Système BEE - Wintzenheim
Conception du système
Le système BIO de Wintzenheim du projet BEE repose sur l'adoption de pratiques agro-écologiques, notamment la suppression des herbicides, et sur une protection phytosanitaire basée sur l'utilisation de produits de biocontrôle positionnés grâce à un modèle de prévision des risques. En dernier recours, l'utilisation du cuivre et du soufre est possible, tout en minimisant leur utilisation.
Mots clés : Vigne - Agroécologie - Biocontrôle - Réduction du cuivre - Œnologie - Qualité
Caractéristiques du système
Type de production | Cépage | Porte-greffe | Densité | Mode de conduite | Hauteur palissage | Année d'implantation |
AOP Alsace | Pinot blanc | SO4 | 4850 ceps/ha | Guyot double | 180 cm | 2014 |
Gestion de l’irrigation : Pas d'irrigation Gestion de la fertilisation : Fertilisation organique selon besoin Gestion du sol : Paillage tissé à base d'amidon de maïs sur le rang Interrang semé (mélange vesce-avoine) roulé, mélange fleuri) Infrastructures agro-écologiques : Couvert fleuris, proximité d'éléments d'intérêt écologique (forêt, murs de pierre, friches...) attirant de la biodiversité |
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
D’assez nombreuses spécialités commerciales classées comme produits de biocontrôle sont aujourd’hui disponibles. Malheureusement, leurs efficacités semblent parfois limitées et leur utilisation n’est pas toujours aisée. Dans le cadre du projet BEE, nous avons expérimenté l’utilisation de certains produits, principalement en ciblant le mildiou et l’oïdium. Un outil d’aide à la basé sur la modélisation du risque a été utilisé pour positionner les produits. Globalement, en Alsace, un itinéraire phytosanitaire basé sur le biocontrôle, permettant de réduire l’IFT hors biocontrôle de 80% est possible lorsque les risques liés au mildiou et à l’oïdium sont modérés. D’ailleurs, à l’échelle de l’exploitation, l’utilisation du biocontrôle nous permet de réduire très fortement notre IFT « hors biocontrôle » depuis de nombreuses années.
Pour supprimer l’utilisation des herbicides dans le système de culture, nous avons utilisé un paillage fabriqué à partir d’amidon (Duravigne®). Si cette stratégie présente plusieurs points forts, son implantation et son entretien notamment posent problème.
Lionel Ley
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Implantation d'engrais verts un inter-rang sur deux. | Semis post-récolte d'un mélange céréale (seigle) - légumineuse (pois), roulage au printemps. Le couvert contribue à améliorer la structure du sol, permet d'enrichir le sol en azote (légumineuse) et en matière organique. Il limite l'érosion et la lixiviation des nitrates durant la période hivernale. |
Difficulté à avoir des levées et implantations correctes (sécheresse, sable...) Un semis précoce (septembre) est essentiel, mais compliqué par les vendanges (temps, piétinement). Les engrais verts peuvent constituer un apport significatif d'azote et améliorent la vie biologique des sols. |
Roulage des engrais vert | Le roulage avec un rouleau type Rolofaca évite le travail du sol, retarde la décomposition du couvert et maintien un mulch qui retarde la pousse des adventices et l'asséchement du sol. |
Technique intéressante pour éviter un désherbage ou un broyage. Ne fonctionne pas si le couvert n'est pas assez développé. |
Paillage biodégradable mais durable | Implantation d'un paillage (Duravigne fabriqué à partir d'amidon) sous le rang pour empêcher la pousse des adventices. Choix d'un paillage durable (10 ans) afin d'amortir les coûts d'implantation et d'éviter les apports massifs de carbone. |
La pose est coûteuse et compliquée sur vigne en place. L'entretien des bordures est problématique. Peu adapté aux vignes étroites. Résultats agronomiques à confirmer. |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Confusion sexuelle par diffusion de phéromones | Perturbation de la reproduction des tordeuses de la grappe. | Technique efficace qui a fait ses preuves (si une zone assez large est confusée) |
Implantation et maintien d'infrastructures écologiques | La régulation naturelle est essentielle pour lutter contre les ravageurs. Le maintien d'une biodiversité floristique sur la parcelle (inter-rangs et éléments paysagers des abords) constitue un refuge pour les auxiliaires. | Quoique compliquant les travaux mécanique, le maintien d'un mélange floristique 1 inter-rang sur 2 accroît la richesse spécifique des insectes. L'évaluation des services éco-systémiques rendus demeure complexe. |
Limiter les effets non intentionnels de la phyto-protection | Choisir des produits phytosanitaires n'impactant pas la faune auxiliaire: limitation du soufre, proscription du mancozèbe... | Pas de problématique d'acariose ou de tordeuse sur la parcelle. |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Prophylaxie |
La maîtrise de la vigueur de la vigne (enherbement, modération des apports d'azote) limite le risque lié aux maladies fongiques (botrytis, oïdium, mildiou...) L'effeuillage permet une aération des grappes et limite l'inoculum de botrytis. |
La faible vigueur de la parcelle a contribué à maîtriser l'oïdium. L'effeuillage nous permet de ne plus utiliser d'anti-botrytis. |
Utilisation de produits de biocontrôle | Plusieurs spécialités commerciales qui ont un impact environnemental faible sont aujourd'hui disponibles pour lutter contre le mildiou et l'oïdium. |
Avec une pression des maladies modérée, les maladies sont maîtrisées. Si la pression est forte, leur emploi est insuffisant. Ces produits sont coûteux. |
Utilisation d'outils d'aide à la décision (protocole BEE): Epicure, Decitrait, Optidose | Le choix et le positionnement des produits de phyto-protection doit impérativement reposer sur des observations, des données météorologiques et une modélisation du développement des maladies. |
Un OAD est crucial et confortable pour la prise de décision. La prise de décision, particulièrement pour le biocontrôle, reste gourmande en temps. |
Black Rot - grappes | Mildiou - feuilles | Mildiou - grappes | Oïdium - grappes | Botrytis - grappes | Pluviométrie (mm) saison végétative | |||||||||||
2019 | Nulle - faible | Moy - Faible | Moy - Faible | Moy - forte | Faible | 389,6 | ||||||||||
2020 | faible | Faible | Faible | Moy - forte | Faible | 276,4 | ||||||||||
2021 | Forte | Forte | Forte | Forte | Moyenne | 425,0 | ||||||||||
2022 | Faible - Moy | Nulle | Nulle | Moyenne | Faible | 289,6 | ||||||||||
2023 | Faible - Moy | Faible - Moy | Faible - Moy | Forte | Moyenne | 158,2 | ||||||||||
Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | ECO |
Pas de notation (absence raisin) | |
Absence de symptôme | |
Présence (faible) | |
Intensité moyenne des symptômes | |
Intensité forte des symptômes |
Avec une réduction moyenne de l’IFT chimique de 85% (2019-23) par rapport à notre référence locale, pour des pressions faibles à moyennes, on observe une protection satisfaisante vis-à-vis du mildiou et de l’oïdium tous les ans, excepté en 2021.
La protection concernant les pourritures, notamment le botrytis, est équivalente à la référence. Pour les 2 systèmes, cette protection consiste principalement en un effeuillage au stade nouaison, avec sans doute une faible action secondaire des produits dirigés contre le mildiou et l’oïdium.
La protection contre les tordeuses (confusion sexuelle), identique pour les 2 systèmes, est satisfaisante, mais la pression a été faible tous les ans.
En 2021, année pluvieuse où la pression mildiou a été très forte, la protection avec le protocole BEE (biocontrôle) a été très insuffisante, puisque 100% de la récolte a été détruite par le mildiou (contre 37% pour la référence). Dès la floraison, 40% de la surface foliaire était atteinte et 41% des fleurs étaient détruites, de manière équivalente à notre témoin non traité (TNT). On ne note une différence avec TNT que pour l’intensité d’atteinte des feuilles. Ceci révèle l’insuffisance d’efficacité des produits utilisés (phosphonate et faible dose de cuivre), surtout sur grappes. Au vu de l’apparition des contaminations (pas de symptômes sur BEE le 09/06), ce n’est pas le positionnement du premier traitement qui est en cause. Le resserrement des cadences (entre 2nd et 3ème traitement et suivant) et l’utilisation d’une dose de cuivre plus élevée aurait peut-être limité les dégâts.
Performance environnementale
IFT chimique et IFT biocontrôle par système et par année
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Répartition de l'IFT total par système et par année
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L’application de l’outil d’aide à la décision pour l’utilisation du biocontrôle a globalement été satisfaisante du point de vue environnemental, puisqu’elle a permis une réduction moyenne (2019-23) de 85% de l’IFT hors biocontrôle. Le nombre moyen de traitements est plus faible (7,2 contre 8 pour la REF, un herbicide étant appliqué sur celle-ci). De plus, l’OAD a permis une réduction significative de l’utilisation du cuivre, puisque la dose de cuivre métal moyenne utilisée n’est que faiblement supérieure à la référence (1,2 contre 0,9 kg/ha/an).
La phyto-protection a été globalement satisfaisante, sauf en 2021, où la pression historique du mildiou a causé une destruction complète de la récolte sur la modalité BIO (BEE) (contre 37% pour la référence).
Performances agronomiques
Rendements (kg/cep) par système et par année
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Poids des bois de taille (kg/cep) par système et par année
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Sauf pour 2021, les objectifs de rendement sont atteints pour BIO (BEE) et REF. Les rendements indiqués ci-dessus ont été volontairement réalisés sur des parcelles unitaires pour lesquelles il n’y a pas eu d’opérations d’éclaircissage (d’où les dépassements des plafonds). En 2021, la totalité de la récolte a été détruite par le mildiou, ce qui révèle l’insuffisance d’efficacité de cette stratégie si la pression est très forte.
L’indicateur de vigueur (poids de bois de taille) est en moyenne faiblement, mais sensiblement, inférieur à la référence sur BEE depuis 2019, observation à relier probablement au paillage du cavaillon en 2020 (voir Zoom ci-dessous). L’azote assimilable des moûts est en moyenne peu différent de la référence, sauf en 2023, ce qui peut être lié à une baisse d’efficacité du paillage.
Azote assimilable des moûts (mg/L)
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Indicateurs agro-économiques en proportion de la référence (taux)
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Evaluation environnementale multicritères selon la méthode INDIGO Méthode INDIGO: KEICHINGER Olivier, chercheur indépendant et THIOLLET-SCHOLTUS Marie, INRAE - UMR LAE |
Les principaux points faibles de la modalité BEE (BIO) concernent le temps de travail (+96h/ha/an en moyenne du fait principalement de l’installation manuelle du paillage), les charges opérationnelles plus élevées (+850€/ha/an, du fait du coût du paillage et du surcoût des produits de biocontrôle) et la perte de rendement en 2021 causée par le mildiou.
L’analyse des reliquats azotés semble indiquer une minéralisation de l’azote du sol sous le paillage du cavaillon plus élevée par rapport à la référence (désherbage chimique) sans doute du fait du maintien d’une humidité supérieure et de l’absence d’adventices directement sous le paillage. L’année de pose, la minéralisation est très importante du fait de la préparation du sol. Pour autant, on n’observe pas davantage d’azote disponible pour la plante, notamment en 2023 (cf. N pétiolaire, confirmé par N assimilable des moûts). De plus, l’indice de stress hydrique δ13C montre un stress légèrement supérieur en 2022 sur BIO (paillé). On peut faire l’hypothèse que le paillage, bien que limitant le dessèchement du sol en surface en début d’été, n’occupe pas une surface suffisante (largeur maximale de 50 cm) et on observe un important développement d’adventices non maîtrisées en bordure qui entrent en compétition pour l’eau et l’azote. De plus, sous le paillage, on mesure des volumes nettement moins importants lors d’une année pluvieuse comme 2021, ce qui suggère une moindre infiltrabilité et un ruissellement vers les inter-rangs enherbés. |
En conclusion, le paillage testé a l’intérêt d’éviter un désherbage mécanique intercep et permet d’obtenir des performances agronomiques peu différentes de la référence les 3 premières années. Cependant, sa mise en place est coûteuse (temps et fourniture), l’entretien des bordures est compliqué et surtout en vigne relativement étroite (1,65m), la couverture du sol est insuffisante. De plus, les adventices de bordures on tendance à coloniser le paillage au court du temps. De ce fait, on observe une carence azotée en 2023, après 2 années très chaudes et sèches. |
Les résultats de l’expérimentation BEE sur notre site de Wintzenheim montrent que la stratégie de protection fongicide concernant le mildiou et l’oïdium, basée principalement sur la substitution de produits de synthèse par des produits de biocontrôle, est facilement transférable pour le vignoble alsacien, si la pression des maladies est modérée (avec toutefois un surcoût de l’ordre de 30% en moyenne) :
- Pour le mildiou, le cuivre est largement substituable par les phosphonates (et dans une moindre mesure par une huile essentielle d’orange douce), mais reste indispensable si le risque est moyen à fort.
- Pour l’oïdium, l’association de produits asséchants (hydrogenocarbonate ou huile essentielle d’orange douce) et de doses modérées de soufre donne des résultats satisfaisants
- L’utilisation d’outils d’aide à la décision est indispensable pour évaluer le risque et positionner les traitements
- Pour des pressions de mildiou fortes comme en 2021, l’utilisation de produits systémiques de synthèse pour encadrer la floraison reste indispensable
Concernant la suppression des herbicides :
- L’utilisation d’un paillage type Duravigne donne des résultats agronomiques satisfaisants comparativement à la référence au moins les 3 premières années.
- Ce paillage est plus adapté à des vignes larges (>1,8m), car sa surface de couverture est limitée par la largeur du tracteur. En vigne étroite (<1,7m), le salissement important des bordures et la complexification du travail de l’inter-rang pose problème.
- Cette solution de paillage reste coûteuse à mettre en œuvre (pour un amortissement sur 10 ans : environ 1500€/ha dont 1000€ de main d’œuvre), doit s’envisager à la plantation et la pose doit être mécanisable.
Des travaux de recherche et développements devraient être poursuivis sur les sujets suivants :
- Consolidation des modèles régionaux de prévision des maladies pour alimenter les outils d’aide à la décision.
- Elucider les causes de la moindre efficacité des stimulateurs des défenses naturelles au vignoble et continuer à développer des substances actives systémiques efficaces pour la lutte contre le mildiou et ayant un profil écotoxicologique favorable.
- Acquérir davantage de références techniques concernant des produits de biocontrôle efficaces contre d’autres maladies que le mildiou et l’oïdium (black rot…)
- Evaluer sur le long terme des paillages durables et biodégradables type Duravigne (durée de vie, impact sur le long terme sur le sol et la dynamique de l’eau, entretien des bordures…)