Système Agrosem - Castelnaudary
Conception du système
Le système testé a d'abord été élaboré en 2018 au cours de 3 ateliers de co-conception, comme les systèmes des deux autres sites. Ces ateliers encadrés par l'INRAe visaient à établir des rotations d'environ 8-10 ans avec au moins une espèce de chaque groupe travaillé par la FNAMS : céréales à paille, protéagineux, fourragères, potagères et betteraves industrielles. Les rotations testées comprennent ainsi du blé, de la fétuque élevée, de la luzerne, une culture de printemps pour servir de couvert à une fourragère, un pois, deux potagères et une betterave industrielle. Des adaptations locales étaient prévues dès le début pour refléter les productions cultivées autour du site.
Le système de culture de Castelnaudary comprend ainsi du blé dur (et non du blé tendre) et les porte-graine potagères sont des carottes et des haricots (et non des oignons car le site n'est pas isolé des productions d'oignon porte-graine des agriculteurs voisins).
Lors du comité de pilotage de septembre 2020, vu les mauvais résultats obtenus avec le sarrasin à Castelnaudary (région venteuse, atmosphère trop sèche malgré l'irrigation, faible rendement), il a été décidé d'arrêter cette culture et de la remplacer par de l'orge de printemps. L'ordre de succession des cultures a aussi été revu pour donner la rotation qui suit.
Mots clés :
Porte-graine - Culture sous couvert - Réduction des cycles - Désherbage mécanique - Biocontrôle
Caractéristiques du système
Schéma de la succession culturale :
Situation de production : plein champ. Espèces : Blé dur, fétuque élevée fourragère (F.é.), orge de printemps, luzerne (Luz.), carotte, pois d'hiver associé à de l'orge, betterave industrielle, haricot ; toutes les cultures sont des productions de semences. Gestion de l'irrigation : Grâce à des sondes tensiométriques et au bilan hydrique. Fertilisation : Bilan azoté ou bilan azoté -15%. Interculture : Couvert de sorgho entre pois et betterave ; couvert de moutarde entre betterave et haricot. Gestion du sol/des adventices : Labour autorisé, faux-semis si possible, herse-étrille, binage. Circuit commercial : Les cultures ne sont pas commercialisées (pas de contrat de production). Infrastructures agro-écologiques : Bandes fleuries et bandes enherbées. |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Certaines cultures prévues lors de la conception de l'expérimentation se sont montrées inadaptées au climat de Castelnaudary. C'est le cas du sarrasin (encore présent sur le site de Brain) qui demandait une forte irrigation sous le climat chaud et venteux du site. Sa culture a été testée durant les 2 premières années (2019 et 2020), puis abandonnée pour laisser la place à de l'orge de printemps (2021 et 2022). Ces cultures servaient à implanter les luzernes et fétuques élevées. Cependant, pour 2023 il a été décidé de garder la luzerne durant deux années au détriment de la fétuque élevée. Ainsi, en 2023, la luzerne qui était sous de l'orge de printemps a été implantée sous son couvert habituel du Sud-Ouest : le tournesol.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Semis sous couvert |
Le couvert de la fourragère porte-graine permet d’occuper le sol et de limiter l’espace pour les adventices. |
Attention à la concurrence entre culture et fourragère porte-graine ! (céréale = trop de concurrence pour l’eau en année sèche) Dans le Sud-Ouest, le tournesol est un bon couvert pour la luzerne. |
Plantation au printemps |
Les carottes porte-graine sont habituellement semées en août-septembre. La conception de plants (arrachis) en pépinière, puis la plantation en mars limite la période où les carottes ne couvrent pas le sol. |
Pour réussir la plantation, planter le collet à 1-2 cm en dessous du sol, rouler et arroser si besoin. Cependant la plantation demande de la main d’œuvre, du temps et coûte cher. |
Ajout d’orge |
Dans le pois, l’orge est là pour couvrir le sol, puis pour servir de tuteur au pois. |
Obtenir une maturité du grain simultanée entre l’orge et le pois est compliqué et peut causer des battages sur du pois trop sec (problème de germination par la suite). Cependant, la présence d’orge assure un 2e revenu sur la parcelle. |
CI - Culture Intermédiaire |
Culture intermédiaire bien développée pour éviter que des adventices poussent et ne grainent entre deux cultures. |
Seul un couvert bien développé assure un effet contre les adventices. |
Semis sur sol chaud |
Le haricot a besoin de chaleur pour son développement. Un semis sur sol chaud lui permet de vite entrer en concurrence avec les adventices sur le rang. |
Des semis tardifs jusqu’au 10 juin environ sont encore possibles, mais ils décalent la date de récolte en septembre - octobre. |
Labour |
Labour pour détruire les cultures pérennes (fourragères) et ameublir le sol pour les futures plantations. Dans un sol avec une structure fragmentaire, les racines de carotte et betterave reprennent mieux et concurrencent plus les adventices. |
3 labours sur une rotation de 8 ans pour diminuer le stock semencier du sol. |
Herse étrille, binage |
Désherbage mécanique. |
À réaliser quand la culture le supporte, au stade jeune des adventices, avec des conditions climatiques sèches. |
Ecimage |
Coupe du haut des plantes. |
Les folles avoines peuvent souvent être écimées dans les céréales. |
Double précoupe |
La luzerne porte-graine est habituellement coupée une fois au printemps pour régulariser la floraison et éviter la verse. Ici une première coupe se fait en avril et une seconde enfin mai. La luzerne repousse plus fortement que les adventices et les étouffe. |
La double précoupe retarde le cycle de la luzerne et le remplissage des graines peut avoir lieu à une période de manque d’eau et affecter le rendement. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers |
Principes d'action | Enseignements |
Bilan N-15% |
Ne pas attirer les pucerons avec des plantes trop poussantes. |
Pas de puceron observé sur orge de printemps. |
Implantation au printemps |
Eviter la période automnale favorable à l’installation des pucerons. |
Pas de puceron observé sur orge de printemps. |
Précoupe tardive |
Fait repousser la luzerne à une période où les ravageurs du feuillage ne sont plus présents, rompt le cycle des ravageurs. |
Possible sur le site car sol a bonne réserve en eau et pluies en juin ou juillet. |
Binage contre les campagnols |
Perturbation du sol qui détruit les galeries de campagnols et les incitent à aller ailleurs. |
Campagnols présents dans les bandes fleuries à proximité, mais pas de galerie visible dans la fétuque. |
Ecimage |
Lors de l’écimage habituel des betteraves si des pucerons sont présents sur les hauts des hampes florales des betteraves, ils tombent au sol et ne remontent pas sur les hampes. |
Cette opération systématique aide à gérer les populations de pucerons. |
Semis peu profond, tardif contre la mouche |
Pousse rapide du haricot pour limiter la période sensible à la mouche des semis. Au moins un mois après la destruction du couvert d’interculture (la mouche est attirée par la matière organique en décomposition). |
La combinaison semis tardif et destruction du couvert 2 mois avant semis permet d’éviter les mouches des semis (méthode adoptée en 2021). Cependant cela peut aussi retarder la date de récolte. |
Bandes fleuries et bandes enherbées |
Mises en place depuis l’automne 2018 de bandes fleuries pour attirer des auxiliaires généralistes toutes les 2 parcelles de production. Bandes enherbées entre 2 parcelles de production en alternance avec les bandes fleuries pour un continuum de végétation entre parcelles et pour circuler. |
Il semble que les populations de pucerons se développent tôt sur les centaurées des bandes fleuries. Puis les coccinelles arrivent et sont présentes quand les pucerons se multiplient sur les cultures. Les populations de pucerons ont toujours été tolérables. |
Biocontrôle |
Des produits de biocontrôle ou UAB peuvent être appliqués : phosphate ferrique contre les limaces, spinosad contre les lixus… |
Seul le spinosad contre les lixus de la betterave est appliqué systématiquement dès les premiers accouplements. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Variété rustique |
Variété présentant peu d’écart de rendement entre modalités traitées et non traitées. |
Maladies assez peu présentes en général. |
Variété peu sensible |
Variété peu sensible à une maladie en particulier (rouille sur luzerne, rouilles sur fétuque élevée). |
Maladies assez peu présentes en général. |
Bilan N -15% |
Calcul de la dose d’engrais azoté par la méthode du bilan, diminué de 15%. Plantes moins sensibles aux maladies. |
Maladies assez peu présentes en général. |
Végétation aérée Irrigation le matin |
Limiter le microclimat humide favorable aux maladies. |
Peu d’humidité stagnante (également grâce au climat venteux). |
Dilution des pois dans l’orge |
Plus faible probabilité que les spores passent d’un pied de pois à l’autre. |
Concurrence de l’orge pour la lumière et l’eau. |
Semences saines |
Semences de base de haricot indemnes de bactériose (test sur 30 000 graines). |
Test peu effectué. |
Biocontrôle |
Applications de Cuivre et/ou Soufre. |
Alterner Cuivre et Soufre. |
Le niveau de présence des bioagresseurs sur les plantes cultivées est représenté par trois couleurs : vert (bonne maîtise bioagresseurs), jaune (moyenne maîtrise), et rouge (maîtrise insuffisante).
Dicotylédones adventices | Graminées adventices | Adventices vivaces | Bruche du pois | Lixus de la betterave | Pucerons | Tychius et punaises sur luzerne | Punaises sur carotte | Mouche des semis sur haricot | Fusariose sur blé dur | |
2018-2019 | ||||||||||
2019-2020 | ||||||||||
2020-2021 | ||||||||||
2021-2022 | ||||||||||
2022-2023 |
Les adventices annuelles ont été gênantes dans les carottes plantées les premières années, le temps de maîtriser la technique d’implantation (profondeur de plantation, roulage, irrigation...). Parmi les adventices vivaces, des chardons, des liserons des champs et des passerages draves sont présents. Ce sont surtout les ronds de passerage drave qui s'étendent (évolution marquée en 2023).
Parmi les ravageurs, les bruches sur pois sont les plus difficiles à gérer et leurs dégâts sont importants. Les larves de bruches peuvent manger le germe à l'intérieur du grain ce qui l'empêche de germer correctement (perte de faculté germinative). De plus, les grains bruchés se cassent plus facilement et partent alors en déchet, ce qui diminue le rendement. Les populations de lixus se sont aussi parfois montrées importantes sur la betterave. Les hampes florales minées par des larves de lixus alimentent mal les grains. S'ils sont d'un calibre trop petit, ils partent en déchet. Des populations importantes de punaises mirides ont été comptabilisées en 2023 sur les luzernes, comme sur les carottes. Ces punaises, en piquant les graines en formation peuvent entraîner des problèmes de germination, ce qui n'a pas été le cas.
Les maladies sont assez peu présentes grâce entre autres au choix variétal (variétés non sensibles).
Performance agronomique
Les performances agronomiques des productions de semences produites dans AgroSem sont évaluées au travers des rendements grainiers, de la faculté germinative et de la pureté spécifique.
- Rendements grainiers obtenus dans le système AgroSem de Castelnaudary
Globalement les rendements obtenus dans les parcelles d'AgroSem à Castelnaudary sont inférieurs aux références. Les références choisies sont les rendements départementaux en production de consommation pour les céréales et le pois (source Agreste), les rendements grainiers nationaux en fourragères porte-graine, le rendement moyen de la variété en betterave sucrière semence et les potentiels ou les objectifs de rendement en potagère porte-graine. Les meilleurs rendements concernent les luzernes porte-graine qui sont en moyenne à 114 % du rendement moyen national. A l'inverse le pois protéagineux, associé à de l'orge, donne des rendements de pois assez faibles comparés aux rendements départementaux en culture pure de pois de consommation. La concurrence de l'orge se fait sentir. Cette présence peut également retarder la récolte du mélange, ce qui entraine un battage de grains sans doute trop secs qui se fissurent et germent mal ou se cassent et partent en déchet. De plus, la présence d'orge ne semble pas diminuer les pontes de bruches, mais limite nettement l'enherbement (désherbage mécanique rarement utilisé).
- Qualités obtenues dans le système AgroSem de Castelnaudary
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Les facultés germinatives sont souvent bonnes. Cependant pour toutes les cultures de pois, les lots ne germaient pas suffisamment à cause de la bruche et/ou d'un battage sur grains trop secs. Ces problèmes de battage peuvent aussi affecter les haricots porte-graine. |
Les puretés spécifiques se sont améliorées notamment en maitrisant mieux la technique de plantation des carottes. Des cultures mal implantées laissent de la place aux adventices dont les graines peuvent se retrouver dans le lot final, même après triage. |
Performance environnementale
- Indicateur de Fréquence de Traitement
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Le principe de l'expérimentation est de ne pas appliquer de produits phytosanitaires de synthèse. Les IFT sont donc très fortement réduits. Seuls des produits utilisables en AB ou de biocontrôle ont été utilisés. Les données présentées sont issues des moyennes sur les campagnes 2019 à 2022. Les références choisies sont des itinéraires techniques à dires d'experts pour le blé et le pois. Pour la betterave, la carotte, la fétuque, le haricot et la luzerne, les itinéraires sont ceux issus des enquêtes économiques de la FNAMS. |
- Consommation de carburant et d'eau d'irrigation
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La consommation de carburant a été calculée à partir de simulation dans Systerre. L'utilisation du désherbage mécanique, la culture de couverts d'inter-culture et le choix de la plantation des carottes entraînent souvent une surconsommation de carburant par rapport aux références (itinéraires à dires d'expert ou issus des enquêtes économiques FNAMS). | La fétuque et la luzerne de l'expérimentation présentent des consommations d'eau d'irrigation importantes. En effet, suite à des échecs d'implantation des fourragères sous couvert, celles-ci ont dû être ressemées en fin d'été avec de l'irrigation pour s'assurer de la présence de cette culture dans l'expérimentation. Des irrigations ont également été nécessaires pour améliorer le développement du sarrasin sur ce site venteux et chaud. |
Performance économique
- Temps de travail et charges directes
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Pour le temps de travail, la plus grosse différence entre le résultat d'AgroSem et la référence s'observe pour la culture de carotte. En effet, pour éviter la phase où les jeunes carottes ne couvrent pas le sol, il a été décidé de planter des racines de carottes porte-graine au lieu de les semer. Alors que le semis est assez rapide et ne demande qu'une personne, la plantation est opération lente et demande plusieurs planteurs en plus du chauffeur. Pour la fétuque élevée, des opérations de désherbage manuel (ray-grass, rumex) expliquent l'augmentation du temps de travail. | Les charges directes des cultures comprennent les intrants (semences ou plants, engrais, phytos, eau et autres intrants), les charges de mécanisation et les charges salariales. Les calculs ont été faits grâce au logiciel Systerre. Les charges les plus importantes dans celle expérimentation se trouvent en production de carotte car le coût du plant est pour l'instant important, mais il pourrait diminuer si les pépinières étaient faites à grande échelle. |
La plus importante différence entre les pratiques habituelles (référence) et celles appliquées dans Agrosem se voit sur la culture de carotte porte-graine : la plantation au lieu du semis entraîne bien une diminution des IFT, mais aussi une augmentation du temps de travail et des coûts de production pour des rendements maintenant équivalents à ceux obtenus par semis.
La luzerne se démarque également. La principale modification de pratique concerne le désherbage mécanique et la double précoupe (2 broyages mi-avril et fin mai). L'IFT est nul et la pureté spécifique toujours bonne, mais le temps de travail augmente, ainsi que la consommation de carburant.
Les bandes fleuries semées à Castelnaudary, comme à Brain et Condom, sont composées d'une vingtaine d'espèces : des espèces florales vivaces ou annuelles et des espèces fourragères vivaces (légumineuse et graminées) pour diminuer le coût et laisser le sol couvert même en hiver (rôle des graminées). Les bandes fleuries ont été semées à l'automne 2018 et comportent encore une dizaine d'espèces originelles en 2023 (en plus de 6 espèces spontanées). Des captures d'insectes ont été réalisées dans des pots Barber ou par fauchage au filet fauchoir en 2022 et 2023. On observe ainsi un plus grand nombre d'insectes sur les bandes fleuries que sur les cultures. Mais leur impact sur la performance des cultures n'a pas été établi à ce jour.
L'expérimentation a fait l'objet de nombreuses visites. Elle suscite de nombreuses questions de la part des agriculteurs multiplicateurs et des techniciens d'établissements semenciers et constitue une source d'inspiration pour l'évolution des pratiques.
En effet les agriculteurs passent plus facilement des herses étrille ou des bineuses dans leur parcelles de potagères porte-graine. Ces outils sont utilisables sur d'autres créneaux météo, notamment lors de vent trop fort pour des traitements au pulvé, et peuvent être efficaces même sur des adventices résistantes (ray-grass par exemple).
L'implantation des carottes porte-graine par une plantation est une technique maintenant maîtrisée dans le cadre de l'expérimentation. Cependant elle demande de la main d'œuvre, du temps, et coûte cher. Ainsi en 2024, les carottes porte-graine ont été semées en fin d'été comme cela se fait habituellement, mais avec une plante de service : le nyger. Le nyger est semé en même temps que les carottes sur le rang grâce au micro-granulateur. Sa présence permet de voir rapidement les rangs et de biner précocement. De plus, il limite la place disponible pour les adventices sur le rang et est détruit par le premier gel.