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Plantes exotiques envahissantes : gestion intégrée en agriculture

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Année de publication
  (mis à jour le 19 Juil 2024)
Source :  EcophytoPIC
Auteur :  Mélanie Gayrard
Réferences : 
Synthèse EcophytoPIC n°13

Une plante exotique envahissante (PEE) est une espèce non indigène se développant excessivement et nuisant à l’écosystème où elle a été introduite (INPN). Selon le ministère de l'écologie, une espèce exotique envahissante menace les écosystèmes, habitats naturels ou espèces indigènes par son introduction volontaire ou accidentelle. Ces espèces accaparent les ressources nécessaires aux espèces indigènes ou se nourrissent d’elles, causant des impacts écologiques, économiques et sanitaires négatifs. Elles représentent aujourd’hui une des principales menaces pour la biodiversité.

Le terme "plante invasive" désigne une espèce exotique naturalisée en expansion rapide, produisant de nombreux propagules capables de générer de nouveaux individus loin du pied mère (Richardson et al. 2000, Pysek et al. 2004), et est plus ou moins synonyme de PEE.

En France, sur 6000 espèces végétales, 700 sont exotiques naturalisées et environ une centaine sont considérées comme invasives. Ces espèces en expansion rapide forment des populations denses ayant des impacts environnementaux, économiques et/ou sanitaires (Source ANSES).

De quoi on parle ?

Point réglementaire

La Loi Biodiversité n°2016-1087 renforce le code de l’environnement pour la régulation des Espèces Exotiques Envahissantes. Elle permet d’établir des listes nationales d’interdiction d’introduction dans les milieux naturels ou sur le territoire national. Une stratégie nationale relative aux EEE, publiée en avril 2017, met en place :

  • des outils de référence (création d’un centre de ressources sur les EEE, travaux de hiérarchisation des voies d’introduction et de dispersion, rédaction de plans de lutte pour les EEE largement répandues…),
  • des outils réglementaires (police de l’environnement, police aux frontières…)
  • et prévoit l’actualisation régulière de la liste nationale des EEE.

Elle reconnaît aussi la pertinence des codes de conduite pour les filières professionnelles (Source Val'hor). Pour en savoir plus, consulter l'article récapitulatif proposé par le Ministère de l'écologie et l'article ci-contre.

Par ailleurs, l’application des aides de la PAC est conditionnée au respect d’un certain nombre de règles par les agriculteurs bénéficiaires, notamment les règles de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) mises à jour par un arrêté paru le 30 janvier 2020 qui interdit l'utilisation des PEE lors de l’implantation de zones tampons en bords de cours d’eau.

Listes de plantes exotiques envahissantes

Le centre de ressource des espèces exotiques envahissantes est une base d'informations coordonnée par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité, ayant pour objectif d'accompagner les acteurs impliqués sur cette thématique (cf. article ci-contre). Ce site rassemble notamment les listes officielles de plantes invasives avérées et potentielles par région : Consulter ces listes.

Comment faire pour limiter l'introduction et la propagation des PEE ?

Stratégie internationale : le rôle de l'OEPP

L'OEPP, Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des Plantes, est une organisation intergouvernementale chargée de la coopération et de l'harmonisation dans le domaine de la protection des plantes entre les pays de la région européenne et méditerranéenne. Un de ses objectifs est de développer une stratégie internationale contre l'introduction et la dissémination des organismes nuisibles des plantes cultivées ou sauvages, dans les écosystèmes agricoles et naturels.

Veille nationale et évaluation des risques : ANSES

Le Laboratoire de la Santé des Végétaux de l'ANSES est Laboratoire national de référence des plantes invasives. L’Unité entomologie et plantes invasives mène des travaux d’expertise et de recherche pour évaluer les risques liés à ces plantes. Ce laboratoire a également un rôle de veille et d'alerte sur la détection de nouvelles plantes introduites, potentiellement invasives. Enfin, il réalise des analyses de risque phytosanitaire qui visent à évaluer pour une espèce donnée, quelle est sa probabilité d’introduction, d’établissement, d’expansion et quelle est son impact sur les autres végétaux, cultivés ou sauvages.

Réseaux de surveillance et prévention

Selon les régions et les plantes invasives, des réseaux de surveillance peuvent être mis en place par différents acteurs : FREDON, CEN : Conservatoires des Espaces Naturels, CBN : Conservatoires Botaniques Nationaux, ARS : Agences Régionales de Santé, DREAL, etc.

Les FREDON ont une expertise végétale pour la santé de l’environnement : les plantes invasives sont donc au coeur de leurs problématiques. Elles conseillent  ou  agissent  pour  la  surveillance,  la  prévention, voire la lutte contre ces plantes en tant qu’organisme technique à vocation sanitaire (OVS) dans le domaine végétal. Par exemple : sous l’égide du ministère chargé de la santé, FREDON porte la mission d’« Observatoire des ambroisies », centre de ressource chargé de favoriser le déploiement de la stratégie nationale de gestion des ambroisies.

Les CBN occupent une place définie dans le volet flore de la stratégie nationale, ainsi, ce réseau participe activement à la stratégie nationale, en particulier pour la surveillance et la connaissance de la répartition des plantes exotiques envahissantes sur l’ensemble du territoire métropolitain et outres-mers.

Exemple de stratégie de lutte contre les espèces invasives mis en place à La Réunion : consulter la plaquette.

Engagement des professionnels de la filière horticole

"Conscients de la problématique des plantes invasives, les professionnels français de l’horticulture et du paysage se sont engagés dans un Code de conduite professionnel qui vise à restreindre l’usage de certaines plantes exotiques envahissantes. Ce Code de conduite vise à limiter l’introduction et la dispersion de plantes exotiques envahissantes ayant des impacts négatifs reconnus. Il est fondé sur le principe de l'autorégulation." Pour en savoir plus, rendez-vous sur leur site. Le Code de conduite Plantes Envahissantes propose également des listes : avec restrictions totales (Liste de consensus) ou partielles d'utilisation de certaines plantes dans des conditions bien définies (Liste de plantes soumises à recommandations).

Ainsi, les professionnels ont un grand rôle à jouer en mettant en place des réflexes et pratiques culturales : connaître l’évolution de la réglementation, savoir choisir les espèces à produire sans nuire à la nature, savoir maîtriser la dispersion d’une plante déjà en terre, et diffuser cette information auprès des clients. Par exemple, toutes ces pratiques sont détaillées dans un guide pratique destiné aux acteurs des filières horticoles et paysagères de l’île de La Réunion (cf article ci-contre).

Plantes invasives et agriculture

Les plantes exotiques envahissantes ne concernent plus uniquement les jardins, espaces verts et infrastructures. Les zones de production agricoles commencent à être touchées : l'Ambroisie à feuilles d'armoise, les renouées asiatiques et le datura stramoine sont les plantes invasives les plus dommageables pour l'agriculture. Pour en savoir plus, consulter la plaquette de la FREDON Bretagne "Reconnaître et surveiller les plantes invasives en Bretagne".

 

Un exemple détaillé : l'Ambroisie à feuilles d'armoise

"Dans les grandes cultures, l’ambroisie se développe en cultures de printemps, en particulier dans le tournesol, le soja, le maïs, le sorgho et même le pois. Dans ces cultures de printemps, elle est très concurrentielle. Cette nuisibilité est variable selon la densité de l’adventice, le type de culture et l’efficacité des méthodes de gestion utilisées. En culture de tournesol, la perte de rendement peut aller jusqu’au 2/3 de la récolte." (Source Terres Inovia)

L'ambroisie produit un pollen allergisant : un module de signalement est mis en place par l’observatoire des ambroisie pour signaler sa présence. Cette plante est très invasive pour plusieurs raisons :

  • ses graines peuvent rester viables dans le sol au moins 10 ans et germer en surface comme en profondeur
  • sa période de levée est longue : de mars à septembre.
  • sa période de floraison est peu influencée par la date de germination
  • sa capacité de repousse est forte : une ambroisie écimée est capable de repartir et de produire des graines rapidement
  • sa résistance accrue à de nombreux herbicides

Méthodes de lutte préconisées (consulter les articles ci-contre pour en savoir plus)

La plaquette FREDON "La lutte contre l'ambroisie en milieu agricole" résume bien la situation.

En préventif :

  • Surveiller les zones de sol nu (passage enrouleur, bordures...),
  • Veiller à ne pas apporter des graines d’ambroisie via le matériel de récolte ou de travail du sol (nettoyage du matériel)
  • Introduire des cultures d'hiver dans la rotation pour rompre le cycle de l'ambroisie
  • Préparer l'implantation des cultures de printemps grâce à un faux-semis

En curatif : 

  • Interventions mécaniques comme le binage en cours de culture sur ambroisies encore peu développées pour éviter qu'elles se repiquent ou l'écimage.
  • Fauchage raisonné en zones enherbées, Pâturage avant floraison
  • Implantation de couverts compétitifs
  • Désherbage mixte

D'autres exemples sont à noter :

Des méthodes alternatives encore peu développées

La lutte contre les plantes invasives peut être réalisée par différents moyens alternatifs aux herbicides, d'autant plus que l'on rencontre de nombreux problèmes de résistances aux herbicides parmi les PEE ; l'objectif étant essentiellement de limiter le stock semencier dans la parcelle (cf. synthèse ci-dessous) :

  • Méthodes agronomiques (allongement et diversification des rotations, implantation de couverts végétaux, pâturage)
  • Méthodes mécaniques (binage, faux-semis, fauche, écimage, broyage, etc.)
  • Méthodes de biocontrôle (cf. Levier PIC ci-contre) :
    • au niveau de l’habitat, profitant naturellement des prédateurs de graines de mauvaises herbes (carabidés notamment) ou des bactéries
    • par l’utilisation de moyens biologiques : mycoherbicides et auxiliaires
    • par allélopathie et substances naturelles
Image
synthese

Titre
Alternatives à l’usage d’herbicides : limiter le stock semencier

Résumé

La limitation de la reconstitution du stock semencier est réalisée à partir d’un ensemble de pratiques de gestion qui se mettent en place lorsque les méthodes de désherbage habituelles (chimiques ou mécaniques) ne se sont pas montrées suffisamment efficaces au cours des périodes de culture ou d’interculture. L’objectif est d’empêcher la constitution de stocks de semences trop importants (nombre de semences au m²) ce qui contraindrait l’agriculteur à des actions de désherbage systématique les années suivantes.

De plus, ces fortes densités de semences dans le sol limitent l’efficacité des méthodes de gestion préventives classiques de travail du sol du fait des nouvelles vagues de levées favorisées par la perturbation du sol. On peut noter que les pratiques de « dé-stockage » peuvent par ailleurs être rendues difficiles par l’obligation de semer des couverts.

Consulter la synthèse

Vers un contrôle biologique des plantes invasives ?

"A l’échelle mondiale, depuis une centaine d’années, plus de 7 000 introductions d’environ 2 700 agents de contrôle biologique ont été réalisées, principalement en Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande et Amérique du Nord (Pratt et al., 2013). Pourtant, en Europe continentale, un seul agent de lutte biologique a été introduit pour le contrôle d’une plante exotique envahissante : il s’agit du psylle Aphalara itadori, relâché en Grande-Bretagne en 2010 pour le contrôle de la Renouée du Japon (Reynoutria japonica) (Shaw et al., 2011).
Dans le passé, plusieurs exemples malheureux de contrôle biologique ont sans doute marqué les esprits de chacun et sont peut-être à l’origine d’une réticence des pays européens à se lancer dans le contrôle biologique des espèces invasives. Le contrôle biologique est pourtant plus développé à l’Outre-mer, notamment à la Réunion (lutte biologique contre la vigne marronne, Rubus alecifolius) et en Polynésie française (lutte contre le Miconia), où les résultats sont pour l’instant positifs."

Pour en savoir plus, consulter le dossier « Le contrôle biologique des espèces invasives » – par Alain Dutartre et Emmanuelle Sarat