Système Rés0Pest - Mauguio
Conception du système
Le réseau expérimental Rés0Pest a été lancé en 2012 suite à une étude de faisabilité financée par le Groupement d'Intérêt Scientifique (GIS) Grande Culture à Haute Performance Economique et Environnementale. Ses objectifs sont de concevoir, expérimenter et évaluer les performances de systèmes de culture sans pesticides et d’analyser le fonctionnement de ces agroécosystèmes, notamment les régulations biologiques. Le niveau de rupture est très important par rapport aux pratiques agricoles conventionnelles et Rés0Pest se démarque de l’agriculture biologique par la possibilité d’utiliser des engrais de synthèse, ce qui donne la possibilité de viser des niveaux de rendements plus élevés. Lors des ateliers de co-conception, une attention toute particulière a été prise pour intégrer plusieurs cultures représentatives du secteur. Tous les leviers agronomiques mobilisables sont envisagés.
Mots clés :
Zéro-pesticide - Régulations biologiques - Diversification de la rotation - Leviers agronomiques - Désherbage mécanique - Associations variétales
Caractéristiques du système
La succession culturale sur chacune des 3 macro-parcelles est allongée à 6 ans avec une diversification des familles de plantes cultivées et une alternance des périodes de semis.
Interculture : Les intercultures longues sont gérées avec des cultures intermédiaires multi-services (CIMS). En cas de développement important d'adventices, elles peuvent aussi permettre de faire des faux-semis répétés afin de réduire le stock semencier. Dans la petite région, l’implantation des CIMS est très aléatoire car fortement dépendante de la pluviométrie. Gestion de l'irrigation : Possibilité d’irrigations ciblées sur certains stades phénologiques ou à certaines étapes de l'itinéraire technique. Le positionnement de ces irrigations se module en fonction du contexte climatique de l’année d’une part et de l’objectif de rendement et/ou de valeur technologique d’autre part.
|
Fertilisation : La fertilisation minérale de synthèse est autorisée dans Rés0Pest mais elle est réduite par rapport aux cultures conventionnelles afin de ne pas fragiliser les plantes et de ne pas générer des surplus d'azote favorables aux adventices.
Travail du sol : Dans ce système, le travail du sol est un moyen important de gestion des adventices : alternance labour/non-labour (3 labours sur 6 ans), faux-semis en interculture si nécessaire et désherbage mécanique en culture.
Infrastructures agro-écologiques : L'essai est situé à proximité d'une ripisylve et des bandes enherbées bordent les macro-parcelles.
Agronomiques |
|
Environnementaux |
|
Maîtrise des bioagresseurs |
|
Socio-économiques |
|
Le mot de l'expérimentateur
« A Mauguio, la difficulté d’une conduite sans irrigation est clairement apparue dès la mise en place de l’expérimentation (2012). La stabilisation des rendements et donc la viabilité économique du système passent par la possibilité d’irrigations ciblées sur certains stades phénologiques ou à certaines étapes de l’ITK. Le positionnement de ces irrigations étant à moduler en fonction du contexte climatique de l’année d’une part et de l’objectif de rendement et/ou de valeur technologique d’autre part. A ce bémol près, il semble tout à fait possible de conduire des cultures avec les contraintes zéro-pesticide et faibles niveaux pour les autres intrants. Les leviers techniques restent à trouver sur la gestion des adventices en pois chiche. En ce qui concerne les maladies, le levier génétique semble efficace au moins pour le blé dur. Notre site, atypique, est possiblement représentatif d’une évolution climatique à plus large échelle, et semble à ce titre informatif pour le réseau. » Brigitte Montegano et Jean-Marc Ebel
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices. |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Choix variétal Espèce couvrante Densité de semis |
Assurer une bonne couverture du sol pour être plus compétitif vis-à-vis des adventices par le choix de l’espèce, du morphotype variétal ou de la densité de semis. |
- Action ‘nettoyante’ de la luzerne et bon étouffement des adventices si l’implantation est réussie.
- En blé dur, levier efficace à condition de disposer de variétés à feuilles + larges et + prostrées, avec une vigueur de départ et une hauteur de paille supérieure.
|
Désherbage mécanique |
Détruire les adventices en culture sans détruire la culture elle-même. |
- Les fenêtres climatologiques sont souvent réduites pour appliquer la technique. |
Coupe, broyage, écimage ou épuration |
Elimination des adventices par des moyens mécanique pour éviter leur montée à graines et la dissémination des semences. |
- Dans la luzerne, on peut faire des coupes avant la montée à graines des adventices. - L’écimage est efficace sur les adventices qui dépassent du blé dur. - L’épuration des tournesols sauvages se fait manuellement.
|
Faux-semis |
Faire lever les adventices en interculture et les détruire ensuite. |
Dans les conditions climatiques de Mauguio, cette technique est très dépendante de la pluviométrie qui permet de faire lever les adventices ! |
Diversification des périodes de semis |
Permettre de détruire un large spectre d’adventices levant à des périodes différentes, en introduisant des cultures de printemps. |
C’est la méthode de base pour éviter l’apparition d’une flore dominante sur la parcelle. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs. |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Régulation biologique |
Favoriser l’émergence d’un équilibre entre auxiliaires et bio agresseurs par la non utilisation de pesticides et la présence de bandes enherbées et de haies aux abords des parcelles. |
Difficile d’attendre un équilibre sur cette relative petite superficie (<1.5ha) . Il faudrait travailler à une plus grande échelle. La régulation est surtout attendue sur blé dur mais peut bénéficier aux autres cultures. |
Biocontrôle |
Utilisation du Bacillus thuringiensis contre Helicoverpa sur pois chiche. |
Nombre de traitements nécessaires potentiellement élevé (4 ?). |
Dates de coupe & broyage |
En cas d’attaque de phytonomes sur luzerne (plus de 60% de plantes attaquées), avancer la date de coupe ou broyer pour les détruire. |
Technique utilisée avec succès en 2013. Pas de nouvelles attaques depuis. |
Clôture |
Empêcher les déprédations de la faune sauvage par la pose de clôtures. |
Pose dune clôture dès le jour du semis sur pois chiches. D’une façon générale intervenir en préventif juste avant le stade phénologique ciblé par la faune. |
Effarouchement |
Empêcher les déprédations d’oiseaux par l’utilisation d’effaroucheurs sonores. |
Technique d’effarouchement sonore inefficace sur palombes et moineaux en protection des capitules de tournesol. |
Date de semis |
Semer tardivement dans un sol bien réchauffé afin d’avoir une levée rapide et de réduire la phase de sensibilité aux ravageurs. |
En tournesol, attendre suffisamment que le sol se réchauffe pour avoir une levée rapide. La technique permet de limiter l’impact des taupins. |
En environnement périurbain, les dégâts de la faune sauvage (ici des palombes) posent problème en expérimentation | Dégâts de phytonomes sur luzerne |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies. |
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Choix variétal |
Choix de variétés résistantes ou tolérantes. |
Le levier génétique fonctionne mais il peut être difficile de prioriser les caractéristiques variétales optimales ( résistance/tolérance aux maladies fongiques, précocité, morphotype compétitif pour la gestion des adventices ….). Il faudrait sans doute combiner le choix des espèces (orge vs. blé dur ) et des variétés. |
Date de semis |
Semis précoce du blé dur (autour du 25/10 et si possible avant le 15/11) pour une implantation optimale et des plantes vigoureuses. |
Bonne stratégie en ce qui concerne les maladies telluriques (fusariose), mais en année favorable aux maladies foliaires, elle peut exposer la culture à plusieurs cycles de multiplication du ou des pathogènes. |
Gestion de l’azote |
Moduler et fractionner la dose au plus juste des besoins de la culture pour éviter de favoriser les maladies. |
Sur blé dur, ne pas oublier l’objectif ‘Qualité du grain’ et en conséquence bien cibler la reprise de végétation de façon à optimiser la nutrition azotée. |
Enfouissement des résidus |
Enfouir les résidus de récolte afin de favoriser leur décomposition et éviter la propagation des agents pathogènes. |
Mesure prophylactique complémentaire des autres leviers. |
Allongement de la succession |
Délai de retour > à 5 ans pour les légumineuses (luzerne, pois chiche). Diversification des cultures. |
Anthracnose sur pois chiche peu présente pour l’instant, à suivre avec la poursuite de la rotation. |
Notation de maîtrise des bioagresseurs dans le contexte biotique de l'essai (voir fiche site Mauguio - Contexte biotique)
|
|
|
|
|
|
|
Maladies |
ü |
ü |
≈ |
ü |
≈ |
ü |
Ravageurs |
≈ |
≈ |
ü |
û |
ü |
û |
Adventices |
ü |
ü |
≈ |
û |
≈ |
ü |
ü Niveau de maîtrise satisfaisant ≈ Niveau de maîtrise moyennement satisfaisant û Niveau de maîtrise non satisfaisant
A deux exceptions près ( phytonomes sur luzerne et helicoverpa sur pois chiche), la pression des ravageurs reste acceptable. Levier biologique possible sur helicoverpa (BT) et technique sur les phytonomes (date de coupe ou broyage).
Les adventices peuvent poser problèmes sur certaines cultures à faible développement végétatif (pois chiche). Attention à la gestion de la folle avoine et du chardon marie sur le long terme.
Les maladies cryptogamiques prégnantes sur la petite région (essentiellement rouilles sur Blé dur) semblent contrôlables via le levier génétique en année ‘classique’ au moins.
Performance économique
Marge semi-nette (campagnes 2013 à 2022)
Marge semi-nette = Produit brut - (Charges opérationnelles + Charges de mécanisation) + Aides
* En 2013 et 2014 le pois chiche a été remplacé par un tournesol en raison d'un échec de la levée.
La rentabilité de ce système est très faible, en particulier en raison des mauvaises performances du pois chiche et du tournesol. Pour ce dernier, si on prend en compte le rendement hors dégâts d’oiseaux, la marge semi-nette gagne environ 200 €/ha. La luzerne porte-graine introduite en 2021 a des résultats contrastés, en particulier de mauvaises performances en 1ère année.
Performances agronomiques
Rendements et satisfaction de l’expérimentateur
Culture |
Objectif de rendement |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pois chiche |
20-25 q/ha |
- |
- |
7,6 |
- |
- |
13 |
8,5 |
- |
0 |
- |
Tournesol |
20 q/ha |
20 (8,5)* |
22 (13)* |
21 (13,8)* |
- |
12,3 (7,7) * |
- |
- |
45,4 (sorgho)
|
26 (14,6)* |
- |
Luzerne 1A |
3 TMS/ha |
- |
- |
5.7 |
2,7 |
- |
5,7 |
- |
- |
0 |
48,6 (sorgho) |
Luzerne 2A |
7 TMS/ha |
8,7 |
- |
|
4,9 |
11 |
- |
3,1 |
- |
- |
5q/ha (grain) |
Blé dur |
40 q/ha |
47(P2) |
19,8 (P1) |
- |
33,8(P1) |
59(P2) |
51(P3) |
54(P2) |
58,4 (P1) 44,4(P3) |
- |
44 (P1) |
Le code couleur vert montre, soit l’atteinte de l’objectif de rendement, soit un niveau de rendement équivalent à ceux de la petite région.
* Pour le tournesol les chiffres entre parenthèses donnent les rendements réels suite aux prélèvements des oiseaux, le 1er nombre correspondant aux rendements théoriques après quantification des dégâts via les capitules ensachés.
Les rendements sont hétérogènes quelle que soit la culture. Ces fortes fluctuations inter-annuelles s’expliquent essentiellement par la variabilité du déficit hydrique climatique (P-ETP) non compensé par irrigation. Les rendements particulièrement élevés du blé dur pour la petite région en 2017 sont dus au choix variétal, à des conditions environnementales favorables et à une forte densité de semis.
Dimension économique - Dimension sociale - Dimension environnementale
Contribution au développement durable - Note 1 : Très faible - Note 2 : Faible à moyenne - Note 3 : Moyenne à élevée - Note 4 : Très élevée
L'évaluation multicritère a été réalisée avec les outils Criter 5.4 et MASC 2.0.
La contribution globale du système de culture au développement durable est moyenne à élevée malgré une rentabilité très faible.
La satisfaction des attentes de la société est faible à moyenne en raison d’une contribution à l’emploi faible à moyenne (non recherchée dans ce système) et d’une production de matière première également faible à moyenne.
Les performances environnementales sont très élevées. Les risques d’érosion sont liés à la situation des parcelles près d’un cours d’eau et ne sont pas inhérents au système de culture.
Les parcelles Rés0Pest sont situées près d’un ruisseau bordé d’une ripisylve (voir photo ci-contre). Elles sont entourées d’une bande enherbée (luzerne+dactyle) et bénéficient d’un réservoir de macro-faune utile. Les populations de campagnols sur luzerne sont partiellement contrôlées par leurs prédateurs naturels (hérons cendrés, rapaces ….). L’inconvénient majeur de cette situation est le risque d’inondation lors d’épisodes cévenols intenses. Le site dans son ensemble est concerné par la directive nitrates. |
|
Vu le niveau de rupture élevé des systèmes de culture Rés0Pest, les systèmes de culture conçus n’ont pas vocation à être transférés directement dans des exploitations agricoles. Néanmoins, la présentation de ces essais et de leurs résultats peuvent être source d’inspiration pour des agriculteurs ou des conseillers, dans le cadre d’une démarche de conception de systèmes de culture économes en produits phytosanitaires. De plus, de par son contexte environnemental, le site occupe une place particulière dans le réseau et ajoute la contrainte ‘stress abiotiques' (thermique et hydrique) à la problématique zéro-pesticide. |
Les résultats obtenus depuis le début de l’expérimentation sont informatifs, le point marquant étant une maîtrise possible des bioagresseurs en année ‘non extrême’ sur blé dur. La consommation d’énergie est faible, en grande partie à cause d’un faible niveau de fertilisation azotée. Par contre, il y a de nombreux passages de travail du sol et une réflexion devra être menée afin de voir s’il y a une marge de progrès sur ce point.
Il faut porter une attention particulière à l’itinéraire technique du pois chiche qui est une espèce bien représentée en conduite conventionnelle dans la petite région et dont la maîtrise n’est pas encore acquise.
Lors de 2ème succession, il a été décidé de tester la culture de la luzerne en production de semences afin de voir sa faisabilité dans un contexte sans pesticides. Les résultats sont assez aléatoires, particulièrement pour la première année. Le remplacement du tournesol par un sorgho pourrait être testé lors de la 2ème succession du système afin de limiter les attaques d’oiseaux de fin de cycle. A noter qu’aucune de ces 2 cultures de printemps ne représente une sole significative dans la petite région, hormis en production de semences. Le sorgho grain est une espèce efficiente en sols profonds sous contrainte hydrique et travaillée par les sélectionneurs pour une conduite bas intrants. Sa culture en production de semences pourrait être une bonne opportunité pour ce système.
On pourrait également envisager d’utiliser plus fréquemment et de façon raisonnée le levier ‘Irrigation’ pour gérer la contrainte hydrique, en chiffrant son coût dans le contexte régional.