Système Agroforestier fruitier - TAB - EMPUSA
Face à l’érosion de la biodiversité, la pratique de l’agroforesterie et l’implantation d’aménagements agroécologiques (i.e. haies, bandes enherbées) sont suggérés pour favoriser le maintien des habitats naturels au sein des agrosystèmes. Deux visions s’opposent sur l’impact des espaces naturels voisins des cultures. La première soutient que les espaces naturels seraient une source de bioagresseurs des cultures, responsables de pertes importantes de rendements. La seconde, selon la méthode de lutte biologique par conservation, soutient que favoriser des espaces naturels au voisinage des cultures permettrait d’augmenter les auxiliaires et de réduire en retour les ravageurs et donc d’augmenter les rendements.
Dans notre étude, entre 2019 et 2023, nous avons suivi les populations et activités des principaux bioagresseurs et auxiliaires des grandes cultures (i.e. soja, maïs, féverole, colza, blé) et du pêcher ainsi que les rendements dans : un système agroforestier fruitier associé à des aménagements agroécologiques, un système référence grandes cultures et un système référence pêcher, tous conduits en agriculture biologique. Par ailleurs, nous avons étudié en 2020 et 2021, les dynamiques de population du puceron noir et des larves de coccinelles dans la féverole du système agroforestier et de la référence grandes cultures en fonction de la distance à la haie.
Dans le système agroforestier fruitier, nous avons observé des modifications de dynamiques de population des bioagresseurs et auxiliaires par rapport aux références grandes culture et pêchers. Néanmoins, nous n’avons pas observé de tendance générale en faveur d’une flambée ou d’une régulation des ravageurs par les auxiliaires dans le système agroforestier par rapport aux systèmes références. Nous n’avons pas observé de différences significatives de rendements des grandes cultures entre le système agroforestier et la référence grandes cultures. Il y a eu un effet bénéfique de l’agroforesterie et des aménagements sur la diversité des auxiliaires. Certains auxiliaires ont été favorisés par l’agroforesterie et les aménagements tandis que d’autres sont d’abord ravageurs-dépendants et peu influencés par le paysage local comme c’est le cas pour les larves de coccinelles. Nous avons observé une corrélation négative entre la distance à la haie et les dégâts de forficules sur pêches. Nous n’avons cependant pas observé de réduction des rendements de pêches en fonction de la proximité des haies. Nous avons observé plus de pucerons noirs et de larves de coccinelles dans la féverole à proximité des haies, ainsi qu’une corrélation positive entre les deux en 2020 et 2021.
Dans le système agroforestier, nous avons pu concilier un maintien des rendements des grandes cultures avec une meilleure intégration de la biodiversité, sans flambée des bioagresseurs, ni une tendance générale au contrôle des bioagresseurs par les auxiliaires. Les effets peu concluants de la lutte biologique par conservation à augmenter les rendements sont également constatés dans la littérature. Néanmoins, la neutralité des aménagements agroécologiques et de l’agroforesterie sur les rendements des grandes cultures laisse entrevoir la possibilité de concevoir des agrosystèmes productifs plus respectueux de la biodiversité.
Conception du système
Dans notre étude, il s’agissait d’étudier l’impact de l’agroforesterie fruitière (pêchers associés à des grandes cultures) sur les dynamiques de populations des bioagresseurs, des auxiliaires et des services de régulation ainsi que sur les rendements des grandes cultures en agriculture biologique sur 5 années (2019-2023). Il s’agissait de produire des données claires sur les enjeux de conservation et d’intégration de la biodiversité aux agrosystèmes à la lumière des avantages et inconvénients potentiellement associés.
Le système agroforestier fruitier associe 5 planches de cultures assolées, 4 planches d'une culture fruitière pérenne (pêcher) et de nombreux aménagements biodiversité : haies, bandes enherbées, gites à chauves-souris, nichoirs à mésanges et rapaces). L'ensemble du système est conduit en agriculture biologique
Mots clés :
Agroforesterie fruitière - Agriculture biologique - Régulations naturelles - Désherbage mécanique - Biodiversité fonctionnelle
Caractéristiques du système
Le dispositif expérimental se situe à Etoile-sur-Rhône dans la vallée du Rhône, dans un climat d’influence méditerranéenne, avec une pluviométrie moyenne de 922 mm/an sur 1987-2010 (Météo-France), un vent de type Mistral dominant. Le sol est un diluvium limono-sableux drainant avec 50% de cailloux de type galets. Le sol a une bonne reprise après labour, se tasse peu et est peu sujet à l’hydromorphisme.
Le dispositif expérimental est implanté sur une parcelle avec un sol hétérogène. La partie Ouest est sablo-limono-argileuse (8% d’argiles / 22% de limons / 70% de sables), a une structure stable, ne présente pas de risque d’asphyxie, a un pH acide de 6,6 et un taux de MO correct (13g/kg). La partie Est cependant est limoneuse (20% d’argiles / 34% de limons / 46% de sables), elle est plus déséquilibrée avec un pH élevé de 8, une structure instable et un risque d’asphyxie et de battance.
La parcelle référence elle est plus homogène. Sa composition est limono-sableuse (13% d’argiles / 27% de limons / 60% de sables), a une structure moyennement stable, présente un faible risque d’asphyxie mais pas de risque de battance. Son pH de 6,5 est homogène sur la parcelle tout comme son taux de MO autour de 10g/kg.
Description du dispositif
Le dispositif expérimental se compose de deux systèmes, un système agroforestier fruitier implanté en 2013 et un système de référence de grandes cultures implanté en 2019.
Parcelle agroforestière
Le système agroforestier a été implanté sur une parcelle de 3ha. Il est composé d’une succession de planches de pêchers et de grandes cultures. La rotation de grandes cultures comprend 5 espèces présentes chaque année, soja (Ecudor NT en 2015), maïs (semence : Barcarolle) , féverole (Diver), colza (Sammy + 10% Alicia) et blé tendre (Energo).
Les arbres sont des pêchers conduits en double Y (Ivory star cov, sur porte-greffe Montclar®). Les planches de grandes cultures et de pêchers font 18m de large. Les pêchers sont disposés sur 3 rangs, l’inter-rang est enherbé (d’Est en Ouest : spontané ; ray-grass, fétuque, trèfle blanc ; achillée millefeuille, fétuque et sarrasin ; fétuque rouge et traçante). La production est menée en agriculture biologique (AB).
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Système de référence grandes cultures
Le système de référence des grandes cultures a été implanté sur 1,7ha, voisine du système agroforestier, sans arbres associés mais seulement une haie adjacente au Sud. Le système est composé de 5 planches de grandes cultures en rotation de 18m de large, similaire à celle de la parcelle du système agroforestier. Les parcelles du système de référence ont été conduites selon le même itinéraire technique que les parcelles de grandes cultures du système agroforestier.
Objectifs de l'essai système:
L'objectif de cette essai système était de comparer les dynamiques de populations des auxiliaires et ravageurs des cultures, les services de prédation et les rendements des cultures, entre un système agroforestier fruitier (i.e. pêchers et grandes cultures) accueillant des aménagements agroécologiques, avec un système de référence peu diversifié conduit uniquement en grandes cultures. Nous avons également suivi les dynamiques de population d’auxiliaires et ravageurs emblématiques (i.e. larves de coccinelles et pucerons noirs sur la féverole) pour approfondir les connaissances sur les mécanismes proies/prédateurs de régulation naturelle des ravageurs et auxiliaires des cultures.
Objectifs agronomiques, socio-économiques et environnementaux du système agroforestier :
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Agronomiques |
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| Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Le dispositif agroforestier fruitier de la plateforme TAB a permis de tester les effets sur les productions de l’intégration d’un maximum de biodiversité via l’agroforesterie et l’implantation d’infrastructures agroécologiques. Si les effets sur les rendements restent neutres en rapport avec la surface cultivée, ce dispositif de rupture nous a permis de démontrer qu'il est possible de concevoir des systèmes vertueux pour la biodiversité et peu préjudiciables pour la production agricole. Il convient cependant de prendre en compte les surfaces non cultivées et destinées aux infrastructures agroécologiques qui peuvent représenter une perte de revenus pour les agriculteurs.
Clément Bardon
L’itinéraire technique des grandes cultures pour les deux systèmes est décrit ci-dessous :
Les leviers utilisés pour la gestion des adventices en grandes cultures sont le système de rotation des cultures, le travail du sol (labour, déchaumage, herse étrille, binage) et les faux semis.
Les leviers de lutte contre les ravageurs testés dans cet essai sont des leviers de diversification végétale et du paysage (agroforesterie, augmentation de la diversité des rotations, réduction de la part des cultures dans le paysage, augmentation de la diversité de l'assolement, réduction de la taille des parcelles, infrastructures agroécologiques et éléments semi-naturels).
La confusion sexuelle a été mise en place en verger pour lutter contre la tordeuse orientale du pêcher.
Il n'y a pas eu de traitement insecticide sur les systèmes en grandes cultures et des pêchers.
Les leviers de lutte contre les maladies testés dans cet essai sont des leviers de diversification végétale et du paysage (agroforesterie, augmentation de la diversité des rotations, réduction de la part des cultures dans le paysage, augmentation de la diversité de l'assolement, réduction de la taille des parcelles, infrastructures agroécologiques et éléments semi-naturels).
Les pêchers étaient traités au cuivre et au souffre.
Il n'y a pas eu de traitement fongicide sur les grandes cultures.
| Méligèthes | Pucerons cendrés | Charançons | Pucerons noirs | Sitones | Altises | Topins | Rouille | Cicadelles | Sésamies | |
| 2019 | ||||||||||
| 2020 | ||||||||||
| 2021 | ||||||||||
| 2022 | ||||||||||
| 2023 |
L'ensemble du système a permis une bonne maitrise des bioagresseurs sur blé tendre, maïs, soja et colza. À l'exception de 2023 pour le colza où la pression des topins a entrainé une perte de 70 % des pieds. En revanche, la production de la féverole a été fortement dégradée chaque année par les pressions des pucerons noirs et de rouille avant récoltes.
Rendement des grandes cultures par système (2019-2023)
Il n'y a pas eu de différence significative de rendements des grandes cultures entre la parcelle agroforestière et la parcelle témoin. Par unité de surface semée, les deux systèmes n'ont pas démontré de différence de rendement.
Le colza et la féverole ont présenté des rendements faibles, alors que le blé tendre, le mais et le soja ont présenté des rendements très satisfaisants par rapport aux objectifs agronomiques fixés.
Auxiliaires et bioagresseurs des grandes cultures
Aucune tendance à favoriser les auxiliaires ou les bioagresseurs entre les systèmes n'a été observée. En revanche, nous avons pu constater des dynamiques de populations différentes en fonction des espèces suivies. Par ailleurs, le système agroforestier présente une diversité plus importante avec des zones refuges à biodiversité par rapport à la parcelle témoin voisine (i.e. indices de Shannon : 1,42 vs 0,77).
Colza
Féverole
Maïs
* A compléter
Le transfert et la diffusion des résultats sont assurés par la publication d'articles dans la presse agricole ou généraliste, par l'intermédiaire des conseillers des Chambres d'agriculture ou des ingénieurs des instituts techniques partenaires du projet (Arvalis, CTIFL). Par ailleurs, entre 1500 et 2000 personnes visitent la plateforme TAB chaque année (agriculteurs, étudiants, décideurs, représentants de l'État, techniciens et conseillers agricoles). Des conférences et webinaires sont également réalisés au fil de l'eau.
Les résultats de cet essai laissent entrevoir la possibilité de concevoir des systèmes agricoles productifs respectueux de la biodiversité, permettant ainsi de concilier les attentes sociétales de préservation de la biodiversité et de sécurité alimentaire et économique.
Projet EMPUSA
Site DURETTE
