PARSADA: anticiper le potentiel retrait européen de substances actives
PARSADA : anticiper le potentiel retrait européen de substances actives
Afin de ne pas laisser les agriculteurs sans solutions face au potentiel retrait européen de substances actives [1], la première ministre Elisabeth Borne, a annoncé au SIA 2023, le PARSADA [2] (Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures). Ce dispositif, co-construit avec les filières vise à développer un éventail de solutions opérationnelles pour faire face aux potentielles situations d’impasses. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) a été lancé en décembre 2023. Il s’est suivi d’un appel à projet (AAP) dès avril 2024.
Plusieurs éléments peuvent expliquer la diminution du nombre de substances actives avec au moins un produit autorisé en France (Figure 1):
- l’amélioration des connaissances sur les impacts sur la santé et l’environnement,
- l’évolution du cadre réglementaire européen,
- l’apparition de résistances,
- la difficulté à identifier de nouveaux modes d’action chimiques.
Parmi les quelques 500 substances autorisées au niveau européen, plus de la moitié seront sujettes à une réévaluation d’ici 2025[1]. Pour certains usages, et en premier lieu dans les petites filières, ne subsistent déjà que peu de modes d’action. Si l’on prend pour exemple la filière endive, celle-ci pourrait faire face à une situation d’impasse technique dès 2025 en matière de désherbage des chénopodes, graminées, mercuriales… puisque des herbicides clés (Bonalan et Safari) pourraient être retirés et l’herbicide Kerb Flo pourrait voir sa dose homologuée réduite.
Le PARSADA devra permettre de faire face à de potentielles impasses techniques, tout en répondant aux enjeux sanitaires et environnementaux. Il répond également à des enjeux de souveraineté et de résilience des filières en favorisant le développement de stratégies préférentiellement non chimiques, moins sensibles aux réglementations.
Le PARSADA est un dispositif inédit en Europe qui s’inscrit dans l’axe 1 de la stratégie Ecophyto 2030 [3] [4] publiée le 6 mai 2024. Il a pour objectif de faire émerger des projets de recherche, développement et déploiement de solutions opérationnelles pour anticiper le possible retrait des substances actives. Les projets doivent répondre au triple objectif suivant[5] :
- Développer des solutions techniques, de préférence non chimiques, en réponse à ces situations d’impasse : désherbage laser, innovation variétale, solutions de biocontrôle, développement de mesures prophylactiques…
- Travailler à l’intégration de ces solutions dans les systèmes de culture, dans les stratégies de protection des cultures en étudiant la combinaison de leviers.
- Utiliser des stratégies de transfert efficaces vers les agriculteurs, pour assurer un déploiement rapide dans les délais des projets (3 à 5 ans).
Une étude a permis d’identifier 75 substances actives candidates à substitution dont le retrait conduirait à des impasses techniques.
Les filières, structurées en TaskForce, ont été chargées d’identifier les usages ou groupes d’usages, qui seraient les plus impactés par ces potentiels retraits (culture(s)*mode(s) d’application*cible(s)). Les filières ont également pu mettre en avant, les usages prioritaires en fonction de leur importance technique et économique.
Pour chacune des priorités identifiées, des plans d’actions ont été construits collectivement par les membres de chacune des filières, en identifiant des voies concrètes de développement.
Pour commencer, une première « vague » de plans d’actions a été lancée par un appel à manifestation d'intérêt lors d’un comité inter-filière présidé par le ministre de l’agriculture. Elle réuni 14 plans d'actions (Tableau 1). Une seconde vague abordant de nouvelles priorités pour chaque filières devrait voir le jour début 2025.
Ces différents plans d’action possèdent une structure commune qui est divisée en 4 axes :
- Connaissances des bioagresseurs et auxiliaires
- Méthodes à l’échelle de la plante
- Méthodes à l’échelle de la parcelle et du paysage
- Déploiement et transfert auprès des agriculteurs
Ces axes sont déclinés en sous-actions qui correspondent à des actions de recherche et développement que les filières ont identifié comme étant pertinentes pour atteindre l’objectif de faire face aux impasses. Il s’agit concrètement de développer des alternatives ou encore de réaliser des actions de « support » aux stratégies de protection des cultures, telles que la connaissance des ravageurs, la robotique, le numérique… Les projets candidats doivent traiter d’une ou plusieurs de ces sous-actions.
Avec le PARSADA, le Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire et de la Forêt (MASAF), capitalise sur les expériences des précédents plans de recherche-action, tels que le plan sur la sortie du glyphosate, le plan Phosmet et le PNRI Betterave [6]. Il se distingue par :
- Une approche par anticipation : développement et déploiement de solutions opérationnelles avant le retrait des substances actives, contrastant avec la gestion en mode crise des plans précédents.
- Une approche de type résolution de problèmes suivant les étapes : diagnostic, élaboration du plan d’action, gouvernance et suivi [7].
- Une approche co-construite avec les filières : identification des priorités et rédaction des plans d’action par les filières, financements avantageux pour les instituts techniques agricoles (financement à 100% contre 80% en temps normal).
Pour cela, une enveloppe inédite de 146 M d’euros a été allouée pour 2024. Avec des subventions pouvant atteindre 7,5M d’euros par projet. Il est prévu que cette même enveloppe soit reconduite en 2025 et 2026.
Certaines filières sont déjà dans des situations d’impasses ou le seront avant l’opérationnalité complète des leviers développés dans le cadre du PARSADA. Ces situations sont identifiées par le « Comité des solutions », [8] qui explore les solutions règlementaires en plus des solutions agronomiques. Anciennement présidé par la ministre Agnès Pannier-Runacher [8], ce comité est composé de représentants de toutes les filières végétales. Son rôle est de recenser les situations d’impasses techniques en France et les potentielles solutions ou usages homologués dans d’autres pays européens mais pas en France pour des raisons de coût d’homologation ou de taille de marché par exemple. Le Comité des solutions se réunit très fréquemment et la restitution de ses travaux en juillet 2024 a mis en évidence une centaine de solutions autorisées dans les autres états membres qui sont actuellement étudiées par l’ Anses [9].
D’autres appels à projet sont en lien avec le PARSADA. Ceux-ci ne sont pas centrés exclusivement sur la protection intégrée des cultures mais peuvent y contribuer :
[1] P. A. Marchand, « EU Chemical Plant Protection Products in 2023: Current State and Perspectives », Agrochemicals, vol. 2, no 1, Art. no 1, mars 2023, doi: 10.3390/agrochemicals2010008.
[2] « Lancement du chantier de planification écologique sur les produits phytopharmaceutiques », Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Consulté le: 31 juillet 2024. [En ligne]. Disponible sur : https://agriculture.gouv.fr/lancement-du-chantier-de-planification-ecologique-sur-les-produits-phytopharmaceutiques
[3] « Stratégie Écophyto 2030 », Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Consulté le: 1 août 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://agriculture.gouv.fr/strategie-ecophyto-2030
[4] « Le Plan Ecophyto : 2018, II, II+ et stratégie 2030 | Ecophytopic ». Consulté le: 23 octobre 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://ecophytopic.fr/pic/pour-aller-plus-loin/le-plan-ecophyto-2018-ii-ii-et-strategie-2030
[5] « Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA) | Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt ». Consulté le: 25 septembre 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://agriculture.gouv.fr/plan-daction-strategique-pour-lanticipation-du-potentiel-retrait-europeen-des-substances-actives-et
[6] « Mission d’appui au plan d’anticipation du retrait de substances actives et de développement des alternatives (PARSADA) - Déroulement de la mission », Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Consulté le: 1 août 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://agriculture.gouv.fr/mission-dappui-au-plan-danticipation-du-retrait-de-substances-actives-et-de-developpement-des
[7] « Produire de l’alternative en protection des cultures : retour d’expérience de plans d’action sur les alternatives non chimiques aux substances actives retirées », Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Consulté le: 31 juillet 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://agriculture.gouv.fr/produire-de-lalternative-en-protection-des-cultures-retour-dexperience-de-plans-daction-sur-les-0
[8] « Lancement du cycle de réunions « Solutions et alternatives aux produits phytosanitaires interdits » », Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Consulté le: 31 juillet 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://agriculture.gouv.fr/lancement-du-cycle-de-reunions-solutions-et-alternatives-aux-produits-phytosanitaires-interdits
[9] « Produits phytosanitaires interdits : une centaine de nouvelles solutions sur le marché d’ici un à deux ans | Réussir Grandes Cultures ». Consulté le: 26 septembre 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://www.reussir.fr/grandes-cultures/produits-phytosanitaires-interdits-une-centaine-de-nouvelles-solutions-sur-le-marche-dici-un-deux