Néonicotinoïdes : quelles solutions alternatives pour les remplacer ?
La mise en ligne du plan national de Recherche et Innovation pour trouver des solutions alternatives aux néonicotinoïdes dans le cadre de la lutte contre la jaunisse de la betterave, en lien ci-dessous, est l’occasion de refaire un point sur ce sujet.
La loi « Pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » du 8 août 2016 (article 125) a déclenché, en France, au 1er septembre 2018, l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, ainsi que des semences traitées avec ces produits.
La loi prévoyait des dérogations pouvant être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 sur la base d’une comparaison établie par l’Anses sur les bénéfices et les risques liés aux usages de ces produits avec ceux de produits de substitution ou de méthodes alternatives. On sait depuis que de nouvelles dérogations sont envisageables avec un encadrement très précis.
Par ailleurs, trois règlements européens, restreignant les usages de 3 substances actives néonicotinoïdes (Thiamétoxame, Imidaclopride, Clothianidine) aux seuls usages sous serre a été adopté par les États membres le 27 avril 2018 et s’applique également aux autorisations de mise sur le marché français des produits phytopharmaceutiques à base de ces substances.
Le rapport d’expertise ANSES de mai 2018 « Risques et bénéfices des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes et de leurs alternatives » apporte de nombreux enseignements. Pour une majorité des usages des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes, des alternatives (chimiques et non chimiques) suffisamment efficaces, et opérationnelles ont pu être identifiées.
Cette expertise a été complétée en 2021 par un rapport « Efficacité des traitements disponibles pour lutter contre les pucerons de la betterave ».
Dans 78% des cas analysés, au moins une solution alternative non chimique existe. La lutte biologique à l’aide de macro-organismes naturels ou introduits, la lutte physique grâce à des substances protectrices d’organes (huile de paraffine, argile…), et la confusion sexuelle sont des méthodes d’ores et déjà disponibles en France ou aisément transférables sur certaines cultures.
Une méthode alternative non chimique ne présente pas une efficacité suffisante à elle toute seule pour maîtriser un ravageur. La mise en place d’une combinaison de méthodes d’observation des bioagresseurs et de méthodes préventives semble indispensable pour diminuer la pression (variétés résistantes, méthodes physiques, lutte par conservation, méthodes culturales). L’application d’un insecticide, doit se raisonner sur sa faible toxicité, son spectre d’efficacité le plus étroit possible, à partir d’observations de ravageurs au-delà de seuils de nuisibilité, c’est-à-dire pouvant causer des impacts économiques, ou sur la santé.
L’ITB – Institut technique de la Betterave a, de son côté développé un grand nombre de ressources pour informer les producteurs. Vous pouvez également consulter les articles parus dans les cahiers techniques de l’institut. (voir ci-dessous)
Il ne faut pas oublier également le développement de résistance du puceron vert du pêcher, Myzus persicae, vecteur de nombreux virus notamment celui responsable de la jaunisse de la betterave aux Néonicotinoïdes (voir la note nationale) ce qui préfigurait sans doute des cas de résistance aux néonicotinoïdes plus généralisés si ceux-ci étaient maintenus.
Dans 89% des cas, les solutions de remplacement aux néonicotinoïdes se fondent sur l’emploi d’autres substances actives. Il est important de mettre en avant le risque de développement de résistance aux autres insecticides. Dans 39% des cas, les alternatives chimiques reposent sur une même famille de substances actives, en particulier les pyréthrinoïdes ou sur une seule substance active, pire sur un seul produit commercialisé. Leur emploi doit donc être finement raisonné.
Consultez les articles du carrousel ci-dessous pour mieux visualiser ces solutions.
En fonction de l’usage et du risque considéré (alimentaire, non alimentaire, abeilles, organismes aquatiques, etc...), la comparaison des indicateurs de risque associés aux néonicotinoïdes par rapport à ceux associés à leurs alternatives chimiques peut conduire à des résultats différents. L'ANSES n'apporte pas, dans son expertise de conclusion quant aux substances actives qui présenteraient le profil de risques le moins défavorable par rapport à celui des néonicotinoïdes.
Malgré le moratoire de l'UE, un risque persiste pour les abeilles (voir article ci-contre). La protection des pollinisateurs et des auxiliaires doit donc être pensée globalement au niveau du système de culture, de l’exploitation voire d’un territoire. Deux articles présents dans le carrousel ci-contre font le point sur la protection de ces organismes utiles.
Un article récent de l'ITSAP fait un état des lieux concernant la "dérogation betterave" et du risque d'exposition des abeilles par enrobage des semences dans les cultures des betteraves sucrières et porte-graine.
Dans 6 cas, aucune alternative, qu’elle soit chimique ou non chimique, n’a été identifiée :
• Maïs : Traitement de Semences, Mouches
• Arbres et arbustes : Traitements des Parties Aériennes, Ravageurs divers (coléoptères)
• Cerisier : Traitements des Parties Aériennes, Insectes xylophages (Scolytus rugulosus, Cossus cossus, Anisandrus dispar)
• Forêt : Traitement du Sol, Insectes du sol (Hannetons)
• Framboisier : Traitements des Parties Aériennes, Mouches (Drosophila sp., Lasioptera sp.)
• Navet : Traitements des Parties Aériennes, Pucerons
La reconception des systèmes de culture semble inévitable. Ceux-ci devront faire une place importante aux méthodes de lutte culturales (diversification, usage de plantes de services et mise en place de stratégies couplant ce qui se passe à la parcelle, dans ses abords, et à des échelles territoriales fines) afin de développer une lutte agro-écologique globale permettant de favoriser largement le développement d’organismes utiles. La lutte biologique à l’aide d’auxiliaires des cultures (parasitoïdes ou prédateurs) représente également une source de solutions dans plus de 20% des usages étudiés, particulièrement pour les cultures sous abri. Enfin, l’écologie chimique à l’aide de médiateurs chimiques produits notamment par les plantes (ex. répulsifs) parait très prometteuse.
Douze projets de recherche ont été mis en place suite à l’appel à projets sur la thématique. Ceux-ci couvrent des thèmes, des filières et cultures très diversifiés. Six sont de grande ampleur scientifique et interdisciplinarité, quatre projets se concentrent sur la démonstration ou l'incubation et enfin deux projets sont plus exploratoires. Le projet Ecophyto Recherche et innovation ABCD_B a, quant à lui, pour objectif d’évaluer des solutions pour la protection contre les maladies à virus transmises par des pucerons sur les principales grandes cultures. Retrouvez tous ces projets ci-contre.
« Nous avons des pistes intéressantes, qui relèvent du biocontrôle, de la génétique et de l’agronomie » Philippe Mauguin - PDG d’INRAe lors de la présentation du Plan national le 22 septembre 2020