Groupe DEPHY Pays de Bray : des fermes en polyculture-élevage économes et autonomes
Depuis presque six ans, un groupe d’éleveurs du Pays de Bray travaille sur la réduction d’intrants au sein d’un groupe DEPHY. L’enjeu qualité de l’eau est très fort sur le département, d’où une vraie prise de conscience du groupe soucieux d’aller vers des itinéraires techniques plus durables et économes en phytosanitaires.
Les leviers d’actions utilisés privilégient l’expérimentation chez les agriculteurs du groupe et le partage en groupe des résultats. Les agriculteurs choisissent de se former en continu, grâce à des ateliers avec des formateurs spécialisés et la remobilisation des connaissances et questionnements acquis pendant les visites de ferme et tours de parcelles en aval de la formation.
Cultures principales : Céréales d'hiver, Lin textile, Colza, Maïs, Betterave, Prairies
Spécificités du groupe : Polycultures et Systèmes Herbagers (Bovin laitier et allaitant)
Lycées partenaires : Lycée professionnel agricole de Brémontier-Merval
Partenariats locaux : MFR Coqueréaumont, Syndicats d'eau et bassins versants
Regard de l'ingénieure réseau :
Historiquement, un groupe d’éleveurs et d’éleveuses du Pays de Bray s’oriente fortement sur les systèmes herbagers. L’augmentation du pâturage a ainsi permis de diminuer progressivement les surfaces en maïs dans l’assolement et de rallonger les rotations, tout en diminuant le coût alimentaire. Une partie importante de la SAU reste néanmoins destinées à des cultures de vente. En 2016, le groupe a donc souhaité s’appuyer sur le réseau DEPHY Ferme pour se pencher sur la réduction des IFT, notamment via l’introduction de cultures économes qui seront valorisées par le troupeau ou vendues.
Le groupe gagne en confiance et expérimente de plus en plus suite aux échanges au sein du groupe et par les formations suivies. La dynamique collective profite à tous et commence de rayonner hors du groupe.
Des cultures économes en intrants pour augmenter l’autonomie de l’exploitation
Principaux objectifs du groupe :
- Assurer une meilleure résilience sur les fermes du groupe : moins de dépendances aux intrants chimiques et moins de sensibilité aux aléas climatiques
- Introduire de la variété dans les parcelles (nouvelles cultures, mélanges variétaux, couverts végétaux…)
- Évaluer l’impact économique des modifications du système de culture
Moyens utilisés par le groupe :
Par la formation et l'échange, les agriculteurs du groupe développent leur autonomie décisionnelle et la durabilité de leurs fermes. Les réussites comme les erreurs sont acceptées et commentée au sein du groupe pour nourrir les expériences de chacun. Dans ce cadre, de nombreuses initiatives d'essais voient le jour, du changement de l'itinéraire technique à la culture à la reconception de la rotation dans son ensemble : décalage des dates de semis, essais de mélanges variétaux, travail du sol plus superficiel, association légumineuses-céréales, culture du chanvre textile...
Des indicateurs IFT et économiques (marge semi-nette) sont partagés au sein du collectif chaque année sur certaines cultures afin de suivre la progression des fermes au fil des ans lors du bilan de campagne. Sont aussi partagés les ressentis et la satisfaction au travail, composante importante dans le processus de changements de pratiques.
Thématiques de travail :
- Réduction d'intrants en grandes cultures (céréales, colza, lin) : fongicides, insecticides, régulateurs, engrais minéraux...
- Performance économique des systèmes bas-intrants,
- Autonomie azotée : optimiser la gestion des effluents et mon système de culture afin de limiter les pertes par lessivage
- Autonomie alimentaire (troupeau bovin lait et allaitant),
- Lien entre sol et pratiques agricoles : fertilité et vie du sol, études des effluents d'élevage
Résultats :
Concernant l’usage de pesticides, les agriculteurs ont fortement diminué leurs IFT en quelques années, et on remplit l’objectif de se situer à minimum 20% en dessous de la moyenne de Haute Normandie et de baisse de 33% au sein du groupe. Le graphique ci-dessous représente la baisse des IFT sur 2016-2020 pour les exploitations suivies sur l’intégralité de la période (les six agriculteurs historiques qui se réengagent sur 2022-2026).
Nous pouvons observer que les agriculteurs du groupe ont particulièrement travaillé sur la réduction des IFT hors herbicides en apprenant les différents cycles biologiques des ravageurs et en évaluant par eux même la pression sur leurs parcelles afin d’avoir la capacité de prendre leur propre décision sur la nécessité de traiter, sur le produit, la dose et le moment d’application.
A la demande des agriculteurs, le suivi des IFT fut couplé par un calcul de marges économiques sur certaines cultures, et ils ont pu observer que la baisse d’IFT n’avait pas forcément pour conséquence une baisse de rendement, et que l’économie de charges effectuée augmentait sensiblement leur marge économique par hectare. Forts de ces résultats, de ce gain en autonomie décisionnelle et du soutien du groupe, ils ont commencé à aller plus loin dans la démarche, pour réduire l’usage d’herbicides. En 2020, ils ont suivi des formations sur le sol, les plantes bioindicatrices, afin de mieux comprendre le fonctionnement de leur outil de travail, détecter et corriger des carences. Certains ont commencé à envisager la reconception de leur système, introduisant une prairie temporaire dans la rotation des cultures, ou alternant plus fréquemment des cultures de printemps avec des cultures d’hiver afin de casser les cycles des adventices et des ravageurs. Une réflexion sur l'azote est en cours, afin de diminuer également les charges liées à l’achat d’engrais de synthèse et de réduire les pertes par lessivage.
Témoignage de la structure :
Dans un département où la tendance est à l’arrêt de la production laitière et au retournement des prairies, nous avons souhaité accompagner et démontrer la pertinence de systèmes de polyculture-élevage économes, à la fois sur l’autonomie alimentaire du troupeau (rôle de la prairie), mais aussi sur les itinéraires techniques culturaux (allonger et diversifier les rotations). L’enjeu qualité de l’eau est très fort sur le département, d’où une vraie prise de conscience par les agriculteurs du groupe, soucieux d’aller vers des itinéraires techniques plus durables et économes en phytosanitaires.
De nouveaux essais sont en cours... rdv en 2023 pour les premiers résultats !