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Cet espace a pour vocation de décrypter des problématiques à forts enjeux pour la protection des cultures. Il propose des centres de ressources pour accompagner les acteurs dans l'utilisation des alternatives existantes.
dephyEXPE

Système Module 1 - INRAE UERI Gotheron - ALTO

Arboriculture Fruits à noyau Fruits à pépins
Conduite de la vigne et du verger
Gestion paysagère
IAE et lutte biologique par conservation
Mélanges variétaux
Mesures prophylactiques
Régulation biologique et biocontrôle
Variétés et matériel végétal
Année de publication 2019
  (mis à jour le 12 avr 2024)
Carte d'identité du système de culture
Vue drone Module 1.
Système conduit en
Agriculture biologique
Rattaché au projet
ALTO
Rattaché au site expérimental
INRAE UERI Gotheron
-100% IFT
Objectif de réduction visé
Présentation du système

Conception du système

Le dispositif 'Module 1' a été réalisé en co-conception en 2016-2017. La démarche a mobilisé un ensemble d'acteurs du territoire et de la filière : agriculteurs, animateurs de collectifs agricoles, conseillers, formateurs, expérimentateurs, chercheurs, naturalistes... L'idée a été de partir d'une feuille blanche pour repenser l'espace de production de fruits, avec l'objectif de produire en mobilisant les services écosystémiques plutôt que des intrants. Cette conception agroécologique s'est appuyée sur la diversité des espèces, des variétés, des plantes associées et leur agencement dans le temps et dans l'espace, ainsi que la création d'habitats, pour rendre l'espace de production de fruits très défavorable aux bio-agresseurs et a contrario très favorable à leurs ennemis naturels. Les choix de plantation finaux sont issus de connaissances de nature et d'origine diverses, et de compromis co-construits entre dimensions écologiques, agronomiques (dont partage des ressources entre plantes) et opérationnelles (ex. organisation du travail).

 

Mots clés :
Arboriculture - Reconception - Biodiversité - Agroécologie - Zéro-phyto

 

Caractéristiques du système

Espèce Variétés Porte-greffe Mode de conduite Distance de plantation Année d'implantation Valorisation Circuit commercial 
Pommier

Akane

 M106

Forme libre 4 m x 6 m

2018

Frais/ transformation Court
Florina 2019
Ecolette
Reinette Capucins
HoneyCrisp Pajam2 2018
Reine des Reinettes M106
Juliet Franc
Garance M7
Pêcher

Bénédicte

Montclar

Gobelet 4 m x 6 m

2018

Frais/ transformation Court
Maria Bianca GF677
Abricotier

Vertige

Montclar Gobelet 4 m x 6 m

2018

Frais/ transformation Court
Malice
Prunier

Reine-Claude dorée

Mirobolan Gobelet 4 m x 6 m

2018

Frais/ transformation Court
Reine-Claude de Bavay
Petits Fruits, fruits à coque, divers Framboise, cassis, groseille, amande, châtaigne, noisette, figue, grenade, kaki... Selon l'espèce Selon l'espèce Variable 2018 Frais/ transformation Court

 

Système d’irrigation : Asperseurs, irrigation en plein sauf petits fruits (goutte à goutte)

Gestion de la fertilisation : Un apport de compost de ferme annuel ; luzerne de l'inter-rang broyée déportée sur le rang (jusqu'en 2021) puis laissée sur place

Infrastructures agro-écologiques : Mare, haies composites, plantes de service (dont aromatiques), pierriers, tas de branches, nichoirs, perchoirs et gîtes à chauve-souris

Abri à chauve-souris
Objectifs

Agronomiques

  • Rendement : Être proche de la moyenne des rendements régionaux en AB
  • Qualité : Minimiser la proportion de fruits non valorisés en frais
Environnementaux
  • IFT : Aucun traitement (0 IFT, 0 IFT biocontrôle)

Maîtrise des bioagresseurs

  • Maîtrise des adventices : Peu/pas d'impact sur la vigueur des arbres
  • Maîtrise des maladies : Minimiser l’inoculum de la parcelle d'une année sur l'autre
  • Maîtrise des ravageurs : Minimiser les populations de ravageurs de la parcelle ; maximiser la prédation

Le niveau de dégâts des bio-agresseurs est un résultat de l'expérimentation dans un cadre en rupture : dans quelle mesure peut-on produire des fruits sans pesticides en maximisant les biorégulations ?

Socio-économiques

  • Marge brute : La marge brute est un résultat de l'expérimentation dans un cadre en rupture. NB : la diversification s'accompagne d'une plus grande résilience financière (car résilience vis-à-vis des aléas, dont aléas climatiques)
  • Temps de travail : Eviter les pics d'activités et répartir la charge de travail tout au long de l'année ; temps inférieur ou égal à la moyenne en verger AB

Le mot de l'expérimentateur

Ce système est exploratoire et complexe car il s'appuie sur l'association de plantes pour produire, en utilisant uniquement du compost de ferme et de l'eau comme intrants. Il est porté par toute une équipe et un collectif de partenaires. En ce sens, il a été riche en interactions, lors de sa conception, de son pilotage, de son évaluation, et également lors de toutes les visites et temps d'échanges autour des questions posées par la diversification du verger (dont les Cafés Agro). Je souhaite remercier tout particulièrement les collègues et participant.es à cette démarche, qui ont permis de transformer une idée en un dispositif opérationnel, qui intègre et produit des connaissances pour repenser l'espace de production de fruits.

Ce verger très diversifié est jeune, et il n'est pas possible d'extrapoler les résultats des premières années, d'autant que les régulations biologiques mettent du temps à se mettre en place (ex. il faut plusieurs années pour qu'une haie pousse). Les premiers retours sont les suivants :

  • Les aléas climatiques ont très fortement impacté l'installation et la production du verger (neige précoce, grêle, 2 gels tardifs, stress thermique en 6 ans !), avec des pertes de récolte parfois totales selon les espèces.
  • La biodiversité végétale et animale (dont arthropodes) est présente dans le verger, et les niveaux de prédation et parasitisme sont élevés à très élevés. Depuis 2 ans, l'infestation du pommier par le puceron cendré est très faible, très probablement du fait de leur régulation naturelle.
  • Les arbres se sont bien implantés même si l'ECA sur abricotiers est à l'origine de pertes d'arbres.
  • La production est pour l'instant faible à moyenne selon les espèces (vu les aléas, 2023 est la seule année de production de toutes les espèces), et le niveau de dégâts des ravageurs 'historiques' reste 'raisonnable' en l'absence de toute protection : ce résultat est à confirmer dans la durée, d'autant que d'autres ravageurs tels que les punaises occasionnent des dégâts importants sur certaines variétés. 
  • Le travail dans le verger s'accompagne d'une plus grande diversité d'activités, de plus de temps d'observation mais l'objectif de limiter le temps de travail et de ne pas avoir de pics d'activités est atteint.

Pour finir, ce dispositif n'est pas un modèle à transposer en l'état en tant que verger commercial : il est à considérer comme un support de preuve de concept, comme un incubateur d'idées et de connaissances, et comme un lieu de partage d'expériences pour approprier la démarche dans d'autres contextes et avec d'autres objectifs. Sa résilience à long terme reste à évaluer mais il constitue déjà un espace qui contribue à réconcilier production et conservation de la biodiversité. A suivre !
S. Simon

Stratégies mises en œuvre :

Dans ce verger 0 phyto, les stratégies mises en oeuvre sont principalement préventives : choix d'un matériel végétal peu sensible aux bio-agresseurs, mesures pour favoriser les auxiliaires dans leur diversité, prophylaxie, et agencement spatial visant à limiter l'installation et la dispersion des ravageurs et maladies dans le verger...

Gestion des adventices

Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.

ok

 

Leviers Principes d'action Enseignements
Désherbage mécanique sur le rang (début de vie du verger)  Utilisé de la plantation (2018) jusqu'au printemps 2021, pour limiter la concurrence du couvert avec les fruitiers. Pratique équivalente à celle d'un verger en désherbage mécanique, avec tolérance d'herbe pour limiter le nombre de passages. Permet de limiter la présence des campagnols près des fruitiers.
Enherbement inter-rang Verger implanté dans une luzernière après destruction de la luzerne sur les rangs de plantation. Couvert en évolution spontanée à partir de cette luzernière. Entretien par broyage alterné 1 rang sur 2 soit au maximum 25% de la surface broyée par passage. Passages motivés par les opérations culturales, pour favoriser la prédation du campagnol sur pommiers (automne), et pour fertiliser (la luzerne est utilisée comme amendement sur place).

Demande de la vigilance par rapport au campagnol (piégeage si traces d'activité en augmentation à proximité des pommiers). 

Des compromis sont parfois à faire entre maintien du couvert pour la biodiversité et besoins pour les opérations culturales ou la gestion du campagnol.

Enherbement du rang (à partir 4e feuille) Couvert spontané, géré par broyage déporté et/ou débroussailleuse autour des troncs et des asperseurs. Mêmes principes de gestion que pour l'inter-rang. Demande de la vigilance par rapport au campagnol (piégeage si traces d'activité en augmentation à proximité des pommiers). 

 

Gestion des ravageurs

Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.

 

ok

Leviers Principes d'action Enseignements
Contrôle génétique

-Utilisation de variétés de pommiers peu à moyennement sensibles au puceron cendré pour limiter les infestations.

-Utilisation d'une variété de pommiers précoce pour limiter les populations de carpocapse (évitement).

-Utilisation de porte-greffes forts pour avoir des arbres les plus autonomes possible et permettre de récupérer après un stress biotique ou abiotique.

Le puceron cendré a été présent en phase juvénile du verger, ainsi que le puceron vert du pommier Aphis spp. ; pas d'infestation en 2022-2023 (quelques foyers, pas de progression de l'infestation). Un différentiel de sensibilité au puceron cendré a été observé au sein de cet ensemble de variétés peu sensibles.
+ Cf infra levier 'Agencement spatial'

Vigueur à gérer sur le prunier.

Contrôle cultural Fertilisation modérée et pas de pic de minéralisation. Le type de fertilisation utilisé (compost de ferme jeune à faible dose ~4t/ha) en fin d'hiver et l'utilisation de légumineuses ont permis une bonne installation des arbres.
Lutte biologique par conservation

Habitats et ressources (fleurs et proies alternatives) tout au long de la saison.

Augmentorium carpocapse (prototypes) -cf piégeage massif

Taux de prédation et de parasitisme élevés.

Présence mais pas de dégâts de pucerons depuis plantation pour les fruits à noyau, et depuis 2 ans (après phase juvénile) pour les pommiers.

NB : présence mais faible niveau d'infestation de tordeuse orientale/anarsia sur pêchers (pousses, fruits).

Lutte physique : piégeages

Piégeage mécanique des campagnols.
 

Piégeage massif carpocapse entre générations : entre G1 et G2, au cours G2-G3 puis sur populations diapausantes à l'automne (~5 sessions annuelles selon températures et développement carpocapse).
Utilisation d'augmentoriums : on  ne détruit pas les auxiliaires en même temps que les ravageurs.

 

Piégeage massif des forficules dans les 15 jours précédant la récolte pour limiter dégâts sur fruits et développement monilia.

 

 

Piégeage campagnol organisé selon les traces d'activités à proximité des pommiers.

Utilisation de modèle de développement du carpocapse pour limiter le nombre de sessions. Les bandes relevées (et les pommes piquées) sont mises dans des augmentoriums ('container' avec face grillagée avec une maille qui empêche les carpocapses de sortir mais permet aux parasitoïdes et aux petits auxiliaires d'émerger).
Il s'agit de prototypes (un pour les bandes pièges, un pour les pommes piquées et fonds de cueille), dont l'efficacité est à mesurer plus précisément.

Utilisation de carton ondulé dans un tube PVC fixé sur le tronc pour rapidité de récolte des forficules, passage 2 fois par semaine. Les forficules sont relâchés dans la haie de bordure. Dégâts en baisse en 2023 (par rapport à 2022) après mise en place piégeage : ~10-100 forficules récoltés par arbre et par passage (mais dispositif ne permettant pas de suivi de l'efficacité par rapport aux dégâts sur fruits).

Agencement spatial

Installer des variétés pièges en bord de parcelle.

 

 

Alternance des espèces entre rangs (cercles) pour limiter les infestations.

La variété Florina installée dans le cercle de pommiers extérieur se comporte comme une variété piège : le puceron cendré s'y installe et s'y reproduit à son vol de retour à l'automne mais ne se développe pas au printemps du fait de la résistance de cette variété. La variété constitue donc une 'impasse' pour ce ravageur.

Les rangs de pommiers intérieurs tendent à être moins infestés que les rangs extérieurs en 2021 (faibles niveaux d'infestation en 2022, 2023 ne permettant pas d'analyser). L'analyse pluri-annuelle reste à réaliser.

 

Gestion des maladies

Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.

 

ok

Leviers Principes d'action Enseignements
Contrôle génétique Utilisation de variétés peu à moyennement sensibles à un ensemble de maladies.

Pas de tavelure détectée dans la parcelle (variétés peu sensibles et résistantes).

Faible présence d'oïdium (pommiers, pêchers).

Présence de cloque faible à moyennement élevée selon les années mais les arbres ont ensuite la capacité à repousser (symptômes difficilement visibles dès juin). En question : son impact sur le rendement ?

Contrôle cultural

Broyage de la litière foliaire pour limiter la tavelure (pommier), et potentiellement la rouille (pruniers).

Enlèvement rameaux oïdiés (oïdium primaire, pommier), rameaux moniliés après fleur sur abricotiers, momies sur fruits à noyaux.

Gestion du microclimat : arrosages les matins pour ne pas avoir d'humidité sur le feuillage sur des périodes prolongées.

Broyage de litière réalisé avec le broyage des bois de taille en hiver.
NB : l'alternance d'espèces entre rangs limite la dispersion de l'inoculum dans la parcelle.

Réalisé lors de la taille hivernale, sauf passage spécifique pour abricotiers. Niveau d'infection sur rameaux faible et ne progressant pas d'une année sur l'autre.

L'arrosage de nuit (pour faciliter les 'tours d'eau') sur pruniers s'est accompagné d'un important développement de rouille. L'arrosage est dorénavant en journée.

Lutte biologique par conservation L'absence de protection fongique peut favoriser la présence d'antagonistes. Il serait intéressant à évaluer (microbiote) mais non réalisé dans le cadre du projet.

 

Maîtrise des bioagresseurs

Niveau de maîtrise de bioagresseurs par rapport aux objectifs fixés (vert=satisfaisant; jaune=moyennement satisfaisant; rouge=non satisfaisant; gris=sans objet). Plantation 2018.

  2018 2019 2020 2021 2022 2023
POMMIER  
Puceron cendré            
Puceron vert pommier            
Carpocapse pas de fruits pas de fruits        
Punaises pas de fruits pas de fruits        
Tavelure pommier            
Oïdium pommier            
PECHER  
Pucerons            
Tordeuse orientale            
Cloque            
Monilia fruits pas de fruits pas de fruits pas de fruits pas de fruits (gel) peu de fruits (gel)  
Cicadelle verte            
ABRICOTIER  
Pucerons            
Forficules pas de fruits pas de fruits peu de fruits peu de fruits    
Anarsia            
Monilia fleur            
Rouille            
ECA            
PRUNIER  
Pucerons            
Tordeuse/carpo prune pas de fruits pas de fruits pas de fruits pas de fruits    
Rouille            
PETITS FRUITS  
D. suzukii framboise            
D. suzukii groseilles, cassis            
FIGUIER  
Bioagresseurs figuier            
AMANDIER  
Eurytoma            
Autres bioagresseurs amandier            
TOUS FRUITIERS  
Cicadelle bubale            
Campagnols            

 

Le niveau de dégâts dus aux bioagresseurs varie selon les espèces fruitières et les années. Globalement :

-La présence de luzerne a probablement favorisé les populations de campagnols qui demandent un complément de piégeage à des périodes clés (hiver). Les pommiers sont toutefois la seule espèce à risque, et le total de pertes d'arbres dues au campagnol est de 2 arbres sur les 6 ans. La situation est donc globalement correcte même si une vigilance est requise.

-De même, la luzerne a favorisé la présence de cicadelle bubale en tant que Fabacée hôte, avec d'importantes cicatrices sur bois en verger jeune dues à ce ravageur. La disparition progressive de la luzerne et la croissance des arbres font que cet impact est maintenant très faible.

-Sur petits fruits, Drosophila suzukii affecte principalement les framboises, qui sont fortement infestées en fin de période de récolte (NB : framboisiers non remontants).

-Sur pruniers, l'attaque de rouille en 2020 est principalement liée à une aspersion de nuit (il n'est pas possible de tout arroser dans la journée). La modification de la pratique avec arrosage en début de journée a permis de limiter très fortement la maladie.

-Sur abricotiers, l'ECA est à l'origine de mortalité des arbres (en moyenne 5% des arbres par an) et constitue un verrou majeur pour cette espèce fruitière.

-Sur pêchers, l'attaque de cloque peut être importante certaines années (variétés très peu sensibles mais absence de toute protection). Les arbres ont ensuite la capacité de refaire de la pousse mais cette maladie limite peut-être la production qui n'atteint pas son potentiel.

-Les monilioses occasionnent quelques dessèchement de rameaux sur abricotiers, sans affecter le rendement. Peu/pas de recul sur pêches (monilia sur fruits) avec une seule année de récolte.

-Aucun symptôme de tavelure n'a pour l'instant été détecté sur pommier dans le verger. L'oïdium reste anecdotique.

-Les tordeuses sont présentes sur fruits à noyau mais restent à des niveaux très faibles (tordeuse orientale, anarsia, carpocapse des prunes). Le carpocapse du pommier est présent à des niveaux élevés (20% en moyenne) mais qui restent pour l'instant stables, et sont à mettre en regard de niveaux d'infestation pouvant atteindre 80-100% en l'absence de protection : ce résultat est à confirmer dans la durée. 

-La présence d'hoplocampes a été relevée sur pommiers et pruniers mais à des niveaux faibles voire anecdotiques.

-Les forficules ont occasionné des dégâts en fin de période de récolte en 2022. La prophylaxie semble les limiter en 2023.

-La cicadelle verte occasionne sur pêcher des symptômes pouvant affecter l'ensemble de la frondaison en septembre.

-Les punaises sont un ravageur émergent et préoccupant, qui a fortement affecté les dernières variétés de pommes récoltées. Les dégâts de punaises sont plus importants que ceux dus au carpocapse pour ces variétés.

-Après la phase juvénile en pommier, les pucerons n'occasionnent pas de dégâts en 2022-2023, et sont très rapidement régulés sur tous les fruits à noyau.

L'ensemble de ces résultats est à confirmer dans la durée, pour différentes années climatiques et également en regard de la mise en place progressive (ou non) de processus de régulation.

Performances du système : résultats 2023, à consolider en pluri-annuel (culture pérenne)

Performance environnementale et utilisation des pesticides

L'IFT total et l'IFT de biocontrôle sont égaux à 0 dans ce dispositif exploratoire '0 phyto'.

Comme indiqué précédemment, le renforcement du service de régulation des ravageurs est effectif, et l'espace de production contribue au maintien de biodiversité fonctionnelle mais également commune via la présence de ressources et d'habitats, et des pratiques peu impactantes.

L'impact environnemental est faible du fait de l'utilisation très faible d'intrants (eau, compost de ferme en valorisation du sous-produit d'un élevage voisin), du peu de mécanisation (broyage herbe, désherbage mécanique sur le rang les premières années), de la combinaison d'opérations (broyage combiné bois de taille et destruction litière foliaire) et de l'utilisation de petits engins (quad électrique) pour limiter le tassement du sol.

En analyse globale (travaux en cours), seule l'utilisation de foncier est un critère noté peu favorable (verger 'extensif') en regard de la production. Ceci illustre toutefois l'absence de référentiel pour évaluer l'ensemble des services écosystémiques soutenus par de tels espaces de production au delà de la production.

 

Performance agronomique

Les gels de 2021 et 2022 ont fortement perturbé l'entrée en production du dispositif, après des épisodes de neige précoce (novembre 2019) et de grêle massive (juin 2019) ayant affecté l'installation des arbres. Un stress thermique a affecté la production de raisin de table fin août 2023.

L'entrée en production a été échelonnée depuis la production de petits fruits (maintenant en baisse, notamment pour les framboisiers qui sont en fin de vie), les amandiers et les figuiers (2e ou 3e année), jusqu'aux pommiers et fruits à noyau (4e à 6e année selon gel). Les rendements 2023 sont faibles à moyens (cf figure) même si les dégâts sur fruits restent modérés en l'absence de toute protection phytosanitaire (ex. 25% de déchets sur pommiers, espèce la plus impactée). 

Ce dispositif met à nouveau en évidence l'absence de référentiel et de méthode pour évaluer les performances de systèmes diversifiés multi-production.

Tous ces résultats sont bien sûr à confirmer dans le temps (culture pérenne) et également parce que les régulations visées peuvent mettre du temps à s'installer (une haie met plus de 10 ans à s'installer), et que diverses perturbations (climat, nouveaux bioagresseurs) peuvent retarder l'acquisition de données ou demander de modifier des aménagements ou des pratiques. 

 

Rendement moyen par arbre 2023

Données 2023 (gel années précédentes), présentées en kg / arbre du fait de l'hyperdiversification du verger

Evaluation multicritère
Evaluation multicritère : vert = satisfaisant ; jaune = à améliorer ; rouge = pas du tout satisfaisant
Dimension évaluée Type d'indicateurs utilisés Niveau de satisfaction par rapport aux objectifs Commentaires
Biodiversité Diversité botanique et diversité d'arthropodes   D'autres groupes sont suivis (oiseaux, chauve-souris, Mammifères) mais le milieu est  jeune et l’échelle de suivi plus large que le verger.
Service de régulation des bio-agresseurs Taux de prédation, taux de parasitisme   Taux élevés dès les premières années.
Utilisation des pesticides IFT   IFT=0 (et 0 biocontrôle). Cette non-utilisation fait partie du cadre de travail fixé: c'est un prérequis, ce n'est pas un résultat.
Utilisation d'intrants de fertilisation  Quantités de fertilisants  

Pas d'apport exogène de fertilisants (hors compost de ferme fabriqué sur site).

Utilisation d'intrants d'irrigation Quantité d'eau  

Utilisation d'eau en protection contre le gel sur fruits à noyau.
Irrigation d'une partie de l'inter-rang pour favoriser l’implantation et l’autonomie des arbres.
Confort hydrique (pas de restriction).

Consommation d'énergie Temps de machinisme   L'utilisation de matériel électrique (Quad) au lieu de tracteurs pour certaines opérations permet de limiter cette consommation.
Production et qualité de la production Rendement par catégories   Variable selon les espèces et les années. L'objectif est d'être proche des moyennes régionales en AB.
Charge de travail Temps de travail et sa répartition  

Travail à l'arbre inchangé. Temps de prophylaxie plus élevé mais compensé par l'absence de traitements et une gestion extensive des couverts du sol.

Pas de pics d'activités mais l’activité est répartie tout au long de la saison. La gestion des 1,7 ha correspond à < 0.5 ETP.

Nature du travail

Nombre d'espèces cultivées

Nombre de passages

Temps d'observation et de pilotage

 

Travail plus diversifié, apprentissages pour de nouvelles espèces fruitières.

Nombre de passages élevé pour la gestion des couverts du sol car broyage max 25% surface.

En l'absence de références, un temps de construction de 'repères' spatiaux et techniques est nécessaire.

 

Il est complexe de rendre compte des performances d'un verger hyperdiversifié en l'absence de référentiel. Certains critères sont par ailleurs notés 'à améliorer' mais ne constituent pas forcément un point faible du système (ex. 'nature du travail') : des activités plus diversifiées peuvent être au contraire recherchées.

Zoom sur la biodiversité

Quatre principes sont importants à prendre en compte pour constituer un assemblage végétal à même de fournir habitat et ressources pour les auxiliaires du verger :

Principe 0. Sélectionner des essences adaptées au sol et au climat.
Une espèce qui pousse mal ou qui est dans un contexte trop éloigné de son optimum ne remplira probablement pas les fonctions attendues.

Principe 1. 'Ne pas nuire' ,c'est-à-dire ne pas sélectionner d'essences hébergeant des ravageurs ou maladies de quarantaine, ou en commun avec le verger et les principales cultures avoisinantes. Les haies constituent des corridors qui peuvent héberger et favoriser la progression d'un pathogène ou d'un ravageur.
Les principaux risques concernent des maladies telles que le feu bactérien (éviter l'aubépine, qui est hôte), la sharka (éviter les Prunus hôtes), l'ECA de l'abricotier (éviter le prunellier épineux si abricotiers à proximité)... ou des ravageurs tels que Drosophila suzukii ou le carpocapse si fruits sensibles à proximité. 
Cette réserve est à nuancer en fonction du risque local, des cultures à proximité, et du mode de gestion de ces essences : ex. D. suzukii se développe dans les baies de sureau mais leur consommation rapide par les oiseaux dans le verger circulaire fait que cette essence ne constitue pas un risque pour les fruits du verger.

Principe 2. Sélectionner des essences hébergeant une faune abondante et diversifiée.
Il existe de nombreux guides régionaux et sources d'informations qui indiquent les essences particulièrement riches en auxiliaires. Les essences à feuilles 'poilues' (duveteuses) sont généralement plus riches que celles à feuilles lisses (les 'poils' retiennent des pollens, consommés par des arthropodes détritiphages, qui sont eux-mêmes des proies pour des prédateurs etc.).

Principe 3. Créer une succession de ressources tout au long de la saison (cf schéma).
Les feuillages persistants fournissent un abri d'hivernation. Une association d'essences à floraison précoce (ex. viorne tin, noisetier, cornouiller mâle, romarin...), de saison (sureau, aromatiques en fin d'été etc.) et tardive (ex. Elaegnus, lierre) permet d'offrir des ressources florales tout au long de la saison. L'idée est que plusieurs plantes remplissent une fonction donnée, et que chaque plante fournisse si possible plusieurs fonctions. Une dizaine d'essences permettent généralement d'avoir l'ensemble des fonctions attendues.

Le renforcement de l'abondance et de l'activité des auxiliaires est particulièrement efficace vis-à-vis de ravageurs pouvant être tolérés dans le verger à de niveaux de populations relativement élevés (ex. acariens, psylles, certains pucerons...). 

Exemple de l'assemblage végétal implanté dans le cercle extérieur du verger circulaire (ensemble des fonctions attendues : brise-vent, barrière, fourniture d'habitat et ressources pour les auxiliaires).

Principes d'assemblage d'essences pour une haie favorable aux auxiliaires

 

 

Transfert en exploitations agricoles

Il s'agit d'un dispositif en rupture, qui explore des pistes pour repenser les vergers de demain (voire d'après-demain) : ce n'est pas un modèle à transposer en l'état en verger commercial. Par ailleurs, les choix réalisés ne sont pas à prendre tels quels : dit autrement, ce ne sont pas les noms des variétés fruitières ou des essences de la haie qui sont importants, mais les fonctions attendues et les caractéristiques de ces plantes qui permettent de les remplir (ex. un feuillage persistant est une caractéristique intéressante pour fournir un abri d'hivernation aux auxiliaires). De plus, il a fallu faire des choix lorsque plusieurs options étaient possibles, et certains choix ont également été contraints par la disponibilité du matériel végétal (deux ans sont parfois nécessaires pour disposer de certaines variétés sur certains porte-greffes). 

Mais la conception, le pilotage et l'évaluation de ce verger ont permis : (i) de rassembler un ensemble de connaissances agroécologiques scientifiques et empiriques pertinentes en arboriculture fruitière (ex. synthèses des Cafés Agro https://ueri.paca.hub.inrae.fr/) ; (ii) d'élaborer des principes de conception pour concevoir de nouveaux types de verger ou d'aménagements pour le verger et (iii) de documenter les aspects opérationnels d'innovations dont certaines sont remobilisables dans un verger 'classique' : constitution d'un assemblage végétal pour favoriser les auxiliaires tout au long de la saison, utilisation de légumineuses pour fertiliser le verger, mise en place d''augmentoriums', association de plantes de service en verger... 

L'évaluation en cours permet d'ores et déjà de donner à voir les points d'amélioration et d'attention à considérer lors de la conception d'un verger très diversifié. Pour finir,  l'approche développée constitue une des voies possibles ; ce 'modèle low-tech' ne demande pas d'investissements très lourds à la plantation (hors plants et irrigation) et les charges sont très faibles hors main d'oeuvre de conduite des arbres (comme en verger classique). Sa faible productivité les premières années demande le développement d'autres productions sur la ferme ou dans le verger (ex. maraîchage dans les inter-rangs les premières années) et de valoriser au mieux les productions (vente directe, transformation des fruits non vendus en frais). 

Pistes d'amélioration, enseignements et perspectives

Plusieurs années sont encore nécessaires pour évaluer dans la durée les limites et les mérites de ce verger encore jeune, et sa résilience :

-Ce verger, planté en 2018 en début de projet, est encore jeune, et l'entrée en production est très récente (en partie du fait des aléas climatiques).

-Nous sommes en culture pérenne, et des résultats pluri-annuels de production sont nécessaires pour la robustesse des résultats.

-Les régulations biologiques visées mettent du temps à se mettre en place, le temps d'installer les plantes ressources pour la biodiversité fonctionnelle (haies, plantes aromatiques). Les résultats actuels soulignent le potentiel de biorégulation de certains bioagresseurs en verger. La résilience à long terme de ce verger reste à évaluer mais il constitue déjà un espace qui contribue à réconcilier production et conservation de la biodiversité.  

Comme indiqué précédemment, ce dispositif est exploratoire ; ce n'est pas un modèle à transposer en l'état en tant que verger commercial. Il a permis d'explorer des pistes, d'élaborer des principes de conception pour concevoir de nouveaux types de verger ou d'aménagements pour le verger, et de documenter certains aspects opérationnels de la diversification. 

Des travaux complémentaires sont à poursuivre : suivi des régulations en phase de maturité du verger, analyses technico-économiques pluri-annuelles, capitalisation sur les apprentissages et le mode de gestion d'espaces de production diversifiés etc. Les suivis réalisés sont prévus jusqu'en 2030. L'analyse des marges de manoeuvre pour faire évoluer à la fois les vergers 'classiques' et ce type de verger très diversifié vers un compromis réconciliant production et haut niveau de régulation est également à considérer.

 

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Sylvaine SIMON
Pilote d'expérimentation - INRAE