
Focus sur : La pratique des engrais verts vue par le collectif DEPHY
Les membres du groupe ont souhaité aborder le sujet des engrais verts collectivement. Ce projet a donc été réfléchi dans sa globalité avec une première étape basée sur l'acquisition de nouvelles connaissances (formation, voyage d'études, échanges avec des vignerons expérimentés). Puis une seconde étape axée sur l'appropriation de la pratique (auto-construction, commande groupée, suivi d'indicateurs).
Les vignerons ont exprimé des besoins très concrets :
- Avoir un socle théorique commun et monter en compétences via des formations et des échanges entre professionnels,
- Améliorer leurs pratiques agronomiques, par exemple en agissant sur la décompaction des sols grâce aux différents systèmes racinaires des engrais verts ou en protégeant les sols contre l'érosion,
- Gagner en autonomie en pilotant la fertilisation à travers le choix de semences plus ou moins fixatrices d'azote et capables de mobiliser les éléments minéraux du sol,
- Auto-construire des outils adaptés à leur densité de plantations,
- Maîtriser au mieux les coûts avec une commande groupée de semences.
C'est ainsi qu'ils ont pu réduire les contraintes financières au strict minimum (achat de semoir et de semences) et préparer leur plan d'action individuel.
En novembre 2016, les vignerons ont participé à une formation, sur les couverts végétaux et les engrais verts, animée par Eric Maille d'Agrobiopérigord (du groupe DEPHY FERME Dordogne Viti Bio : https://ecophytopic.fr/dephy/dephy-ferme-dordogne-viti-bio). Ce fut l'occasion d'aborder la technique du semis et ses contraintes en viticulture, le choix des espèces et tous les avantages agronomiques de cette pratique.
Suite à cette première étape, les vignerons ont sollicité l'organisation d'un voyage d'études dans le Périgord pour échanger avec des professionnels pratiquant le semis d'engrais verts depuis de nombreuses années.
Enfin, chacun a listé ses objectifs et choisi son mélange pour répondre au mieux à ses attentes :
- Maitriser les adventices,
- Optimiser la fertilisation,
- Lutter contre l'érosion,
- Agir mécaniquement sur les sols (porosité et portance),
- Améliorer l'activité biologique des sols,
- Augmenter la biodiversité,
- Etc...
Pour choisir au mieux les semences en fonction des objectifs initiaux, il est important de considérer certains critères. Idéalement, les espèces sélectionnées doivent donc :
- Être adaptées au contexte pédoclimatique,
- Se développer rapidement,
- Avoir un système racinaire puissant,
- Produire beaucoup de biomasse,
- Être peu concurrentielles,
- Monter à graines tardivement,
- Se détruire facilement,
- Avoir un tarif abordable.
Il est préférable d'associer des espèces de différentes familles pour bénéficier des avantages de chacune d'entre elles. Mais il est inutile de semer des mélanges trop complexes, 3 à 5 espèces sont suffisantes.
FAMILLE |
Légumineuses |
Graminées |
Crucifères |
Caractéristiques générales |
Fixent l’azote |
Limitent les pertes de fertilité en absorbant des éléments solubles |
Mobilisent une quantité importante d’éléments minéraux et limitent les pertes d’azote |
Apport de biomasse |
Très important |
Important |
Important |
Effet structurant |
En profondeur |
Très fort en surface |
Très fort en profondeur |
Enrichissement en azote |
Fort |
Faible à moyen |
Faible à moyen |
Exemples d’espèces |
Féverole, pois fourrager, trèfle, vesce |
Seigle, triticale, avoine |
Radis fourrager, moutarde |
En collaboration avec l'Atelier Paysan, certains membres du groupe ont auto-construit un semoir à engrais verts et/ou un rouleau FACA.
Le but de ce type d'initiative est triple :
- Avoir un matériel adapté à son parcellaire,
- Pouvoir intervenir en cas de panne,
- Réaliser une économie non négligeable.
Le coût de la trémie Delimbe utilisée dans ce cas précis est d'environ 1000€ ht. Le vigneron peut ensuite installer la trémie sur un outil de travail du sol dont il dispose déjà (ou acheter un outil d'occasion) par exemple un vibroculteur ou une herse rotative. Sachant que le prix d'un semoir viticole oscille entre 2500€ ht et 12000€ ht en fonction des fournisseurs, l'économie réalisée est intéressante pour de très nombreuses exploitations.

Dans le but de disposer de semences adaptées au contexte pédoclimatique jurassien et pour faire des économies, le collectif a souhaité organiser une commande groupée de semences BIO et locales.
Toutefois, le choix des mélanges est resté assez simple et basé essentiellement sur 4 espèces : la féverole, le pois fourrager, le seigle et le triticale.
Certains vignerons ajoutent à ce mélange de base d'autres semences type vesce, radis fourrager, moutarde, avoine, etc...
Familles |
Espèces |
Dose de semis en plein |
Objectifs |
Légumineuses |
Féverole |
150 à 200 kg/ha |
Vigueur, décompactage, stimulation de l’activité biologique des sols |
Pois fourrager |
100 à 150 kg/ha |
Vigueur, décompactage et couverture du sol (concurrence des adventices) |
|
Trèfle incarnat |
15 à 25 kg/ha |
Vigueur, structuration et biodiversité (fleurs mellifères) |
|
Vesce |
40 à 60 kg/ha |
Bonne compétitivité sur les adventices, fertilité des sols, vigueur |
|
Céréales |
Seigle |
80 à 100 kg/ha |
Décompactage |
Avoine |
70 à 120 kg/ha |
Gestion des adventices (plante allélopathique), décompactage |
|
Triticale |
100 à 120 kg/ha |
Facile à implanter, système racinaire fasciculé, bonne résistance à l’hydromorphie |
|
Crucifères |
Moutarde |
8 à 12 kg/ha |
Améliore la qualité des eaux, augmente la fertilité des sols, participe au décompactage |
Radis fourrager |
12 à 20 kg/ha |
Améliore la qualité des eaux, participe au décompactage, concurrence les adventices, limite le lessivage et l’érosion (bonne couverture du sol) |
Quelques suivis simples et peu couteux ont été mis en place :
- La méthode MERCI pour estimer la restitution en NPK du couvert végétal,
- La mesure de la croissance des rameaux,
- L'analyse de l'azote assimilable dans les moûts.
Pour ce faire, les vignerons engagés dans cette démarche ont systématiquement laissés des rangs témoins lors des premières années de semis d'engrais verts.
Une analyse technico-économique a également été réalisée en s'appuyant sur le modèle de quelques exploitations du groupe. Globalement, l'économie réalisée oscille entre 20€ et 170€/ha (ça dépend essentiellement du type de mélange et du surdosage). Grâce à l'autoconstruction, à la commande groupée et aux échanges techniques, les exploitations réalisent systématiquement une économie et ce, même en incluant le temps de travail.
Voici par exemple, un tableau de restitution en NPK basé sur la méthode MERCI :

Les points techniques essentiels :
- Définir ses objectifs,
- Bien préparer ses sols et réaliser un lit de semence,
- Choisir des espèces adaptées et éviter les mélanges trop complexes,
- Surdoser le semis d'au moins 30%, idéalement 50%,
- Rouler le semis pour assurer un bon contact graine-sol.
Si vous hésitez, alors lancez-vous! La meilleure façon d'être convaincu c'est de tester et de pratiquer!