
Système RES1 - PEPSVI - Wintzenheim - SALSA
Conception du système
Le projet SALSA a pour objectif d’explorer des combinaisons de leviers de gestion du vignoble permettant de réduire significativement l'IFT. Il est basé sur la résistance variétale (variété Col-2383L), les infrastructures agroécologiques, les couverts végétaux, les régulations naturelles et des règles de décisions agronomiques.
Mots clés : Système viticole agroécologique - Résistance variétale - Couverts végétaux - Infrastructures agroécologiques - Régulations naturelles
Caractéristiques du système
Type de production | Cépage | Porte-greffe | Densité | Mode de conduite | Hauteur palissage | Année d'implantation |
Vin sans Indication Géographique | Col-2383L | SO4 | 4850 ceps/ha | Guyot double | 180 cm | 2014 |
Gestion de l’irrigation : pas d'irrigation Gestion de la fertilisation : fertilisation organique selon besoin Gestion du sol : travail mécanique sur le rang (buttage, décavaillonnage, binage), sur l'interrang semé via un mélange vesce-avoine roulé, et par un mélange fleuri Infrastructures agro-écologiques : couverts fleuris, proximité d'éléments d'intérêt écologique (forêt, murs de pierre, friches...) |
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
L’utilisation de variétés résistantes aux principales maladies que sont le mildiou et l’oïdium est le levier le plus efficace pour réduire drastiquement l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. En Alsace où l’incidence de ces maladies est généralement modérée, la maîtrise de la compétition pour l’eau et l’azote reste par contre une problématique majeure, dans nos vignes en coteaux. Dans le cadre du projet SALSA, nous avons expérimenté deux systèmes culturaux qui intègrent la variété résistante Opalor et pour lesquels nous avons favorisé la biodiversité en implantant des enherbements plurispécifiques. Pour le système RES1, nous avons désherbé mécaniquement sous le rang. Ce système a donné les résultats les plus satisfaisants, avec une réduction de l’IFT total de l’ordre de 90% et de bonnes performances agronomiques.
Ce type de dispositif permet également d’effectuer une veille concernant la durabilité des résistances et d’évaluer le comportement de la variété vis-à-vis des autres maladies et ravageurs.
Lionel Ley
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Implantation d'engrais verts un inter-rang sur deux. | Semis post-récolte d'un mélange céréale (seigle) - légumineuse (pois), roulage au printemps. Le couvert contribue à améliorer la structure du sol, permet d'enrichir le sol en azote (légumineuse) et en matière organique. Il limite l'érosion et la lixiviation des nitrates durant la période hivernale. |
Difficulté à avoir des levées et implantations correctes (sécheresse, sable...) Un semis précoce (septembre) est essentiel, mais compliqué par les vendanges (temps, piétinement). Les engrais verts peuvent constituer un apport significatif d'azote et améliorent la vie biologique des sols. |
Roulage des engrais vert | Le roulage avec un rouleau type Rolofaca évite le travail du sol, retarde la décomposition du couvert et maintien un mulch qui retarde la pousse des adventices et l'asséchement du sol. |
Technique intéressante pour éviter un désherbage ou un broyage. Ne fonctionne pas si le couvert n'est pas assez développé. |
Désherbage mécanique interceps |
Désherbage mécanique grâce à plusieurs outils: étoile bineuse, enjambeur avec outils interceps hydrauliques (rasettes, socs), éventuellement têtes de fauche interceps. L'itinéraire classique est: buttage, débuttage puis 2 passages de rasettes ou étoile bineuse. |
Modalités nécessitant du temps, de la technicité et une bonne adaptation du matériel. Ces techniques restent les plus efficaces, mais nécessitent occasionnellement un entretien manuel autour des ceps. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Confusion sexuelle par diffusion de phéromones | Perturbation de la reproduction des tordeuses de la grappe. | Technique efficace qui a fait ses preuves (si une zone assez large est confusée) |
Implantation et maintien d'infrastructures écologiques | La régulation naturelle est essentielle pour lutter contre les ravageurs. Le maintien d'une biodiversité floristique sur la parcelle (inter-rangs et éléments paysagers des abords) constitue un refuge pour les auxiliaires. | Quoique compliquant les travaux mécanique, le maintien d'un mélange floristique 1 inter-rang sur 2 accroît la richesse spécifique des insectes. L'évaluation des services éco-systémiques rendus demeure complexe. |
Limiter les effets non intentionnels de la phyto-protection | Choisir des produits phytosanitaires n'impactant pas la faune auxiliaire: limitation du soufre, proscription du mancozèbe... | Pas de problématique d'acariose ou de tordeuse sur la parcelle. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Résistance génétique au mildiou et à l'oïdium | Opalor: variété très résistante au mildiou (Rpv1+Rpv10) et totalement résistante à l'oïdium (Run1+Ren3+Ren9) | Dégâts sur grappes nuls pour l'oïdium et anecdotiques pour le mildiou. On observe certaines années, en fin de cycle, des symptômes de mildiou sur feuilles. |
Lutte fongicide complémentaire | 1 à 2 traitements vers la floraison pour prévenir l'apparition du black rot et le contournement de la résistance par le mildiou. | Le black rot est apparu sur la parcelle de manière anecdotique en 2021, sans causer de préjudice. Pas de souche de mildiou contournante identifiée. |
Effeuillage | Effeuillage par jet d'air au moment de la chute des capuchons floraux pour lutter contre les pourritures | La variété Opalor est peu sensible au botrytis et à la pourriture acide. |
Black Rot - grappes | Mildiou - feuilles | Mildiou - grappes | Oïdium - grappes | Botrytis - grappes | Pluviométrie (mm) saison végétative | |||||||||||
2019 | Nulle - faible | Moy - Faible | Moy - Faible | Moy - forte | Faible | 389,6 | ||||||||||
2020 | faible | Faible | Faible | Moy - forte | Faible | 276,4 | ||||||||||
2021 | Forte | Forte | Forte | Forte | Moyenne | 425,0 | ||||||||||
2022 | Faible - Moy | Nulle | Nulle | Moyenne | Faible | 289,6 | ||||||||||
2023 | Faible - Moy | Faible - Moy | Faible - Moy | Forte | Moyenne | 158,2 | ||||||||||
Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | Région | REF | ECO | ECO |
Pas de notation (absence raisin) | |
Absence de symptôme | |
Présence (faible) | |
Intensité moyenne des symptômes | |
Intensité forte des symptômes |
La combinaison de leviers mise en place a permis une très bonne maîtrise sanitaire sur le système Dephy (RES1) et d’atteindre l’objectif de réduction d’IFT, même dans le contexte météorologique de 2021 propice aux maladies fongiques. La variété Opalor n’a pas montré de symptôme d’oïdium et aucun dégât de mildiou significatif, même si on peut observer des symptômes sur feuille en fin de campagne. Elle est par ailleurs très peu sensible au botrytis et aucun dégât notable de tordeuse n’est à déplorer.
Performance environnementale
IFT chimique et IFT biocontrôle par système et par année |
Les objectifs de réduction d'IFT sont atteints tous les ans, sans observer de dégâts sur les grappes: la réduction moyenne (2019-23) par rapport à la référence (pinot blanc) est de 82% pour l'IFT total et de 92% pour l'IFT fongicide.
Performances agronomiques
Rendements (kg/cep) par système et par année |
Poids des bois de taille (kg/cep) par système et par année |
La moyenne pluriannuelle des rendements dans le système de référence est supérieure à celle du système résistant, en notant que les rendements de la référence (pinot blanc) ont été excessifs. En moyenne, les rendements du système Dephy (RES1) atteignent les objectifs fixés.
Azote assimilable des moûts (mg/L) |
Globalement, on note un rapport biomasse (bois de taille) / rendement plus élevé pour la variété résistante Opalor : 1,5 fois supérieur par rapport au pinot blanc. L’azote assimilable des moûts est quant à lui généralement inférieur chez Opalor et parfois de manière importante, malgré des rendements plus faibles et sans relation apparente avec la fertilisation. Ce dernier résultat est sans doute à rapprocher du mode de désherbage et peut-être de la physiologie de la variété.
Indicateurs agro-économiques en proportion de la référence (taux)
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Evaluation environnementale multicritères selon la méthode INDIGO Méthode INDIGO: KEICHINGER Olivier, chercheur indépendant et THIOLLET-SCHOLTUS Marie, INRAE - UMR LAE |
Les résultats ont montré que l'intégration de la résistance variétale dans le système de production permettait d’atteindre les objectifs d’une réduction importante de la dépendance aux produits phytosanitaires (réduction de l’IFT de 90%) sans dégradation de la qualité sanitaire. Les temps de travaux ne sont pas augmentés globalement et les émissions de GES sont diminuées, les pulvérisations étant consommatrices en carburant notamment. Les performances environnementales sont donc globalement nettement améliorées.
Durant le projet, des piégeages d’arthropodes ont été réalisés annuellement à 3 stades. Il n’y a pas d’effet majeur du système mis en évidence, hormis l’augmentation de l’abondance des pollinisateurs du fait des couverts fleuris implantés. Egalement, en 2021, année où de nombreux traitement fongicides ont été effectués sur la Référence, on a observé une abondance nettement plus importante des araignées de la canopée dans le système RES1. Ces impacts des pratiques (diminution des fongicides et effet des couverts) seraient à confirmer par davantage d’observations. |
En 2024, 24 variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium en classement définitif peuvent être plantées par les viticulteurs et ces variétés sont actuellement déployées sur environ 2000 ha. Ce déploiement va être accéléré grâce à des évolutions règlementaires récentes (possibilité d’intégrer de nouveaux cépages dans les IGP et les AOP) et par la poursuite de programmes de sélections régionaux destinés à créer des variétés adaptées à chaque bassin viticole.
Les couverts végétaux ont fait leurs preuves et sont aujourd’hui documentés sur leur mise en œuvre (Garcia et al, 2018). Ils sont répandus dans le vignoble français en permettant d'augmenter la qualité des sols, de limiter l’érosion et de réduire l’usage d’herbicides.
Les résultats ont mis en évidence plusieurs limites qui nécessitent des études complémentaires afin d’améliorer la robustesse, la durabilité et donc la transférabilité de ces systèmes :
● Des difficultés de maîtrise de certains bioagresseurs ont été observées sur d’autres sites. C’est le cas notamment du Black-rot (habituellement contrôlé par les fongicides anti-mildiou et anti-oïdium), ce qui a entraîné des pertes de récolte très significatives dans certaines situations.
● Aucune érosion de l’efficacité des résistances n’a été observée durant le projet. Néanmoins, l’identification d’isolats de mildiou contournant certains gènes de résistance nécessite la mise en œuvre de nouveaux leviers de gestion destinés spécifiquement à limiter l’évolution des populations, afin de gérer la durabilité de la résistance des nouvelles variétés inscrites.
● La limitation du travail du sol, associée à la gestion de couverts végétaux (semés ou spontanés) a permis d’améliorer significativement les qualités physico-chimiques et biologiques des sols : hausse du taux de matières organiques du sol, amélioration de la stabilité structurale, augmentation de la qualité biologique (indicateurs de nématofaune). Cependant, une baisse de production de la vigne a été observée, associée à des teneurs en azote des baies inférieures à la référence. Un réajustement de la conduite du système est indispensable pour atteindre à la fois les objectifs de performances environnementales et socio-économiques.
● L’hypothèse de régulations naturelles renforcées par la baisse d’utilisation des produits phytosanitaires n’a pas été confirmée. Bien que ces types d’observations soient complexes et coûteuses, elles mériteraient d’être approfondies.
● Les systèmes de culture testés au sein du réseau ont permis l’acquisition de références sur uniquement deux variétés résistantes: Artaban à Bordeaux et Montpellier et Opalor à Colmar. Depuis les premières inscriptions en 2018, de nouvelles variétés sont aujourd’hui disponibles et des programmes de sélection régionaux se structurent. Pour envisager le déploiement des variétés résistantes, associées à des systèmes de culture agroécologiques, une meilleure connaissance des interactions variété/conduite semble nécessaire.