Vente ou conseil ? Une question d'aujourd'hui qui ne date pas d'hier
La séparation de la vente et du conseil en matière de produits de protection des plantes est un sujet dont on a parlé régulièrement ces dernières années. En septembre 2016, Ségolène Royal avait annoncé qu’elle mettrait en œuvre la séparation de la vente et du conseil sur l’utilisation des pesticides. Elle devait proposer, avec le ministère de l’Agriculture, les dispositions précisant les modalités de délivrance du conseil indépendant.
« Découpler conseil et distribution n’est pas forcément le moyen le plus efficace pour réduire l’usage des pesticides », affirmait alors Stéphane Le Foll. Le ministre avait illustré son propos par le succès du plan Écoantibio, alors même que les antibiotiques restaient prescris et vendus par les vétérinaires. Revenant sur le cas des produits phytosanitaires, Stéphane Le Foll a reconnu que l’hypothèse d’une séparation conseil et distribution avait été étudiée lors de la rédaction de la loi d’avenir agricole. « Nous avons finalement tranché et décidé de prendre une autre option, en encourageant le biocontrôle et les méthodes alternatives, et en instaurant le principe des certificats d’économies de produits phytosanitaires, CEPP. » Pour le ministre, la proposition de Ségolène Royal allait à l’encontre des CEPP et de la responsabilisation des distributeurs qu’il prônait.
Ce rapport d'expertise et de conseil signalait en préambule, qu'en imposant aux entreprises distributrices de produits phytosanitaires la séparation capitalistique du conseil et de la vente, l'article 15 de la "loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous" adoptée peu de temps avant, introduisait un changement majeur pour la fourniture du conseil à l'agriculteur.
De nouvelles formes de conseil était présentées, notamment le conseil annuel stratégique qui, assuré par des prestataires indépendants de haut niveau, serait en mesure d'accompagner l'agriculteur sur le chemin de la transition agroécologique, objectif assumé de la loi.
La mission avait ainsi identifié deux cibles d'évolution et d'adaptation attendues : d'une part, l'entreprise de distribution et conseil et, d'autre part, l'agriculteur lui-même. Ainsi des recommandations essentielles avaient été formulées. Elles portaient sur :
- la définition et les modalités de la séparation capitalistique,
- la transparence et l'identification des moyens humains et financiers dédiés à chacune des activités de conseil et de vente de produits phytosanitaires,
- le renforcement de la responsabilité des conseillers et des producteurs agricoles.
Un article Alim'agri apportait une synthèse de la consultation du public sur le projet d'ordonnance ainsi qu'une synthèse des observations et des propositions du public.
L'ordonnance publiée s'inscrivait ainsi dans le cadre du plan national de réduction des produits phytosanitaires et de sortie du glyphosate. Elle confortait les agriculteurs comme acteurs-clés de la transition agroécologique, accompagnés par des conseillers pleinement qualifiés et indépendants de l'activité de ventes de produits phytosanitaires.
Par ailleurs, cette ordonnance pérennisait le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), en tant que véritable levier de déploiement des alternatives dans les exploitations, et l'étendait à l'outre-mer.
Enfin un article sur Alim'Agri donnait une première grille de lecture de l'ordonnance en attendant les textes définitifs.
364 contributions ont été obtenues en réponse à la consultation publique avec 60% défavorables mais avec notamment plusieurs contributeurs de la même entreprise et seulement 6% favorables. Une majorité de ces contributeurs trouvait ces textes contreproductifs et d’application trop brutale. Cependant un tiers des participants souhaitaient l'introduction des évolutions techniques (34% qualifiés « autres » dans la synthèse) telles que des exemptions de conseil stratégique pour les agriculteurs DEPHY ou Groupes 30.000, la sécurisation de la qualité du conseil…
L'ensemble des textes a été publié le 16 octobre. Il comprend un décret, sept arrêtés et une note de service précisant notamment les référentiels de certification et leurs guides de lecture, et les démarches ou pratiques permettant l’exemption de conseil stratégique.
La chambre d'agriculture de l'Yonne a produit un document montrant les points principaux de l'évolution du conseil en matière de produits de protection des plantes.
Le point clef pour l'agriculteur et le conseiller reste la segmentation du conseil en plusieurs étapes:
- le conseil spécifique devant indiquer les méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques disponibles pour lutter contre la cible du traitement recommandé et en prévenir l’apparition ou les dégâts. Celui-ci devra recommander en priorité les produits ou substances qui ont le moins d’impacts sur la santé publique et l’environnement. Ce conseil doit être conservé par l’utilisateur et le conseiller pendant trois ans.
- un diagnostic réalisé par écrit et dressant un bilan de l’utilisation des produits phytosanitaires et des méthodes alternatives à l’utilisation de ces produits et notamment l’évolution des quantités utilisées par type de produits, l’IFT des principales cultures, son évolution, son positionnement par rapport à l’IFT régional;
- un premier conseil stratégique prenant la forme d’un plan d’actions composé de recommandations visant à réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques;
- un second conseil stratégique devra quant à lui dresser un bilan du déploiement du plan d’actions, identifier les difficultés et les facteurs de réussite et proposer les évolutions nécessaires. Au moins deux conseils stratégiques doivent être réalisés sur une période de 5 ans et il est possible de déroger à ceux-ci dans certaines conditions fixées par arrêté.
Titre
Les distributeurs avaient jusqu’au 15 décembre pour choisir entre la vente et le conseil
Quelle a été leur décision ? La réponse dans les deux premières minutes du podcast.
2021 et 2022 devraient être deux années de mise en place progressive du dispositif. Il faut laisser du temps aux agriculteurs pour s’approprier ce dispositif et en comprendre les réels enjeux. Nous tablons sur 2023 comme réelle année « d’engouement » - Jérémy DREYFUS - coordinateur des actions liées à la réduction des produits phytosanitaires à l’APCA [Référence Agro - 21 octobre 2020]