Focus sur : Couverts végétaux, un plus pour la diminution des produits phytosanitaires
Le Grenelle Environnement de 2007 - 2008 a inscrit plusieurs objectifs dans la durée comme l'augmentation des exploitations produisant en Agriculture Biologique, l'augmentation des exploitations engagées dans une certification environnementale (HVE) ou encore la diminution de 50% de l'utilisation de produits phytosanitaires en agriculture.
Ces objectifs, non encore atteints aujourd'hui, sont toujours d'actualité et même renforcés par différentes réglementations successives (Loi Egalim 2018 par exemple) incitant les agriculteurs à toujours réduire leur recours aux produits phytopharmaceutiques de synthèse.
Parmi les molécules étant définies comme les plus problématiques, on trouve notamment les herbicides, le glyphosate en tête. Afin de répondre aux attentes sociétales et réglementaires, la plupart des viticulteurs du Gers ne désherbent plus que le cavaillon, gérant de façon mécanique les inter-rangs (par enherbement spontané ou travail du sol). Depuis une décennie, la pratique des couverts végétaux hivernaux tend à se répandre dans le vignoble gersois. Les objectifs de cette pratique peuvent être multiples : protection des sols contre l'érosion, immobilisation de l'azote dans les couverts pour éviter les transferts vers les nappes phréatiques, aération de l'horizon de surface, augmentation du taux de matière organique des sols, fertilisation de la vigne lors de la destruction, etc.
Au sein du groupe DEPHY, plus de la moitié des viticulteurs pratiquent le semis de couverts végétaux pour couvrir le sol pendant la période hivernale. Les modalités sont multiples allant d'une simple fèverole un inter-rang sur deux à un semis de plusieurs espèces (légumineuse(s) + graminée(s) + crucifère(s)) sur tous les inter-rangs.
Les légumineuses permettent de capter l'azote de l'air via leurs nodosités et ainsi de le restituer lors de la destruction du couvert. Ce sont des couverts rapidement dégradés lors de la destruction qui libèrent facilement les éléments nutritifs accumulés.
Les graminées permettent une bonne couverture et une bonne stabilité des sols en surface grâce au système racinaire fasciculé. Si leur destruction est assez tardive, elles peuvent participer à augmenter le taux de matière organique des sols.
Les crucifères piègent l'azote présent dans le sol et permettent de décompacter le sol plus en profondeur.
En termes d'implantation et de destruction, là encore les pratiques divergent :
- Les semis s'étalent de mi-août à fin octobre (voire novembre selon les conditions météorologiques)
- Les destructions se font en général en mars ou en avril
Jean Marie Terraube exploite environ 45 hectares de vignes sur la commune de Fourcès, dans le Gers. Il vinifie ou distille l'ensemble de sa production qui se décompose comme suit :
- 78% de cépages blancs (Colombard 49%, Gros Manseng 21%, Sauvignon 13%, Ugni Blanc 6%, Baco 6%, Petit Manseng 5%)
- 22% de cépages rouges (Merlot 47%, Tannat 23%, Syrah 19%, Cabernet Sauvignon 10%, Fer Servadou 1%)
Une parcelle de Syrah plantée en 2004 avait un problème de vigueur générale depuis la deuxième année de production. Elle semblait carencée, produisait très peu. Pendant plusieurs années, de nombreuses solutions ont été testées pour redynamiser la vigne (sulfate de fer, forts apports d'azote, engrais organique, magnésie, etc.). Rien de ce qui a été testé n'a donné satisfaction.
Sur le reste de l'exploitation, une fertilisation minérale de synthèse à hauteur de 50 unités d'azote par hectare était réalisée, et les objectifs de production étaient atteints.
En 2014, à la suite d'une conférence sur la vie des sols, Jean Marie prend conscience que ses sols viticoles présentent peu de vie (pas de vers de terre lors des passages de travail du sol) et que ses prairies, en herbe depuis des années, étaient elles fortement pourvues en vers de terre lors de leur retournement.
En 2014 - 2015, Jean Marie décide alors de mettre en place des couverts végétaux hivernaux, et ce sur tous les inter-rangs, même sur les jeunes vignes.
Ces couverts sont en général composés de blé (45%), de trèfle incarnat (25%), de radis fourrager (10%), de sainfoin (sur sol argilo-calcaire) (20%) ou de lupin (sur les boulbènes) (20%) à 100kg/ha en plein (donc 25 kg par hectare de vigne car semis un inter-rang sur deux sur la moitié de l'inter-rang)
En 2021, il n'avait pas de blé donc les couverts sont composés de trèfle incarnat (45%), de radis fourrager (15%), de sainfoin (sur sol argilo-calcaire) (40%) ou de lupin (sur les boulbènes) (40%) à 60 kg/ha en plein (soit 15 kg/ha de vigne).
Les couverts végétaux sont en général semés en août. Les semis post-vendanges ont en règle générale plus de mal à lever et les couverts sont moins développés en sortie d'hiver et lors de la destruction.
Sur la parcelle de Syrah qui présentait des problèmes de vigueur générale, les rendements ont largement augmenté pour se stabiliser autour des 70-80 hl/ha.
Sur le reste des parcelles, Jean Marie n'a pas observé d'impact négatif des couverts sur les rendements, au contraire. Il y a nettement plus de vers de terre et Jean Marie a arrêté les apports de fertilisation minérale au sol (il estime que les couverts lui apportent suffisamment d'éléments fertilisants).
Il fait cependant le constat depuis quelques années que les vins sont un peu moins aromatiques. Il se pose la question du lien éventuel avec une compétition azotée entre le couvert et la vigne.
Pour tester cette hypothèse, il compte apporter de l'azote minéral au sol sur certaines parcelles en 2022 et les vinifier à part pour établir ou non une corrélation entre fertilisation et profil aromatique. L'autre hypothèse serait l'augmentation des températures moyennes estivales qui pourraient altérer les arômes typiques des Cotes de Gascogne.
Lorsqu'on commence à faire des couverts hivernaux, la principale question à se poser est de savoir quel est l'objectif de ce couvert. A partir de là, on fait les choix en termes d'espèces et d'itinéraire technique pour répondre à ce ou ces objectifs.
