
Système Rés0Pest - Lusignan
Conception du système
Le réseau expérimental Rés0Pest a été lancé en 2012 suite à une étude de faisabilité financée par le Groupement d'Intérêt Scientifique (GIS) Grande Culture à Haute Performance Economique et Environnementale. Ses objectifs sont de concevoir, expérimenter et évaluer les performances de systèmes de culture sans pesticides et d’analyser le fonctionnement de ces agroécosystèmes, notamment les régulations biologiques. Le niveau de rupture est très important par rapport aux pratiques agricoles conventionnelles et Rés0Pest se démarque de l’agriculture biologique par la possibilité d’utiliser des engrais de synthèse, ce qui donne, la possibilité de viser des niveaux de rendements plus élevés. Il est affilié au RMT Systèmes de Culture Innovants.
Mots clés :
Régulations biologiques - Désherbage mécanique - Associations variétales et interpécifiques - 0 pesticide
Caractéristiques du système

(Dér = dérobé ; CI = Couvert Intermédiaire ; ptps : printemps)
Interculture : Repousses de colza, culture dérobée, cultures intermédiaires multi-services (moutarde, radis fourrager, sarrasin). Gestion de l'irrigation : Parcelles non irrigables. Fertilisation : Organique et minérale, adaptée aux objectifs de rendement des cultures. Travail du sol : 1 à 2 labours dans la rotation, travail superficiel en interculture et désherbage mécanique en cours de culture. Infrastructures agro-écologiques : Bande enherbée autour du dispositif et haie champêtre en bout de chaque parcelle. |
Agronomiques (TMS/ha : Tonnes de Matière Sèche par ha ; qx/ha : quintaux par ha) |
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Environnementaux |
Contrainte forte zéro pesticide (hors stimulateurs des défenses naturelles et moyens biologiques répertoriés dans l’index ACTA). |
Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Les relations entre organismes vivants, qu’elles soient de coopération, de parasitisme, de compétition ou de symbiose sont tellement nombreuses - et encore inconnues pour la plupart - qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive. Mais il semble que c’est par la diversité des espèces présentes et par la combinaisons de leviers mobilisés que le système de cultures sans phyto trouve un équilibre et atteint de bons niveaux de performances.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.

Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Variétés couvrantes |
Couvrir le sol (en particulier sur le rang) pour empêcher le développement des adventices. |
Utilisées pour le blé, en association avec le désherbage mécanique. |
Désherbage mécanique |
Détruire les adventices en culture sans détruire la culture elle-même. |
Attention à la consommation d’énergie qui peut diminuer les performances du système de culture. Difficile à systématiser pour la herse étrille et la houe rotative. |
Fauches/Ensilage |
Eviter la montée à graines et épuiser les organes de réserves des adventices. |
Très bonne efficacité sur annuelles et chardon. En revanche, le rumex semble favorisé par cette pratique (meilleur accès à la lumière). |
Labour |
Permettre l'enfouissement des graines d’adventices nuisibles à la culture suivante. |
Levier efficace mais à utiliser dans le cadre d’une alternance labour/non-labour afin de réduire le stock semencier du sol. |
Diversification des périodes de semis |
Permettre de détruire un large spectre d’adventices qui lèvent à des périodes différentes. |
C’est la méthode de base pour éviter l’apparition d’une flore dominante sur la parcelle. |
Densité de semis élevée et association d’espèces |
Couvrir un maximum le sol pour concurrencer les adventices (dans le temps et dans l’espace). |
Avoir un plan B dans le cas ou les espèces associées ne sont pas réussies. Privilégier les implantations en même temps que la culture principale et tant que possible des espèces allélopathiques (avoine, sarrasin) et pérennes (trèfles blanc et violet). |
Gestion de la fertilisation azotée |
Ajuster la fertilisation au plus près des besoins de la culture afin d’éviter le développement des adventices. |
Difficulté d’ajuster la dose suite à une impasse de désherbage. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.

Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Mélange d’espèces |
Le mélange d’espèces de familles différentes réduit les risques d’attaques des ravageurs. |
Les mélanges d’espèces sont plus résistants que les cultures pures. |
Choix variétal |
Limiter les attaques de ravageurs par le choix de variétés tolérantes |
Mesure efficace mais le choix est un peu plus limité en semences non-traitées |
Date de semis |
Semer le blé d’hiver après la période d’activité des insectes d’automne. |
Pas de dégâts de pucerons observés. |
Plantes compagnes |
Désorienter les ravageurs par la présence d’une plante compagne. |
Mesure efficace en colza avec une légumineuse compagne qui réduit les attaques d’altise et 10% d’une variété précoce contre les méligèthes. |
Cultures peu sensibles aux ravageurs |
Eviter les risques importants d’attaque par les ravageurs. |
Pas de dégâts observés, ni sur méteil ni sur soja. |
Allongement de la succession |
Eviter le retour trop fréquent de cultures sensibles aux mêmes ravageurs |
Mesure qui semble efficace pour le colza notamment. |
Augmentation des densités de semis |
Compenser les pertes à la levée et les dégâts des ravageurs |
Les pertes à la levée sont de l’ordre de 50% en céréales. L’accroissement de la densité permet d’avoir un peuplement correct. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.

Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Mélanges variétaux et d’espèces |
Combiner les profils de résistance et diversifier les familles de plante pour réduire la propagation des maladies en cas d’attaque. |
Mesure efficace, les variétés sensibles sont moins attaquées en mélange qu’en culture pure. Le choix est un peu plus limité en semences non-traitées. |
Lutte biologique |
Application de Contans ® avant et/ou après la culture sensible en cas de risque sclérotinia. |
Solution non utilisée, l’allongement de la succession semblant contenir la maladie. |
Choix de cultures peu sensibles |
Eviter les risques importants d’attaque par les maladies. |
Sorgho, soja et prairies sont peu sensibles aux maladies. De manière générale, les cultures fourragères récoltées avant maturité évitent les dégâts liés aux maladies. |
Allongement de la succession |
Eviter le retour trop fréquent de cultures sensibles aux mêmes maladies. |
Mesure efficace mais non suffisante en cas de contexte exceptionnel de forte pression maladies (2016). |
Densité de semis |
Augmenter légèrement les densités de semis pour compenser les pertes à la levée. |
Les pertes à la levée ou occasionnées lors des opérations de désherbage mécanique assurent au final une densité correcte en ayant un couvert relativement aéré défavorable au développement des maladies. |

Les maladies et ravageurs sont dans l’ensemble bien maitrisés. Les associations de variétés et d’espèces semblent être, de ce point de vue, un levier efficace. Bien que non systématique, les dégâts d'oiseaux (sorgho) et de sangliers (toutes cultures) sont assez imprévisibles et restent difficiles à éviter.
En revanche, les adventices et notamment le rumex et les estivales (chénopodes, amarantes, morelles et panics) sont plus difficiles à contrôler. Sur sorgho et soja, un désherbage mécanique à l'aveugle avant la levée de la culture semble indispensable pour obtenir les meilleurs résultats. Une attention particulière doit être portée lors des opérations de binage pour gagner en précision de part et d’autre des rangs. Plus ponctuellement des infestations d'adventices peuvent apparaitre certaines années (renoncule et jonc des crapauds sur blé, ray-grass sur colza).
Performances agronomiques

Au cours de la rotation, certaines cultures destinées initialement à une récolte en grain ont été valorisées en fourrage de qualité (colza en 2019, soja en 2013 et 2015 et orge de printemps en 2020) car trop concurrencées par les adventices.
Performances économiques
Les faibles performances s’expliquent par le sorgho de 2013 ressemé deux fois et les mauvais rendements 2016 en blé et orge. Le soja a dû être récolté en ensilage en raison d’un salissement important.
Dimension économique - Dimension sociale - Dimension environnementale
Contribution au développement durable - Note 1 : Très faible - Note 2 : Faible à moyenne - Note 3 : Moyenne à élevée - Note 4 : Très élevée
L'évaluation multicritère a été réalisée avec les outils Criter 5.4 et MASC 2.0.
La contribution du système de culture au développement durable est moyenne. Les résultats économiques sont fortement impactés par le sorgho 2013, le soja en général et les céréales de 2016. La satisfaction très faible des attentes de la société est due à une très faible contribution à l’emploi, non recherchée et à une fourniture de matières premières faible à moyenne.
A la différence du chardon, le rumex n’a pas disparu de nos prairies pluriannuelles. La stratégie initiale de gestion du rumex basée sur la fauche (coupes rases et fréquentes) a été modifiée pour intégrer davantage de travail profond en interculture pour extirper les racines en surface avec un effet assez remarquable.
Par exemple, la prairie en 3ème année est détruite précocement, de fin juin à début juillet après la deuxième fauche, à l’aide d’outils à dents. Trois à quatre passages pendant l’été permettent de faire remonter les racines de rumex en surface et de les faire sécher au soleil. Fin août, un couvert de crucifères est semé puis est détruit fin octobre avant l’implantation du blé. Ce couvert très productif (4 à 6TMS/ha) assure le piégeage de l’azote minéralisé par la praire précédente et concurrence fortement les nouvelles levées d’adventices.
Etant donné le niveau de prise de risque élevé dans Rés0Pest (pas de produits phytosanitaires et maintien des engrais minéraux), les systèmes de culture conçus n’ont pas vocation à être transférés directement dans des exploitations agricoles.
Néanmoins, la présentation de ces essais et de leurs résultats peuvent être source d’inspiration pour des agriculteurs ou des conseillers, dans le cadre d’une démarche de conception de systèmes de culture économes en produits phytosanitaires.

Le semis de prairies, notamment lorsque celles-ci sont à base de légumineuses, sous couvert d'orge de printemps, est une pratique assez fiable. Les rendements de l'orge sont assez faibles et aléatoires mais l'implantation de la prairie y est assurée.
Conduites sans azote et sans phytos, les prairies Rés0Pest à base de luzerne ont un rendement moyen très satisfaisant de près de 10TMS/ha/an. Elles représentent un levier efficace dans la gestion du chardon à l'échelle de la rotation.
Bien que disposant de pressions maladies et ravageurs faibles, la culture du soja est délicate dans la région sans irrigation. C'est pour cette raison que le lupin a remplacé le soja lors des dernières années d'essai.
Les associations de céréales et de protéagineux possèdent de nombreux avantages d'un point de vue agronomique (couverture du sol, restitution d'azote, diversité), sont relativement simples à produire (seulement 2 interventions: semis et récolte) et laissent la possibilité de récolter de différentes manières (fourrages ou grains) selon les besoins de l'agriculteur.
Le colza associé semé à la volée ou à écartement réduit est également une culture intéressante dans ce système. Il apporte de la diversité dans la rotation et ne nécessite pas d'intervention de désherbage mécanique. Avec un retour tous les 9 ans la pression des bioagresseurs semble plus limitée. En cas de mauvais contrôle des adventices par le couvert (culture + plantes compagnes), une exploitation en fourrage est possible.
Globalement, les associations sont à privilégier dans un tel système et doivent être réfléchies afin de :
- Mieux maitriser les adventices
- Réduire le travail du sol
- Réduire les périodes de sol nu
- Augmenter l’auto-fertilité du sol et réduire les pertes par lessivage
- Améliorer la valeur alimentaire des fourrages
- Renforcer les régulations biologiques
- Exemples à mettre en œuvre pour les prochaines implantations :
- Associer une légumineuse pérenne type trèfle blanc au colza pour couvrir l’interculture avant sorgho ;
- Semer du trèfle violet avec le méteil pour couvrir le sol jusqu’à l’implantation du soja ;
- Associer un haricot grimpant avec le sorgho.
Enfin, concernant le désherbage mécanique, sa mise en oeuvre n'est pas toujours évidente et fortement dépendante des conditions météo. Si les créneaux pour réaliser les opérations de binage sont relativement nombreux, les fenêtres d'intervention pour des passages à l'aveugle sont plus courtes. Les interventions en cours de culture avec des outils comme le herse étrille ou la houe rotative sont peu efficaces sur sols limoneux notamment en sortie d'hiver lorsque les sols sont repris en masse sous l'effet des précipitations. Pour améliorer les performances des binages, un système de guidage est à privilégier (GPS ou caméra).