Les pièges connectés en horticulture
Les suivis épidémiologiques sont essentiels pour mettre en place une stratégie de lutte efficace contre les insectes ravageurs. Ces suivis reposent sur l’observation régulière des cultures et la mise en place de pièges.
Les pièges classiques exigent des relevés manuels fréquents (1 à 2 fois par semaine) ainsi que des connaissances entomologiques. Ils peuvent donc être chronophages et techniques. Les progrès technologiques de ces dernières années ont permis le développement de pièges connectés : ici le suivi se veut plus précis, simplifié et automatisé. Le gain de temps qu’ils autorisent réduit les coûts de suivi : un piège à phéromone delta classique coûterait ainsi environ 4 000 € pour un suivi d’une espèce sur 8 mois alors que son équivalent connecté est estimé à 2 700 € (données 2024 récoltées dans le cadre d’une surveillance de Duponchlia foevalis) [1].
Plusieurs systèmes sont disponibles sur le marché : piège entonnoir avec capteur de passage ; caméra vidéo infrarouge ; piège delta avec caméra fixe ; application mobile pour la reconnaissance des insectes. La fiabilité des outils est dépendante de la qualité de la prise de vue, du traitement d’images et de l’algorithme de reconnaissance de l’insecte ciblé. Ces algorithmes évoluent par ailleurs rapidement, l’accumulation régulière de données augmentant leur efficacité.
Aujourd’hui, tous les pièges à lépidoptères traditionnels ont leur équivalent connecté. Les recherches et les développements actuels portent sur la détection de petits ravageurs (thrips, pucerons, cicadelles, etc.) et sur l’amélioration de la détection précoce des ravageurs avec la capture des premiers individus ailés arrivant sur les cultures.
1. Exemple d’utilisation de pièges connectés : piège Delta CapTrap® Vision et Duponchelia fovealis
Duponchelia fovealis est un lépidoptère polyphage qui attaque de nombreuses cultures dont les dipladénias et les chrysanthèmes. La chenille mange les racines, les bulbes, les tiges, les boutons, voire le feuillage sur les plantes touffues. Les dégâts sont discrets en début de culture, ils provoquent ensuite un dépérissement rapide de plantes. L’insecte étant difficile à détecter, le premier diagnostic est souvent tardif. Les traitements chimiques sont peu efficaces depuis l’interdiction des néonicotinoïdes et l’efficacité des techniques de biocontrôle est dépendante d’un dépistage précoce.
Entre 2019 et 2021, des essais ont été réalisés pour mettre en place un réseau de piégeage avec le piège connecté Delta CapTrap® Vision. Les travaux ont permis d’améliorer l’algorithme de comptage (fiable à 98%) et d’éprouver en condition de production les pièges [2].
Delta CapTrap® Vision est composé d’un piège delta en plastique, d’une feuille collante translucide sur laquelle est positionnée la phéromone. Il est muni d’un double éclairage avec un plateau rétroéclairé et d’une caméra. Le système prend une photo par jour, puis l’algorithme effectue un comptage en segmentant les éléments observés. L’interface web captrap.io permet d’obtenir des courbes de suivi.
Dans le cadre de l’essai, les chrysanthèmes n’ont subi aucun dégât grâce à la mise en place d’une stratégie de lutte basée sur les informations collectées par le réseau de pièges [2] :
- Etape 1 : pose d’un piège sentinelle dans la zone à risque pour détecter la sortie de diapause du papillon (1 piège/500m2) ;
- Etape 2 : suivi de la pression sanitaire
a. < 5 mâles piégés/semaine : surveillance,
b. 5 à 10 mâles piégés/semaines : déploiement du réseau de pièges et mise en place de plantes pièges (une sélection d’heuchères qui attirent les femelles qui y pondent, 1 plante/100 m2 ),
c. > 10 papillons : traitement Bacillus thuringiensis 10 jours après le pic de vol.
2. La détection de plusieurs espèces de lépidoptères sur un même piège
Les productions horticoles ont la particularité de regrouper sur un même site une diversité de cultures et donc, de bioagresseurs. L’utilisation de pièges connectés multiespèces est par conséquent plus adaptée.
En réponse à ce besoin, de nouveaux développements menés entre 2021 et 2022 ont permis d’améliorer le piège CapTrap® Vision pour qu’il puisse détecter simultanément les adultes de deux espèces de lépidoptères : Cacoecimorpha pronubana et Duponchelia fovealis. Les résultats sont positifs : les papillons ont une taille et une morphologie suffisamment différentes pour l’algorithme de comptage [3].
Néanmoins, l’espèce Cacoecimorpha sature la plaque engluée du piège lors des pics de vols. Il est donc nécessaire d’intégrer le piège sentinelle dans un pool de pièges afin de conserver le gain économique lié à l’absence de relevé hebdomadaire. Dans cet essai, le piégeage de cette espèce a été complété avec un piège CapTrap® Entonnoir (voir ci contre projet ABA PIC) [3].
Pour des espèces génétiquement proches, comme les noctuelles, des tests en condition de production ont confirmé l’intérêt du piège connecté iSCOUT Phéromone pour les entreprises horticoles. L’outil capture les noctuelles Chrysodeixis calchites, Agrotis segetum ou Agrotis ispsilon. L’algorithme de détection identifie uniquement les familles de lépidoptères capturés. Bien que moins précise, cette information suffit pour positionner les interventions de biocontrôle, car les produits utilisés (Bacillus thuringiensis, nématodes) ciblent indifféremment les espèces de lépidoptères [3].
3. La détection de petits insectes ravageurs (thrips, pucerons, cicadelles, etc.)
L’attraction des petits insectes ravageurs est réalisée avec des panneaux colorés : jaune pour une diversité d’espèces, bleu pour les mouches et les thrips, rouge pour les cicadelles. Ces pièges attirent des insectes ailés dans un rayon de 5 à 10 m.
Les solutions connectées disponibles pour la filière horticole ne sont, à ce jour, pas encore matures (données 2025). Deux pièges sont actuellement évalués en station d’expérimentation pour les productions horticoles [4].
- Le piège CapTrap® Vision Vertical : ce système équipé de caméras photographiques a été adapté à la verticale pour le piégeage sur panneaux englués. L’algorithme est multiespèces sur les catégories thrips, pucerons et cicadelles. Les résultats obtenus dans les derniers essais 2024-2025 sont représentatifs des dynamiques de populations. Néanmoins, l’outil surévalue encore le nombre d’individus présents [4].
- Le piège Trap-Eye™ : ce piège photographique vertical peut s’aimanter sur les poteaux de serre. Son algorithme de détection a été initialement développé pour la détection d’aleurodes en serre de tomate. Bien que facile à utiliser, il n’est pas encore assez généraliste pour permettre une identification fiable d’autres petites espèces [4].
Les améliorations sont en cours, ces nouveaux pièges connectés devraient être opérationnels ces prochaines années.
4. Choisir un piège adapté à ses besoins
Le wiki agri tech lancé par l’entreprise Aspexit recense plus de 1900 outils, dont des pièges connectés [5]. Ce foisonnement d’offres et l’évolution rapide des outils peuvent complexifier le choix pour les entreprises.
La sélection d’un piège demande de se poser les bonnes questions (l’outil est-il adapté à mes besoins ? A-t-il été testé par des experts indépendants ? Des frais additionnels sont-ils à prévoir ? etc.). Un groupe de travail constitué d’une dizaine d’entreprises et de partenaires techniques membres de la chaire AgroTIC a établi un guide recensant notamment les grandes catégories de question à se poser pour comparer des solutions numériques.
Pour en savoir plus : ChaireAgroTIC, 2023. L’évaluation des solutions numériques en agriculture [en ligne].
Les outils connectés évalués par ASTREDHOR pour la filière horticole
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Nom du projet (date) |
Pièges connectés évalués |
Ref. documents ASTREDHOR |
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OCONNECT (2022-2025) : des pièges connectés pour le suivi des ravageurs |
CapTrap® Vision |
FP/22/MF/07 FP/23/MF/03 CR970 |
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ABA PIC (2022) : accélération du biocontrôle et des agroéquipements pour la protection intégrée des cultures |
CapTrap® Vision |
FP/22/MF/02/02 |
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COCON (2020-2023) : approfondissement des connaissances et recherches de nouvelles solutions pour lutter contre les chenilles en culture horticoles |
CapTrap® |
AI/23/MF/01 |
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SERRE PEPI CONNECT (2020) : horticulture et pépinières connectées |
CapTrap® |
AI/20/MF/12 |
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DUPONCHELIA (2019-2021) : mise en place d’une stratégie de protection des cultures contre la pyrale Duponchelia fovealis combinant plusieurs leviers de biocontrôle |
CapTrap® Vision |
FP/20/MF/07 |
En raison de la refonte du site internet ASTREDHOR, les liens vers les comptes rendus ne sont temporairement plus disponibles entre septembre 2025 et début 2026. Pour toute demande d’accès aux documents, contactez l’Institut par mail : documentation@astredhor.fr
Sources :
[1] MAUGIN E., 2024. Pièges connectés et biocontrôle : la technologie au service du suivi épidémiologique. Journée technique MécaF&L, CTIFL, Lanxade, 30 mai 2024
[2] ASTREDHOR, 2020. DUPONCHELIA Mise en place d’une stratégie de protection des cultures contre la pyrale Duponchelia fovealis combinant plusieurs leviers de biocontrôle. ASTREDHOR, 28 p., FP/20/MF/07
[3] ASTREDHOR, 2022. ABA PIC : utilisation de pièges connectés pour le suivi des insectes ravageurs en productions horticoles. ASTREDHOR, 8 p., CR/FP/22/MF/02/02
[4] ASTREDHOR, 2025. OCONECT : des pièges connectés pour le suivi des ravageurs. ASTREDHOR, 4 p., CR970
[5] Aspexit, 2025. Wiki agri tech [en ligne]. https://www.wiki-agri-tech.com