
Système DEPHY EXPE - APREL - FragaSyst

Conception du système
La protection sanitaire du fraisier est difficile car cette culture est confrontée à de nombreux bioagresseurs : insectes (pucerons, thrips, Drosophila suzukii), acariens et champignons (oïdium et Botrytis). Dans un objectif de réduction des traitements phytosanitaires de synthèse, des stratégies de Protection Biologique Intégrée (PBI) se développent mais donnent des résultats insuffisants notamment en matière de gestion des pucerons et de l’oïdium.
Le site de l’APREL (Association Provençale de Recherche et d'Expérimentation Légumière) a déjà été suivi dans le cadre du projet DEPHY EXPE Fraise (2013-2018). Les avancées obtenues lors de ce premier projet sont prises en compte pour concevoir un système permettant d’améliorer l’efficacité des stratégies de PBI tout en poursuivant la réduction des traitements. Des stratégies centrées sur l'utilisation de nouveaux auxiliaires, de produits de biocontrôle et de la biodiversité fonctionnelle sont alors testés .
Mots clés :
Fraise - Pucerons - Oïdium - Biocontrôle - Plantes de service
Caractéristiques du système
Les fraisiers sont plantés en décembre et arrachés fin juin.
Situation de production : Hors sol, abri chauffé Structure : Serre multichapelle plastique de 3600 m² Espèces : Fraise Variétés : Gariguette, Ciflorette et Dream Gestion de l'irrigation : Irrigation par goutte-à-goutte Fertilisation : Apport par irrigation Substrat : Fibres de coco Circuit commercial : Court Infrastructures agro-écologiques : Des plantes de service (céréales et plantes fleuries) sont installées sous les gouttières hors sol. Les céréales sont infestées avec un puceron des céréales. Ces plantes de service attirent prédateurs et parasitoïdes dans la culture. Des parasitoïdes peuvent être introduits sur ces aménagements pour augmenter la présence d'auxiliaires. Gestion du climat : Chauffage en début de saison (consigne 10°C). Ouvertures des ouvrants chaque jour pour réduire l'hygrométrie favorable aux maladies. |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Le système évalué par l'APREL est testé en conditions réelles de production sur un site producteur. Il intègre des leviers déjà utilisés par les producteurs et de nouvelles solutions afin de construire des stratégies centrées sur le biocontrôle à adapter selon le contexte de chaque exploitation. Les essais montrent de bons résultats contre thrips, Botrytis et oïdium avec l'utilisation du biocontrôle. Les pucerons et les acariens tétranyques restent difficiles à gérer avec l'utilisation exclusive du biocontrôle. Des traitements de synthèse restent nécessaires en dernier recours, en complément des solutions alternatives, pour contrôler les populations de ces deux ravageurs qui progressent rapidement au milieu du printemps.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs

Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Plantes de service |
Semis de céréales et plantation de plantes fleuries (achillée, lobularia, bourrache) pour attirer des prédateurs et parasitoïdes de pucerons. Infestation des céréales avec le puceron Sitobion avenae. |
Bonne présence d'auxiliaires contre pucerons grâce aux plantes de service mais peu de transfert vers la culture. |
Apports d'auxiliaires | Apports d'auxiliaires contre thrips (N. cucumeris et A. swirskii), d'auxiliaires contre acariens tétranyques (N. cucumeris, P. persimilis) et d'auxiliaires contre pucerons (syrphes, chrysopes...). |
Bonne efficacité des auxiliaires de thrips. Peu d'efficacité des auxiliaires contre acariens tétranyques (sauf P. persimilis en début de saison (février). Efficacité insuffisante des auxiliaires contre pucerons sauf les larves de syrphes pour la gestion de foyers. |
Produits de biocontrôle et à action physique | Applications curatives si présence d'une population de pucerons insuffisamment contrôlée par les auxiliaires. | Besoin de conditions spécifiques pour être efficaces (produits de contact). Des efficacités aléatoires observées. Attention à l'effet négatif sur la population d'auxiliaires. |
Lutte physique | Arrachage des vieilles feuilles pour éliminer les attaques précoces d'acariens tétranyques. | Permet une réduction efficace de la population. Il est nécessaire d'évacuer les feuilles hors de la serre et de compléter la stratégie avec des apports d'auxiliaires. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Produits de biocontrôle à action directe | Bicarbonate de potassium et Bacillus amyloliquefaciens avec une action de contact contre oïdium et Botrytis. |
Bonne efficacité du bicarbonate de potassium en début de culture. Permet de remplacer des applications précoces de produits de synthèse. Efficacité de Bacillus amyloliquefaciens difficile à évaluer. Nécessite une fréquence d'application hebdomadaire. |
Produits à base de soufre | Action fongicide du soufre. | Bonne efficacité en préventif et sur attaque légère. |
Fongicide de synthèse | Application en cas de progression de la maladie. | Bonne efficacité. |
Tableau synthétisant le niveau de maitrise des principaux bioagresseurs
Rouge : maîtrise très insuffisante ; Jaune : maîtrise moyenne ; vert : bonne maîtrise
Pucerons | Thrips | Acariens tétranyques | Oïdium | Botrytis | |
2019 | |||||
2020 | |||||
2021 | |||||
2022 | |||||
2023 |
La gestion des bioagresseurs sur fraise est difficile mais de bons résultats sont observés sur thrips grâce à l'utilisation d'acariens prédateurs. Contre les acariens, les auxiliaires montrent des efficacités insuffisantes pour contrôler le ravageur. C'est également le cas contre les pucerons et il reste difficile de se passer de l'application de produits de synthèse. Ceux ci sont néanmoins appliqués en derniers recours, lorsque le biocontrôle ne suffit plus à freiner leur progression.
Contre les maladies, le biocontrôle permet de réduire efficacement les applications de traitements de synthèse même si quelques applications restent nécessaires contre l'oïdium.
Performance agronomique
L'objectif de rendement est atteint chaque année sauf en 2022 mais la baisse de rendement est liée à la qualité des plants et non à la stratégie de protection. Les stratégies testées ont donc permis de maintenir le rendement.
Performance environnementale
L'objectif du projet est de tendre vers un IFT de synthèse de 0. Une forte baisse de l'IFT de synthèse a été observée lors du 1er projet DEPHY EXPE Ecophyto fraise grâce au remplacement de traitements de synthèse par des produits de biocontrôle. Dans le projet FragaSyst, les acquis du précédent projet ont été maintenus. La substitution totale des traitements de synthèse par du biocontrôle semble encore difficile car des interventions reste nécessaires notamment au milieu du printemps quand les bioagresseurs deviennent plus difficiles à gérer avec le biocontrôle.
Evaluation multicritère du système DEPHY - FragaSyst APREL
Lecture du graphique : Tous les points qui se trouvent en-dessous de la ligne "1" sont en dessous de l’objectif. Tous les points qui se trouvent au dessus de "1" dépassent l’objectif.
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Dans le système testé par l'APREL, des lignes de bacs destinés aux plantes de service ont été spécialement installés sous les gouttières de fraisiers à raison d'une ligne de 30 m pour 1 000 m². Dans ces bacs diverses plantes de services sont semées ou plantées. Des plantes relais de céréales, infestées avec Sitobion avenae, sont semées en janvier. Elles permettent d'attirer de nombreux parasitoïdes indigènes mais aussi des prédateurs (coccinelles, syrphes, Aphidoletes...). Diverses céréales ont été travaillées, et c'est le blé, l'avoine et le triticale qui ont montré les meilleurs résultats. |
Des plantes à fleurs sont plantées ou semées. L'alysse (Lobularia maritima) est intéressante pour attirer des adultes de syrphes, l'achillée (Achilea millefolium) héberge des proies alternatives (pucerons spécifiques) qui attirent des prédateurs et parasitoïdes de pucerons. C'est également le cas avec la bourrache qui a également montré un intérêt pour attirer des auxiliaires indigènes.
Ces aménagements permettent une présence précoce de nombreux auxiliaires de pucerons. Toutefois, le transfert des auxiliaires vers la culture de fraisiers est difficile et assez peu observé. Il est nécessaire de gérer les plantes de service pour forcer le transfert (fauche, transfert de fragments de plantes avec auxiliaires dans les foyers de pucerons).
L'ensemble des leviers testés par l'APREL ont été évalués sur une parcelle de producteur. Ils sont donc directement transférables en exploitations agricoles et déjà utilisés pour la plupart d'entre eux. C'est l'articulation de ces leviers entre eux pour construire des stratégies qui est à adapter à chaque situation en fonction de la pression des bioagresseurs, de l'historique de la parcelle, de la configuration de la culture (pour la mise en place des plantes de service).
La gestion des plantes relais reste à améliorer de manière à assurer un transfert efficace des auxiliaires attirés et pouvoir profiter du potentiel de ces aménagements en terme de fourniture précoce d'une faune indigène utile contre les pucerons (utilisation pour de la gestion de foyer, fauche de tout ou partie des plantes de service chargées d'auxiliaires).
Au niveau des auxiliaires introduits, des nouveaux candidats à la protection contre les pucerons sont mis sur le marché et sont à travailler pour les intégrer dans les stratégies. Il en est de même avec les nouveaux produits de biocontrôle.
Un nouvel enjeux réside dans la gestion des acariens tétranyques dont la gestion se complexifie avec les évolutions réglementaires et le réchauffement climatique. La gestion du climat, des abris, et l'évaluation de nouveaux auxiliaires et produits de biocontrôle sont à évaluer et combiner pour réduire la prolifération rapide de ce ravageur.