Protection contre le carpocapse des pommes et des poires

Cydia pomonella, le carpocapse des pommes et des poires, est un lépidoptère de 18 mm d’envergure, dont la larve se développe à l’intérieur des fruits. Cette dernière trouve refuge dans différentes plantes hôtes comme l’abricotier, le noyer, et parfois le pêcher ou encore le prunier. En France, on estime que ce ravageur est responsable de 30 à 40% des traitements insecticides sur les fruits à pépins. Connaître la biologie de ce papillon est essentiel pour protéger les cultures et réduire l’application d’insecticides chimiques.
Identification, biologie et développement
La première génération de C. pomonella apparait de fin avril à fin mai. Au printemps, l’adulte s’accouple et pond sur les feuilles, les rameaux ou les jeunes fruits. Après éclosion, la larve pénètre dans le fruit, et creuse dans celui-ci jusqu’aux pépins dont elle se nourrit. Ces attaques entrainent une dépréciation du fruit et peuvent provoquer sa chute prématurée. A la fin de son développement, la larve quitte le fruit et entre soit en nymphose pour donner un papillon de deuxième génération, soit en diapause. Il y a deux à trois générations de carpocapse selon les régions et les températures estivales. La troisième génération est ainsi généralisée dans le Sud-Est, et des suspicions de quatrième génération ont pu être observées certaines années.


La diminution de la durée de la photopériode provoque l’entrée en diapause des larves dont la croissance se termine de fin août à octobre. Elles passent l’hiver dans un cocon soyeux tissé dans les anfractuosités du tronc ou dans divers abris au sol, puis forme une chrysalide au printemps.



Le changement climatique semble avoir une influence sur la dynamique du carpocapse (vols plus précoces, générations plus nombreuses). Il est donc important de gérer les populations de ce bioagresseur grâce aux mesures prophylactiques. Une fiche prophylaxie en verger est disponible dans le guide Ecophyto FRUITS. Concernant spécifiquement le carpocapse, il est particulièrement important de supprimer les fruits contaminés tombés au sol.

Pour lutter efficacement contre le carpocapse en verger, il est important de suivre l’évolution de ses populations. De nombreux pièges à phéromones et outils d'aide à la décision (OAD) sont disponibles :
- Di@gno-Pom : outil d’aide au diagnostic de maladies, des ravageurs et des désordres physiologiques de la pomme et du pommier, développé par l’INRA.
- Inoki : plateforme contenant des outils de simulation « ravageurs » et « maladies » ; des bases de données climatiques, des bases de données parcelles/traitements propre à l’utilisateurs, et une ressource bibliographique. Outil développé par le CTIFL. Il permet notamment un accès aux modèles INRAE (Sauphanor et Boivin, 2005) et DGAL qui modélisent les différentes phases des différentes générations (adultes, pontes, éclosions, diapauses). Ces modèles sont basés sur les historiques de températures. Le modèle INRAE distingue les dynamiques des carpocapses sensibles et résistants à la souche CpGV-M du virus de la granulose.
- RIMpro : modèle de prévision qui simule l’activité de ponte par jour, l’apparition de nouvelles larves et le vol des femelles (vieilles, vierges et fécondées) en fonction des températures et des conditions climatiques.
Le réseau R4P (Réseau de Réflexion et de Recherche sur la Résistance aux Pesticides) met en évidence l’apparition des résistances des bioagresseurs aux produits chimiques. Ce réseau a produit une fiche Carpocapse présentant les résistances développées par le ravageur, et les mécanismes de celles-ci. Plusieurs résistances à des produits de synthèses sont avérées. Afin de limiter leur apparition, il est important d’alterner les substances actives utilisées selon leur mode d’action et leurs familles chimiques, et d’arrêter l’usage des substances pour lesquelles la résistance s’est avérée dans la région.

Les alternatives à la lutte chimique contre le carpocapse sont nombreuses mais présentent généralement des efficacités partielles. Une utilisation combinée de tous les moyens de protection s’avère le plus souvent nécessaire dans les parcelles fortement attaquées.
Véritable outil de biocontrôle, la confusion sexuelle est une méthode de lutte perturbatrice. Son principe est de diffuser des molécules de synthèses analogues aux phéromones sexuelles émises par les femelles à l’aide de diffuseurs ou d’aérosols répartis dans le verger. Les mâles se retrouvent désorientés par la saturation des phéromones les empêchant de localiser les femelles. Les accouplements et les pontes sont donc limités.
D’autres solutions de biocontrôle peuvent être utilisées comme le Cydia pomonella granulovirus, une préparation virale, spécifique aux carpocapses des pommes et des poires. Cependant, des cas de résistances du bioagresseur sont observées en vergers. En réponse, d’autres isolats du virus (Isolats CpGC-V22, CpGV-M, CpGV-R5, CpGV-V15) sont développés et commercialisés, permettant ainsi l’alternance entre eux afin de continuer à utiliser ces moyens de protection tout en limitant les risques de développement de résistances. Il est particulièrement important d’alterner leur utilisation selon les générations de carpocapse. Par exemple, utilisation d’une spécialité avec l’isolat CpGC-V22 en première génération et utilisation d’une spécialité avec l’isolat CpGV-R5 en deuxième génération et troisième génération.
Pour réduire les populations hivernantes de larves de carpocapses, la pulvérisation de nématodes entomophages est utilisée (mouillage important et orientation des buses vers les tronc et le bas des charpentières) afin de permettre à ces macro-organismes de se déplacer dans le sol grâce à l’humidité et d’infecter l’insecte par ses voies naturelles (bouches, spiracles) ou en traversant sa cuticule. L’insecte meurt dans les 48 heures suivant l’infection. Plusieurs spécialités sont commercialisées et utilisent deux espèces : Steinernema feltiae et Steinernema carpocapsae. Elles nécessitent des conditions d’humidité importantes et de températures minimales (respectivement 8°C et 14 °C) pour garantir leur efficacité lors de l’application.
L’utilisation du filet Alt’Carpo est également un moyen de protection efficace pour éviter l’entrée du ravageur dans les cultures. La technique se présente comme une barrière physique qui perturbe les accouplements de C. pomonella et qui peut se décliner en deux configurations : mono-rang ou mono-parcelle. L’installation du filet présente toutefois un coût à l’installation conséquent.
En appui de l’utilisation de ces méthodes alternatives, il peut être intéressant d’installer des nichoirs dans le verger pour favoriser la présence de prédateurs naturels. se nourrissent notamment des larves diapausantes en hiver ou les chauves-souris agissent directement sur les adultes.
Par ailleurs, des bandes pièges cartonnées enroulées autour des troncs peuvent être installées afin de piéger les larves entrant en diapauses. Ces bandes sont retirées en fin de saison et détruites, ce qui permet une réduction conséquente de l’inoculum pour la saison suivante.
Retrouvez toutes les informations techniques sous forme de fiches GECO :
- Utiliser la confusion sexuelle en verger
- Pratiquer la lutte biologique en verger - pulvérisation de micro-organismes
- Installer des Filets Monorang : Alt'Carpo / Alt'Mouche en verger
- Installer des Filets Monoparcelle - Alt'Carpo en verger
- Aménager des habitats pour favoriser les auxiliaires dans le verger




Dans le cadre du projet Bioccyd-Mastrus (financement FranceAgriMer 2019-2022), l’INRAE s’intéresse à un auxiliaire exotique parasitoïde du carpocapse originaire d’Asie centrale, Mastrus ridens. Préalablement au projet, le spectre d’hôte de cet auxiliaire a été vérifié en laboratoire et son introduction en France a ensuite été validée par l’ANSES en 2017. Des expérimentations de terrain sont mises en place dès 2019 dans l’objectif d’évaluer les capacités d’établissement du parasitoïdes en verger, son efficacité et sa dispersion dans l’environnement. Le travail de suivi du parasitoïde, puis de recapture l’année suivante est donc lancé et étendu à l’ensemble des bassins de production.


Une autre piste en cours de développement est la lutte biologique autocide (ou Technique de l’Insecte Stérile, la TIS). Cette méthode alternative consiste à stériliser les insectes cibles par rayons ionisants (gamma) afin de les lâcher dans l’environnement et permettre un accouplement avec les adultes indigènes. La descendance sera totalement stérile et entrainera donc, une diminution des générations de Cydia pomonella.
Le réseau DEPHY nous propose des ressources mettant en avant des retours d’expérience dans le cadre de son réseau Ferme (deux fiches trajectoires) et d’un projet Expé en Arboriculture Ecophyto Pomme (2 fiches systèmes) :
- Pomme : combiner différents leviers pour baisser les IFT – Didier et Serge Terrade, dans le Tarn-et-Garonne, ont protégé leur exploitation du carpocapse en utilisant le filet Alt’Carpo ou la confusion sexuelle.
- Poire : Maintenir un verger éco - performant en combinant différents leviers – Jean-Pierre Lacanal, en plaine du Rhône, a généralisé la confusion sexuelle sur son exploitation.
- Raisonnement des fongicides et techniques alternatives en verger de pomme – Système DEPHY EXPE utilisant le filet Alt’Carpo et le biocontrôle dans la lutte contre le carpocapse, et installation d’infrastructures agro-écologiques intra-parcellaires.
- Le filet Alt’Carpo un levier pour limiter les intrants en verger de pommier AB – Système DEPHY EXPE de verger de pommiers AB, utilisant le filet Alt’Carpo, la confusion sexuelle et des infrastructures agro-écologiques.

Les méthodes alternatives contre le carpocapse ont fait l’objet de vidéos présentant des techniques de biocontrôle ou physiques :



Plusieurs actions CEPP concernent la lutte contre le carpocapse (1 moyen physique et 3 solutions de biocontrôle).
En Italie, où trois générations se succèdent comme dans le Sud-Est de la France, les luttes alternatives font appel principalement à des moyens de biocontrôle (huiles minérales, micro-organismes, macro-organismes = nématodes) et du piégeage de masse ou pour le monitoring.