cicadelles (Assymetrasca decedens) et le lépidoptère Anarsia lineatella, les attaques considérées comme moyennes sur les vergers d'essai n'ont pas nécessité d'intervention. Cela sous entend néanmoins de bien identifier la notion de dégâts acceptables.
Ces travaux de recherche constituent le premier pas vers un verger d'amandiers plus performant en termes de production mais aussi en termes de respect de l'environnement. En effet, un programme, nommé ELZEARD s'est appuyé sur le concept "Innovation" de l'étude REVATRA pour proposer un verger en haie fruitière envisagé comme plus performant. Les arbres sont plantés à 5 m x 3 m avec une hauteur attendue de 3,50 m. Porte greffe vigoureux et maitrise de la vigueur sont obligatoires. La haie permet la pose du filet et les premiers résultats ont montré son étanchéité sur Eurytoma amygdali. Des essais complémentaires sont envisagés pour étudier l'effet barrière du filet sur d'autres insectes dont Monosteira unicostata qui se développe en cas de fortes chaleurs. En 3ème feuille, le rendement a été plus élevé que la modalité témoin en gobelets à 6 m x 6m.
D'autres programmes présents (comme LEVEAB) ou à venir vont compléter la recherche de la triple performance, économique, environnementale et sociale. Les pistes d'amélioration concernent notamment le choix de variétés peu sensibles aux bioagresseurs et performantes en termes de rendement. Elles concerneront aussi l'amélioration du désherbage hors herbicides avec de nouveaux matériels physiques (bâche peu impactantes campagnols) ou de désherbage mécanique permettant de baisser les coûts et les interventions.
Enfin, il est nécessaire de multiplier les pistes de recherche sur la limitation des dégâts d'Eurytoma amygdali. Cela concerne les kairomones d'attraction de l'insecte (premiers essais en laboratoires à compléter), les hormones d'oviposition et la recherche d'auxiliaires.