Gestion des ravageurs aériens de la betterave adulte
La betterave adulte peut être attaquée par tout une myriade de ravageurs aériens au cours de l'été, qui vont se nourrir à ses dépens voire y passer une partie de leur cycle de vie. Parmi les ravageurs aériens les plus susceptibles de causer des dégâts, la teigne est historiquement le ravageur le plus impactant, surtout en année chaude et sèche. Le charançon de la betterave, initialement présent dans les betteraves porte-graine, est présent également depuis quelques années dans les secteurs betteraviers du Sud de Paris et de la Champagne. Les blessures causées par ces deux bioagresseurs sont des portes d’entrée pour des pourritures racinaires telles que le Rhizopus, qui vont entrainer des pertes de rendement supplémentaires.
Afin d’optimiser la gestion des différents ravageurs aériens, il est nécessaire de surveiller leur apparition et leur développement. La lutte contre le stress hydrique reste l’un des meilleurs moyens d’éviter que les betteraves ne soient trop affaiblies et de limiter les attaques du Rhizopus. En ce qui concerne le charançon, la recherche est mobilisée pour mieux comprendre son épidémiologie et identifier des solutions.
1. Identifier les ravageurs aériens les plus impactants
Il est important de différencier les ravageurs de la période estivale selon leur impact sur les betteraves. On distingue ainsi :
- Ceux qui peuvent entrainer des dégâts importants, notamment en cas de conditions chaudes et sèches :
- Les jeunes larves de teigne, un papillon crépusculaire, creusent des galeries superficielles dans le pétiole des feuilles jusqu’au collet et limitent la formation de nouvelles feuilles. Ces blessures sont également des portes d’entrée pour des bioagresseurs secondaires tels que le Rhizopus, qui peut entrainer jusqu’à 50 % de perte de rendement.
- Les charançons de la betterave (Lixus) se développent de l’œuf à l’adulte directement dans une galerie, à l’intérieur du pétiole, puis à l’intérieur de la racine. De même que pour les teignes, ils entrainent des pertes de rendement, et les blessures permettent les attaques de bioagresseurs secondaires tels que le Rhizopus.
- Ceux qui entrainent des dégâts moins importants, sauf en cas d’attaques exceptionnellement fortes :
- Les larves des noctuelles défoliatrices se nourrissent au niveau du bouquet foliaire entrainant des perforations. Les pertes de rendement peuvent atteindre 9 % en cas d’attaques très importantes, lorsque les feuilles sont réduites aux nervures.
- Les acariens vivent et se nourrissent sur la face inférieure des feuilles. Ils peuvent entrainer une perte de la surface foliaire, mais sont également des portes d’entrée pour des attaques de bioagresseurs secondaires.
- Ceux plus rares, et entrainant actuellement peu de dégâts, comme les punaises. Ces insectes piquent les nervures des feuilles, et la salive toxique qui est injectée entraine des déformations. La croissance des betteraves est alors temporairement ralentie.
- Ceux qui provoquent peu de dégâts eux-mêmes mais sont surtout des vecteurs de maladies : c'est le cas des cicadelles, avec la transmission d'une bactérie responsable du syndrôme des basses richesses (SBR) par la cicadelle Pentastiridius, et le RTD (Rubbery Taproot Disease), transmis par la cicadelle vectrice du phytoplasme Stolbur. Ces deux maladies entrainent des pertes de richesse ou des difficultés d'extraction du sucre des racines. Au vu de la recrudescence des parcelles touchées, notamment en 2023, l'ITB s'est mobilisé avec la préparation d'une fiche spécifique sur ces cicadelles et les maladies transmises, désormais en ligne.
- L'outil DIAGBET ravageurs, maladies & auxiliaires de la betterave permet à partir d'une clé de reconnaissance de bien différencier les ravageurs.
- Le guide BetaGIA aide à l'identification des maladies et donne tous les éléments pour gérer une attaque.
- De plus, trois fiches spécifiques sur les teignes, les charançons de la betterave et les cicadelles vectrices du SBR synthétisent les connaissances actuelles sur ces ravageurs pour une bonne gestion.
Un suivi en cours de saison permet de détecter au plus tôt l’apparition des ravageurs, et de surveiller leur développement. Un réseau spécifique à la teigne a été développé dès 2007 avec les acteurs de la filière en lien avec son extension et son impact de plus en plus préoccupant sur le rendement. Ce réseau a été intégré à la Surveillance Biologique du Territoire (SBT) à partir de 2009. De plus, la surveillance s’est étendue aux autres ravageurs aériens (noctuelles défoliatrices, acariens, punaises, …).
Ce réseau a ainsi permis de caractériser la progression des charançons de la betterave depuis la Limagne jusqu’à leur remontée au nord de Paris. Leur suivi a été renforcé à partir de 2018 avec l’ajout de variables plus détaillées afin de mieux caractériser l’impact réel de ce coléoptère. De plus, la recrudescence des parcelles touchées par le SBR et le RTD en 2023 a incité la filière à renforcer le suivi sur les cicadelles vectrices et les maladies SBR et RTD, avec le rajout de nouvelles variables.
Ainsi, le suivi de 200 à 300 parcelles betteravières par une centaine d’observateurs de la filière dans le réseau SBT permet de récolter plus de 30 000 lignes d’observations par an dans l’outil Vigicultures. Ces observations sont ensuite validées par les animateurs régionaux qui les synthétisent et diffusent une analyse sanitaire chaque semaine dans les Bulletins de Santé du Végétal, accompagnée de conseils dans les notes d’informations régionales.
L'importance des dégâts et l'extension rapide du charançon Lixus ont incité l'ITB à mettre à disposition des betteraviers un outil de suivi en temps réel de sa pression dès 2022. Cet outil est basé sur les observations réalisées dans le cadre du Suivi Biologique du Territoire, et permet de visualiser la dynamique par parcelle du coléoptère avec un indicateur de présence de l'adulte, de présence des pontes, puis de présence de larves ou de galeries dans les betteraves.
Cette carte interactive et en temps réel vient enrichir les outils Alerte déjà existants, établis à partir des données d'épidémiosurveillance du réseau de Surveillance Biologique du Territoire (SBT) et saisies dans Vigicultures. Chaque point est synthétisé sur la carte par une couleur représentant le niveau de risque de la parcelle.
2. Méthodes alternatives
Il existe peu de moyens de lutte contre les ravageurs aériens de la plante adulte. Le moyen principal est de lutter contre le stress hydrique, afin de limiter le développement de bioagresseurs secondaires tels que le Rhizopus, qui profitent des blessures pour coloniser des betteraves déjà affaiblies par la sécheresse.
De plus, une irrigation, par l’apport d’une grosse quantité d’eau, permet de noyer les larves de teigne au cœur de la betterave et de limiter la migration des larves de charançons dans les racines.
En ce qui concerne les acariens, un moyen de limiter leur présence dans les betteraves est d’entretenir les bordures des parcelles, dans lesquelles ils ont pu hiverner, notamment lorsqu’elles sont enherbées sans fauchage.
3. Raisonner les traitements et gérer les résistances
Des traitements insecticides peuvent être appliqués contre les noctuelles défoliatrices et les teignes selon des seuils d’intervention. En effet, en dessous de ces seuils, une intervention ne se justifie pas.
En ce qui concerne les charançons, même si des produits insecticides sont utilisables, ils n’apportent qu’une protection partielle contre les ravageurs, et les différents produits testés sur betterave sucrière n’ont pas montré d’efficacité.
L’utilisation répétée d’insecticides avec le même mode d’action ou des efficacités limitées sur le ravageur ciblé peut entrainer des phénomènes de résistance ou d’accoutumance des ravageurs. Pour éviter ce problème, il est recommandé d’utiliser des insecticides en alternant les modes d’action.
4. Recherche et développement
Le charançon est un ravageur récent de la betterave sucrière : ses premiers dégâts ont été observés dès 2010 au sud de la zone betteravière, et son expansion vers le nord de la zone betteravière a pu être caractérisée. Au vu de la récurrence des dégâts sur plusieurs années, l’ITB s’est associée aux acteurs de la filière pour pouvoir mieux connaître ce bioagresseur, créer un indicateur de risque climatique et identifier des pistes de gestion,
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En projet : l’utilisation de plantes de service pour gérer les populations de Lixus
Alors qu'il n'avait plus été observé depuis l'arrêt de la production betteravière en Côte d'Or, le SBR a de nouveau été détecté en Alsace en 2023. Même si les surfaces concernées restent limitées, l'ITB suit attentivement sa progression et a commencé un travail de bibliographie et de recherche afin de déterminer les moyens de lutte.