
Projet Rés0Pest

Initié en 2012, Rés0Pest est un réseau expérimental de systèmes de culture zéro-pesticides en grandes cultures et polyculture-élevage, regroupant neuf sites, qui vise à produire des connaissances mobilisables pour la conception de systèmes de culture innovants économes en pesticides. Ses objectifs sont de concevoir et expérimenter des systèmes de culture zéro-pesticides, d'en évaluer les performances et d'analyser l'évolution des régulations biologiques suite à l'arrêt des pesticides.
Enjeux et objectifs
Le réseau expérimental Rés0Pest a été financé par un projet DEPHY EXPE sur la période 2012-2017. Ce premier projet a permis de mettre en place en France métropolitaine, huit essais de longue durée à l’échelle de la parcelle agricole, sur des systèmes de culture sans utilisation de pesticides et construits selon les principes de la protection intégrée des cultures afin de limiter les pressions biotiques. Le site de Purpan s'est ajouté au réseau en 2018 suite à l'acceptation du second projet DEPHY EXPE, portant ainsi le nombre de systèmes de culture expérimentés à neuf.

Le niveau de rupture étant très important par rapport aux pratiques agricoles conventionnelles, ces expérimentations sont positionnées en stations expérimentales.
La finalité de Rés0Pest est de produire des connaissances mobilisables pour la conception de systèmes de culture innovants économes en pesticides. Pour cela, il s’est fixé deux objectifs :
- Concevoir, expérimenter et évaluer les performances agronomiques, économiques, environnementales et sociales de systèmes de culture sans pesticides ;
- Analyser le fonctionnement de ces agroécosystèmes particuliers, notamment les dynamiques des populations et les régulations biologiques au sein de la biocénose.
Stratégies testées
Les systèmes de culture ont été conçus par chaque site sur la base d’un cahier des charges commun dont les objectifs et contraintes assignés aux systèmes de culture du réseau expérimental lors de leur conception sont résumés ci-dessous :
- Cadre de contraintes :
- Ne pas recourir aux pesticides (seuls sont autorisés les produits répertoriés en tant que moyens biologiques ou Stimulateurs des Défenses Naturelles, dans l’Index Phytosanitaire ACTA) ;
- Maintenir les cultures représentatives de la région dans la succession culturale.
- Objectifs visés :
- Maximiser une production de qualité ;
- Limiter les impacts environnementaux autres que ceux liés aux pesticides ;
- Maximiser le revenu de l’agriculteur.
Rés0Pest se démarque de l’agriculture biologique par la possibilité d’utiliser des engrais de synthèse et, par conséquent, la possibilité de viser des rendements plus élevés.
Les systèmes de culture ont été construits en combinant et en adaptant au contexte local des techniques alternatives, éprouvées ou suggérées par la bibliographie et les connaissances actuelles sur les bioagresseurs, en vue de réduire les risques de développement des bioagresseurs (prophylaxie), de favoriser la mise en place de régulations biologiques et de mobiliser des méthodes de lutte physique et biologique.

Ces combinaisons ont été conçues à l’échelle de chaque culture mais aussi à celle de la succession culturale dans son ensemble et en intégrant les abords des parcelles.
Résultats attendus, une consolidation des résultats du premier projet DEPHY EXPE
Une évaluation multicritère de la durabilité des systèmes de culture expérimentés dans le réseau Rés0Pest a été conduite afin d’avoir une vue d’ensemble des performances obtenues, de vérifier qu’il n’y a pas de dégradation de performance non attendue (temps de travail, consommation d’énergie…) et d’identifier les axes d’amélioration des systèmes de culture expérimentés. La première évaluation réalisée sur la période 2013-2017 montre qu'on n’observe pas de dégradation de la capacité productive à long-terme, ni de la qualité sanitaire des récoltes et la contribution au développement durable des huit systèmes testés est considérée « faible à moyenne » pour la polyculture élevage et « moyenne à élevée » à « élevée » pour la grande culture. La durabilité environnementale est « élevée » à « très élevée » pour tous les systèmes et c’est la durabilité sociale qui est la moins favorable en raison d’une «très faible» contribution à l’emploi. La rentabilité montre de fortes différences entre systèmes, allant de « très faible » à « très élevée » mais aucune valorisation économique particulière des récoltes produites sans pesticides n’a été appliquée. Le détail de ces résultats est disponible dans un article de synthèse publié en 2018, à l'issue du premier projet DEPHY EXPE, dans la revue Innovations Agronomiques (vol. 70, Cellier V. et al). Les résultats présentés dans cet article doivent être pondérés par le fait qu’ils sont issus d’une reconstitution des successions culturales (de 5 à 9 ans selon les sites), à partir des premières années d’expérimentation, ce qui ne permet pas de tenir compte de tous les effets cumulatifs des systèmes de culture. Pendant ces premières années, il y a également eu des échecs dus aux apprentissages des expérimentateurs qui n’étaient pas tous familiers de la démarche d’expérimentation système de culture et ne maitrisaient pas toutes les techniques à mettre en œuvre pour piloter les systèmes (ex : désherbage mécanique). L’année 2016 a également pesé d’un poids important sur les résultats des céréales dans certains sites. Néanmoins, même s’ils demandent à être confirmés dans la durée, les niveaux de production atteints, le maintien de la capacité productive à long-terme et dans une moindre mesure les résultats économiques obtenus, sont très encourageants pour des systèmes de culture avec un tel niveau de rupture vis-à-vis de l’utilisation des pesticides. |
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Une seconde évaluation multicritère a été conduite sur la totalité du projet, soit les campagnes 2013 à 2022. La contribution au développement durable des huit systèmes testés varie de « Moyenne à élevée » à « Très élevée ». La durabilité environnementale est « Très élevée » pour tous les systèmes. La rentabilité montre de fortes différences entre les systèmes, allant de « Très faible » à « Très élevée », dans un contexte où aucune valorisation économique particulière des récoltes produites sans pesticides n’a été prise en compte. Aucune dégradation de la capacité productive ou de la qualité sanitaire des récoltes n’a été observée à long terme et on montre qu’il est possible de se passer des pesticides si la préservation de l’environnement et de la santé humaine est compensée par une plus-value dans le prix de vente des récoltes obtenues. Ces résultats confirment que la diversification des cultures et des pratiques culturales sont des leviers efficaces pour assurer la durabilité des systèmes de culture. Le détail de ces résultats est disponible dans un article de synthèse publié en 2024, à l'issue des deux premiers projets DEPHY EXPE, dans la revue Innovations Agronomiques (vol. 98, Cellier V. et al). |
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Même s’il ne faut pas occulter certains échecs rencontrés par ces systèmes de culture, les niveaux de production atteints (quantité et qualité), le maintien de la capacité productive à long-terme (fertilité physico-chimique et maîtrise des bioagresseurs), et dans une moindre mesure les résultats économiques obtenus, sont très encourageants pour des systèmes de culture avec un tel niveau de rupture vis-à-vis de l’utilisation des pesticides. Ces résultats sont originaux et constituent des références importantes, d’autant plus qu’ils bénéficient d’un recul de dix années d’expérimentation. Les systèmes ont pu être améliorés au fur et à mesure et les expérimentateurs ont pu progresser dans l’apprentissage de la conduite des essais systèmes de culture. Une des clés de la rentabilité de ces systèmes de culture réside sans doute dans la possibilité de mieux valoriser les récoltes issues de culture non traitées et qui ont donc un impact moindre sur l’environnement et la santé. L’étude d’un cahier des charges aboutissant à un label particulier dépasse largement le cadre de cette étude et nécessite d’autres moyens et compétences. Par ailleurs, on peut aussi penser que dans l’avenir on pourra disposer de variétés plus adaptées à ce type de système de culture (rusticité, pouvoir couvrant…). |
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Il est important de souligner la force que représente un réseau expérimental de neuf sites pour analyser les résultats de systèmes de culture différents, tous conçus selon les principes de la protection intégrée des cultures avec un cahier des charges commun. Au niveau expérimental, le partage d’expérience au sein du réseau permet de progresser ensemble dans la maîtrise des systèmes et les enseignements qui pourront être tirés des expérimentations seront plus robustes s’il s’avère qu’ils sont communs à tous les sites ou pourront être nuancés selon leur adaptation à certaines situations de production. |
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