
Système ECO Ctifl Balandran - MIRAD
Conception du système
Ce système de culture a été conçu de manière à utiliser des leviers connus et jugés utiles pour la réduction de produits phytosanitaires. Testés préalablement sur d'autres projets du réseau DEPHY EXPE, notamment le projet CAP ReD, ces leviers sont complétés par de nouveaux leviers dont l’efficacité reste à évaluer pour la protection du système de culture contre maladies, ravageurs et adventices. Ces leviers (prophylaxie, biocontrôle, choix des variétés, piégeage massif et autres) sont au centre d’aménagements agro écologiques qui ont pour objectif final une utilisation minimale d’intrants fertilisants et une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires pour une production agricole optimale.
Mots clés :
Agroécologie - Biocontrôle - Arboriculture - Levier variétal - Diminution des IFT
Caractéristiques du système
Espèce | Variétés | Porte-greffe | Mode de conduite | Distance de plantation | Année d'implantation | Valorisation | Circuit commercial |
Abricotier |
Apridélice (cov) Délicot (cov) |
Montclar | Palmette palissée | 4,5x3m | 2019 | Frais | Long |
Système d’irrigation : Micro-aspersion Gestion de la fertilisation : Fertilisation solide Infrastructures agro-écologiques : Haies composites Protections physiques : Bâche tissée au sol, bâche anti-pluie, filet anti-insecte, glu sur les troncs, piégeage massif |
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Le système Eco est innovant, il repose sur la reconception complète du verger et les nombreuses protections physiques ne peuvent être mise en place que si cela a été pensé dès la plantation. L’installation des bâches anti-pluies et du filet anti-insecte va de pair avec un verger conduit en mur fruitier à forte densité. Ces installations sont très efficaces pour peu qu’elles soient bien entretenues et bien utilisées. Le déploiement des bâches anti-pluie doit être bien anticipé pour que les stades sensibles de la floraison soient protégés. Elles doivent être également repliées assez tôt pour limiter l’ombrage et impacter le moins possible le développement des fruits.
Les objectifs de zéro résidu et de baisse de traitements chimiques sont atteints avec -92% d’IFT chimique en comparaison à une conduite PFI. Les rendements sont bons grâce notamment à la densification mais la production n’est pas stable et la part de déchets à la récolte est importante. Aussi la rentabilité économique n’a pas encore été atteinte sur ce système. Les investissements initiaux sont très lourds. Le temps de main-d’œuvre est important pour la formation des arbres en palmettes les premières années.
La pression forficule est très importante sur notre site expérimental et les protections déployées glu et piégeage massif ne sont pas satisfaisantes. Le filet, les bâches, les câbles et nombreux poteaux sont des éléments qui compliquent la lutte contre ce bioagresseur.
Ce système reste néanmoins très intéressant et plusieurs pistes d’amélioration sont envisageables pour améliorer ses performances économiques.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Broyage de l'inter-rang | Un gyrobroyeur est utilisé pour contrôler l'enherbement des inter-rangs. Les interventions de broyage de bois de taille sont comptabilisées ici. | Le broyage est effectué lorsque l'herbe gène les interventions ou pour broyer les bois de taille. |
Bâche tissée | Une bâche tissée de 130g/m² en polypropylène est mise en place à la plantation. | Pour assurer une plus grande longévité du matériel des interventions manuelles au pied des arbres et à l'aide d'un rotofil en bordure sont nécessaires. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Filet anti-insecte |
Filet complet (côtés + toit) qui englobe la parcelle. Il fait barrière à tous les insectes volants (pucerons, lépidoptères, psylles..) |
Des pollinisateurs sont apportés sous le filet à la floraison. Des réparations doivent être faites fréquemment pour une meilleure longévité du matériel. Aucune attaque d’ECA sur cette parcelle. |
Glu sur troncs |
C’est une barrière physique contre les rampants (forficules..) qui les empêche de monter dans l’arbre |
Nécessite de la vigilance, l’application sur les poteaux et câbles augmente le temps de travail |
Piégeage massif contre les forficules |
Un pot rempli de paille servant de refuge aux forficules pendant la journée est positionné dans chacun des arbres. Les pots sont vidés 1 à 2 semaines avant la récolte. |
Travail manuel chronophage |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Bâche anti-pluie |
Limite fortement la contamination par les maladies fongiques |
Bonne efficacité lorsqu’elles sont déployées assez tôt. A replier au stade petit fruit pour limiter l’impact sur la coloration des fruits. Nécessite une irrigation même lors des périodes pluvieuses |
Utilisation de produits de biocontrôle |
Substitution des produits chimiques par des produits de biocontrôle |
Bonne protection des fruits contre l’oïdium. |
Choix variétal |
Génétique |
Peu de sensibilité à la rouille. Forte sensibilité au monilia |
Année | Monilia sur fleur | ECA | Forficules | Rouille sur feuille | Puceron | Oïdium sur feuille | ||||||
2021 | ||||||||||||
2022 | ||||||||||||
2023 | ||||||||||||
2024 | ||||||||||||
Apridélice | Délicot | Apridélice | Délicot | Apridélice | Délicot | Apridélice | Délicot | Apridélice | Délicot | Apridélice | Délicot |
Il n'y a aucune mortalité d'arbres attribuée à l’ECA, le système de filet anti-insecte a sûrement permis de limiter l'impact de cette maladie par le psylle, mais quelques années supplémentaires à l’évaluation de ce levier seront nécessaires étant donné que la maladie peut se déclarer plusieurs années après la contamination des arbres.
Les bâches anti-pluie, lorsqu’elles ont été déployées au bon moment, ont permis une gestion satisfaisante ou partiellement satisfaisante du monilia sur fleur et de la rouille sur feuille. Mais lors d’un déploiement trop tardif comme en 2023 les dégâts de monilia ont été très forts.
Le système bâche + filet semble favoriser le développement de l’oïdium sur feuille, mais il n’y a pas eu d’oïdium sur fruits et cela n’a donc pas impacté la production.
La rouille sur feuille n'est pas une maladie très impactante dans cet essai.
La gestion de l'enherbement par les bâches au sol est efficace et nécessite peu d’entretien.
La pression forficule est très importante sur le site CTIFL de Balandran, la stratégie glu + piégeage massif permet d’avoir une gestion satisfaisante sur la variété Apridélice mais pas sur Delicot. La structure bâche + filet rajoute une difficulté pour la pose de la glu sur l’ensemble des filins et poteaux susceptibles d’être des ponts à forficules. De plus les bâches au sol et les bâches anti-pluie, lorsqu’elles sont repliées sont de potentiels abris pour ces ravageurs.
Performance environnementale
L'IFT chimique (Indice de Fréquence de Traitement) du système ECO à diminué de 92% en moyenne par rapport aux arbres conduit en Production Fruitière Intégré (PFI). L'IFT total (IFT chimique + IFT vert qui regroupe l'ensemble des produits de biocontrôle) du système ECO a lui aussi diminué, de 69% par rapport aux arbres conduits en PFI. Ces derniers ont un IFT total moyen de 16 et ceux du système ECO un IFT total moyen de 5.
Aucun herbicide n’est utilisé dans le système Eco. Les traitements insecticides sont utilisés en dernier recours. Un traitement a été fait suite à la présence de pucerons farineux en 2023 en post récolte, puis une huile en début d’année 2024. Les fongicides utilisés sont essentiellement des produits de biocontrôle. Le positionnement d’un traitement chimique en 2022 un mois avant récolte a engendré des traces détectées lors de l’analyse de résidus. L’objectif zéro résidu n’a pas été atteint cette année là pour le système ECO.
Les bâches anti-pluie permettent de maintenir la pression monilia à moins de 10% de rameaux touchés lorsqu’elles sont déployées au bon moment (hors 2023), c’est-à-dire lors de la phase de risques de la floraison. Avec le filet, et en association avec des bougies elles ont également permis de protéger le verger contre le gel en 2021. Elles ont cependant le désavantage d’augmenter l’irrigation même lors d’années pluvieuse, et limitent la surimpression des fruits.
Performance agronomique
La production totale des systèmes est plus importante dans les systèmes ECO que dans la référence en PFI hormis pour la variété Délicot en 2024. Ces fortes productions à l’hectare pour le système ECO sont notamment dues à la forte densité des arbres conduits en mur fruitier en comparaison a une conduite en gobelet.
Les variétés Délicot et Apridélice présentent de bon potentiel de production et des fruits de gros calibre (80 à 90% de la production en 2A et plus). Délicot semble un peu moins bien adaptée à la conduite en palmette car elle a tendance à avoir une floraison et fructification plus importante sur rameaux longs. Les variétés sont tombées en alternance dès leur deuxième année de production. A noté que Delicot a produit dès la 2e feuille (4.63 T/ha de rendement brut en 2020, données non présentées sur les graphiques).
Le pourcentage de déchets (verger + station) représente en moyenne 40% de la production contre 30% pour la référence PFI. Ils sont essentiellement dus au monilia pour Apridélice et aux forficules et à l’éclatement pour Delicot.
Les fruits ont une qualité gustative moyenne, les taux de sucre et la coloration des fruits sont affectés par la présence du filet et l’ombrage qui en résulte.
Performance économique
La marge « brute » a été calculée en prenant en compte le chiffre d’affaires, les coûts d’approvisionnement, les coûts opérationnels et l’amortissement des coûts d’installation de la parcelle. Le chiffre d’affaires a été calculé en utilisant les coûts RNM (réseau national des marchés de France Agri Mer) de la région, qui reflètent les prix du marché en fonction de la période de vente et du calibre des fruits. Le coût de mise en plateau a été enlevé.
Le système ECO a nécessité de très importants investissements, les coûts d’installation des protections physiques : filet monoparcelle, bâche antipluie et bâche au sol sont très élevés (80 000€/ha pour le système mis en place à Balandran, leur amortissement est calculé pendant 10 ans). A cela s’ajoute les coûts liés à la mise en place du palissage, de l’irrigation et de la plantation. Chaque année c’est ainsi 12 000€/ha de coût d’amortissement qui sont à prendre en compte.
De plus lors des premières années le temps de formation des arbres en palmettes est très important et cela vient augmenter la part des coûts liés à la main d’œuvre.
Malgré les bons rendements, la rentabilité n’a pas encore été atteinte. L’économie sur une partie de produits phytosanitaire ne compense pas la perte de production commercialisable due aux maladies fongiques.
Note de 1 à 5 selon que les niveaux atteints par chaque indicateur sont favorables ou non aux agriculteurs et/ou à l'environnement (1 très défavorable, 5 très favorable).
Le système ECO est performant sur les aspects environnementaux ainsi que sur la productivité. Il est moins performant sur la qualité des fruits et la rentabilité économique. La gestion des maladies fongiques avec un objectif de zéro résidu n’est pas pleinement satisfaisante, et les pertes à la récolte ne sont pas compensées par un prix de vente plus élevé du fait de ce potentiel label dans nos simulations. Une optimisation des temps de travaux et une régularité de la production permettrai d'améliorer le score du critère économique.
Dans ce système les barrières physiques ont été privilégiées :
- La bâche tissée au sol : très efficace contre les adventices, elle permet de s’affranchir totalement des herbicides. Un entretien régulier est tout de même nécessaire pour s’assurer de la longévité du matériel. L’absence de campagnol sur le site expérimental a permis de les conserver pendant l’intégralité de l’expérimentation. La fin de vie des bâches, leur recyclage et l’analyse de leur empreinte carbone n’a pas encore été étudié.
- La bâche anti-pluie : sans recours à des fongicides elle permet de maintenir la pression monilia à moins de 10% de rameaux touchés lorsqu’elle est déployée au bon moment, c’est-à-dire lors de la phase de risques de la floraison. L’acquisition d’une plateforme élévatrice pour déployer et replier les bâches au stade petit fruit est nécessaire.
- Le filet anti-insecte monoparcelle : aucun arbre n’a été atteint par l’ECA depuis le début de l’expérimentation. La structure est très onéreuse et nécessite un entretien régulier pour assurer la longévité du matériel. La plateforme élévatrice est indispensable pour les réparations du toit. Ce dispositif est peu adapté pour une parcelle soumise a des vents violents.
La pérennité d’un tel système axé sur la protection physique du verger (filet monoparcelle, bâche antipluie et bâche au sol) et sur la forte densité d’arbre à l’hectare ne serait possible que par des rendements élevés et stables d’une variété productive et peu sensible aux maladies. La conduite en palmette se développe très lentement chez les producteurs d’abricots. Les différents leviers utilisés dans ce système ne peuvent être mis en place que lors de la plantation et nécessitent des investissements très importants.
Ce système a requis l’acquisition une plateforme fruitière pour atteindre plus de hauteur, elle est indispensable pour la gestion des bâches anti-pluies (ouverture et fermeture) et du filet (réparation). Les autres opérations culturales peuvent être réalisées avec des escabeaux de récolte suffisamment hauts.
Cet essai est le premier à tester l'utilisation d’un filets anti-insecte monoparcelle en vergers d'abricotiers associé à des bâches anti pluie et des bâches au sol. Les résultats de ces 4 années sont intéressants en particulier pour l’aspect environnemental. L’IFT hors biocontrôle a été réduit de 92% dans ce système. Aucun herbicide n’est utilisé, le recours à un insecticide a été nécessaire une seule fois en 6 ans. Aucune mortalité d’arbre n’est à déploré ni aucun dégât du au gel. Le système ECO utilise des protections onéreuses qui sont très efficaces contre les bioagresseurs initialement ciblés.
Néanmoins l’investissement majeur des protections physiques n’a pas permis d’atteindre une rentabilité du système. Celui-ci souffre d’un choix variétal présentant une trop forte sensibilité au monilia, qui combinée avec un objectif zéro résidu met en difficulté la performance économique du système.
Les performances du système pourraient être améliorées sur plusieurs axes, en ayant par exemple des objectifs moins restrictifs, une variété moins sensible aux maladies, une densité de plantation plus forte ou encore un prix de vente plus élevé permettant de valoriser les performances environnementales.