Système AGRECOMEL - INVENIO
Conception du système
La conduite de la culture de melon, insérée dans une rotation céréalière, est réfléchie dans le but de minimiser la pression parasitaire et ainsi réduire l’emploi de produits phytosanitaires. Le raisonnement prend en compte tous les leviers possibles tant au niveau de la gestion des sols, du choix variétal que de l’introduction de pratiques alternatives de protection.
Mots clés :
Melon - Rotation céréalière - Santé des plantes - Baisse des IFT - Règle de décision
Caractéristiques du système
Parcelle 1
Parcelle 2
Parcelle 3
Parcelle 4
Situation de production : Plein champ conventionnel Espèces : Les espèces rentrant dans la rotation sont : le melon, le blé ou l'orge, le maïs et le soja Gestion de l'irrigation : Par aspersion pour les grandes cultures d'été et par goutte à goutte pour le melon. Les apports sont raisonnés à l'aide d'un sondage de l'humidité du sol à l'aide d'une tarière associé aux prévisions météo (CA 47) Fertilisation : Raisonnée en fonction des reliquats hivernaux, des restitutions des couverts (Logiciel Merci) Interculture : Mise en place de couverts dès que cela est possible en particulier en automne - hiver Gestion du sol/des adventices : Système en non labour avec travail profond si nécessaire et travaux superficiels Circuit commercial : Vente en circuit long aux coopératives de la région Infrastructures agro-écologiques : Existence de haies et de parcelles de pépinières arboricoles à proximité. (+ Gestion du climat pour les systèmes sous abri) : Contenu à venir |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Cet essai a permis d'apprivoiser la prise de risque, notamment le risque mildiou qui est élevé et pour lequel une erreur de pilotage peut conduire à une épidémie très forte. Les règles de décision ont conduit à réfléchir au risque collectivement avec les partenaires et à s'affranchir de pratiques d'assurance. Les résultats montrent que ces RDD permettent un contrôle de la maladie et un rendement même supérieurs au rendement régional. L'expérience a été poussée jusqu'au bout en 2023, année favorable au mildiou et où aucune protection chimique n'a été appliquée. Ce test en "conditions extrêmes" montre que 60% du rendement a été maintenu, ce qui n'est pas acceptable en production bien sur, mais permet de relativiser le risque.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Contrôle cultural | Irrigation localisée en goutte à goutte pour limiter les conditions favorables à la pousse d'adventices | Efficace en conditions climatiques sèches : les passe pieds sont très secs et l'herbe ne peut pas pousser. |
Lutte physique | Plastique occultant sur les planches | Très efficace sur la partie couverte par le plastique. Nécessite tout de même un passage désherbage manuel pour ôter l'herbe des trous de plantation. |
Lutte physique | Binage sur les passe pieds | Efficace si année sèche (moins de passages). Impossible de passer trop près des planches car risque de déchirer le plastique. Donc intervention manuelle complémentaire à faire en année humide sur ces bordures. |
Lutte physique | Tonte sur les passe pieds | Efficace notamment sur adventices développées. Impossible de passer trop près des planches car risque de déchirer le plastique. Donc intervention manuelle complémentaire à faire en année humide sur ces bordures. |
Lutte physique | Désherbage manuel | Efficace, mais à utiliser à la fois en dernier recours (pénible et cher) mais pas trop tard (plantes grandes et difficiles à arracher). À réserver aux zones particulières inatteignables par d'autres moyens (trous de plantation, bords de bâches). |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Lutte génétique | Choix d'une variété présentant une résistance génétique aux pucerons | Pas de gros foyers de pucerons dans l'essai |
Lutte physique | Elimination manuelle des foyers parmi les plants et en cours de culture. Utilisation d'un voile insect-proof entre plantation et début floraison | Pas de gros foyers de pucerons dans l'essai |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Lutte génétique | Choix d'une variété présentant une résistance génétique aux maladies suivantes : Mildiou, Fusarium, Oïdium | Bon comportement des variétés choisies par rapport à ces maladies, pas de débordement malgré une réduction des traitements phytosanitaires. |
Lutte biologique | Augmenter l'activité biologique 'générale' du sol via le semis d'engrais vert (pas de sol nu) et la réduction du travail du sol) | Il n'y a pas eu de problèmes de maladies du sol dans cet essai. L'efficacité de ces actions sur l'activité biologique générale est démontrée par ailleurs mais n'a pas été mesurée dans cet essai. Son efficacité, spécifiquement sur les parasites, est difficile à évaluer. |
Lutte Chimique | Ecriture de règles de décision permettant de moduler les interventions en fonction du risque (climatique, parcellaire, régional) pour les maladies aériennes | Lutte Chimique |
Année | Mildiou | Pucerons | Nuile rouge (Colletotrichum obriculare) | Macrophomina phaseolina | Bactériose |
2019 |
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2020 | |||||
2021 | |||||
2022 | |||||
2023 |
Année 2019 : le climat est défavorable aux pressions fongiques. Il faut cependant noter une forte attaque d’un champignon tellurique, Macrophomina phaseolina, sur les collets des plantes, sans préjudice sur la récolte. Les populations de pucerons ont été très faibles dans la parcelle.
Année 2020 : le climat est peu favorable au mildiou. Néanmoins la pression a été forte sur la parcelle, peut-être accentuée par arrosage d'une culture de maïs adjacente. Le mildiou a été difficilement contrôlé. Macrophomina phaseolina est toujours présent au collet des plantes, sans préjudice à la récolte. Il y a très peu de pucerons ou de chenilles.
Année 2021 : le climat est favorable au mildiou et à la bactériose, mais ces maladies ont été bien contrôlées. Pas d'autres pressions de bioagresseurs.
Année 2022 : année très sèche défavorable aux maladies. Un orage de grêle a détruit la culture avant récolte.
Année 2023 : un test a été effectué pour étudier les limites du système : aucune protection chimique n'a été appliquée contre les maladies, dans un contexte d'année climatique favorable aux maladies. On note une forte épidémie de mildiou, notamment en fin de culture, et une maladie peu courante est survenue dans ce contexte : la nuile rouge.
Performance agronomique (Rendement brut et commercial)
Le rendement commercial observé dans cet essai est supérieur au rendement de référence, ce qui est une indication positive. Seule l'année 2023 présente une baisse de rendement de 40%, ce qui est attendu étant donné l'absence totale de protection chimique. En 2022 un épisode de forte grêle a totalement détruit l'essai, expliquant le manque de données de rendement.
Performance agronomique : Taux de sucre
Le taux de sucre attendu pour un "bon" melon se situe entre 12 et 14, et dans cet essai, il est dans la fourchette supérieurs (de 12.8 à 14.5) ce qui est un critère de qualité satisfaisant.
Performance environnementale : IFT
En moyenne la réduction de l'IFT est de 47 % (en ne comptant pas l'année 2023 qui est particulière pour la stratégie). Les performances environnementales sont plus faibles en année de risque climatique fort (ex. -23% en 2020) mais peuvent aller jusqu'à -77% en conditions d'année sèche. Il y a peut-être également une partie des performances environnementales qui progresse avec l'expérience du pilote au fil des années d'expérimentation.
Échelle de notation pour le graphique radar :
Note 1 : très défavorable -> Objectifs du critère atteints 0 ou 1 année sur 5
Note 2 : défavorable -> Objectifs du critère atteints 2 années sur 5
Note 3 : Peu favorable -> Objectifs du critère atteints 3 années sur 5
Note 4 : favorable -> Objectifs du critère atteints 4 années sur 5
Note 5 : très favorable -> Objectifs du critère atteints tous les ans
La note faible attribuée au coût de protection phytosanitaire est due aux interventions manuelles qui doivent être réalisées les années pluvieuses pour gérer l'herbe.
ÉNONCÉ
Définition des niveaux de risques : rythme d’observation de la culture pour le risque mildiou :
en période à risque climatique (telle qu’elle est définie ci-dessous dans la RdD) : tous les 2 jours,
en période d’absence de risque climatique : 2 fois par semaine.
Risque régional :
risque faible : pas de mildiou et conditions climatiques favorables (pluie ou rosée)
risque faible à moyen : quelques parcelles touchées
risque moyen : des parcelles avec des symptômes et conditions climatiques favorables (pluie ou rosée)
risque élevé : de nombreuses parcelles avec des symptômes et conditions climatiques favorables (pluie ou rosée)
Risque parcelle :
risque parcelle faible : absence de mildiou et pas de risque climatique (pas de pluie, pas de rosée)
risque parcelle moyen : quelques tâches de mildiou et conditions climatiques favorables : rosée
risque parcelle élevé : présence de mildiou et conditions climatiques favorables : pluie
- Action systématique : Si absence de risque régional et de risque parcelle, alors pas d’intervention, quel que soit le stade de la culture.
DE LA PLANTATION À FLORAISON MÂLE
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle faible, alors pas d’intervention,
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle moyen ou élevé, alors application d’un mélange cuivre/soufre,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle faible, alors pas d’intervention,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle moyen ou élevé, alors application d’un mélange cuivre/soufre,
- Observation : si risque régional est moyen à élevé et le risque parcelle élevé, alors appliquer un mélange cuivre/soufre.
DU STADE FLORAISON MÂLE À MI-GROSSISSEMENT = STADE SENSIBLE (CF EXPLICATIONS)
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle faible, alors appliquer un mélange cuivre/soufre,
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle moyen, alors appliquer un mélange cuivre/soufre – phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle élevé, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle faible, alors appliquer un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle moyen, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle élevé, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est moyen à élevé et le risque parcelle élevé, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium.
DU STADE MI-GROSSISSEMENT À DÉBUT RÉCOLTE
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle faible, alors appliquer un traitement à base d’un mélange cuivre/soufre,
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle moyen, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est absent et le risque parcelle élevé, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle faible, alors appliquer un traitement à base d’un mélange cuivre-soufre,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle moyen, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est faible à moyen et le risque parcelle élevé, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium,
- Observation : si le risque régional est moyen à élevé et le risque parcelle élevé, alors appliquer une spécialité à base de cyazofamide, et renouveler avec un mélange cuivre-soufre-phosphonate de potassium.
Règles de renouvellement des traitements :
- Action systématique : Avant la fin de période de rémanence : se poser la question du renouvellement en réévaluant le risque sur les règles énoncées ci-dessous.
-Evaluation de la fin de la période de rémanence :
- Observation : Si absence de pluie (lessivage) après application, alors la durée maximale d’un soufre-cuivre ou cyazofamide est de 10 jours après application,
- Observation : Si présence de pluies, alors la rémanence cesse au lessivage du produit. Quantité de pluie nécessaire pour lessiver :
pour cuivre/soufre : 15-20 mm de pluie
pour cyazofamide : 80 mm
pour phosphonate de potassium : systémique, pas de lessivage.
La période de rémanence maximale est réduite de 3 jours si croissance rapide des plantes.
Explications :
STADE SENSIBLE = Stade élongation à mi-grossissement : début de la floraison mâle. Vient ensuite la floraison femelle puis la nouaison et grossissement des fruits.
Plantation juin : pas de risque de bactériose (traitement avec cuivre et soufre) et cladosporiose (traitement avec phosphonate de postassium)
Sous réserve des DAR des produits et du nombre maximum d’applications : LBG (15 jours, 3 applications) ; LE 846 (7 jours, 12 applications), RANMAN TOP (3 jours, 6 applications).
Quelques observations ont été faites lors de ce projet.
A l'image des autres systèmes de culture du projet AGRECOMEL, le système de culture d'INVENIO n'a pas pu éprouver l'ensemble des RDD élaborées. En effet, les 5 années d'essais ont été marquées par de faibles pressions bioagresseurs. Par conséquent, les seuils d'interventions fixés dans les RDD ont été peu atteint. De plus, certains aléas climatiques rencontrés, tels que l'épisode de grêle en 2022, ne permettent pas d'évaluer les performances du système de culture.
Enfin, la question de la transférabilité aux producteurs de melon se pose également, notamment au regard du temps de travail nécessaire aux observations de la parcelle pour décider des actions à mettre en place selon les RDD.
Le projet AGRECOMEL a permis d’identifier des points d’amélioration et des enseignements tout au long de ces 5 années d’essai.
Nous avons constaté l‘importance de bien définir et préciser les objectifs des systèmes de culture afin de préciser les attentes de chaque RDD élaborée. Des incohérences ont été observées entre l’objectif IFT du système de culture du CTIFL et la construction des RDD. De plus, les attentes des RDD n’étaient pas assez précises et manquaient d’objectifs quantifiable, ce qui a rendu difficile leur évaluation tous les ans.
Enfin, ces projets système, basés sur des RDD, nous enseignent que ces schémas décisionnels sont constamment remis en question. Ils sont remis en question notamment pour leur efficacité mais également dans l’objectif de respecter la réglementation qui évolue constamment. Aussi, juger de l’efficacité d’une RDD ou d’un schéma décisionnel qui évolue chaque année est un exercice difficile et qui nécessite plus de 5 années d’essai.