Projet ST0P
Même si les systèmes horticoles des différents DOM sont souvent très diversifiés, les interactions culturales et la complémentarité avec la biodiversité fonctionnelle sont souvent peu exploitées. Ces systèmes de production sont alors plus vulnérables aux attaques des bio-agresseurs, et favorisent ainsi le recours aux pesticides de synthèse. Mis en œuvre en milieu tropical, à l’île de la Réunion, le projet ST0P se propose d’évaluer trois systèmes de culture multi-espèces qui ont été co-conçus avec un collectif de producteurs, expérimentateurs, conseillers agricoles et chercheurs. Ces systèmes en rupture, basés sur les principes de l’agroécologie, sont composés de strates arboricoles fruitières, maraîchères et aromatiques. La protection des cultures recherchée ici fait appel à la mobilisation de nombreux leviers agroécologiques. En outre, elle privilégie les produits de biocontrôle et autorise les produits phytosanitaires homologués en agriculture biologique mais exclut totalement l’utilisation de produits phytopharmaceutiques de synthèse. La performance des systèmes est évaluée sur les aspects économique, environnemental et social. Le partage et la diffusion des expériences auprès des producteurs sont des aspects structurants du projet.
Enjeux et objectifs
Le projet ST0P se propose d’expérimenter trois systèmes de culture diversifiés en milieu tropical en mobilisant des leviers multiples et innovants pour maintenir la santé des plantes. Le recours aux produits phytosanitaires chimiques de synthèse est exclu. Sur chacun des sites expérimentaux (CIRAD, EPL Forma’Terra et ARMEFLHOR), les systèmes associent des cultures fruitières, pérennes et semi-pérennes, des cultures maraîchères et des plantes aromatiques. Ces associations culturales ont vocation à activer les services rendus par les écosystèmes en favorisant la biodiversité fonctionnelle et en limitant les risques de pertes de production à l'échelle du système. En effet, les trois systèmes de culture co-conçus avec des collectifs d'agriculteurs, techniciens, chercheurs sont conduits sans recours aux pesticides de synthèse et sont évalués de manière à répondre à la triple performance économique, sociale et environnementale.
Les choix se sont tournés vers des productions horticoles à forte valeur ajoutée et encore peu cultivées, ou oubliées, sur le territoire permettant alors l’acquisition de nouvelles données techniques, économiques et scientifiques.
De plus, ces parcelles expérimentales permettront d'illustrer les principes de l'agroécologie mais également de partager avec les agriculteurs les retours d'expériences obtenus sur les leviers mobilisés et échanger sur leurs savoir-faire.
Stratégies testées
Les stratégies utilisées sur l’ensemble des phases des itinéraires techniques sont multiples pour pouvoir atteindre le niveau de rupture souhaité : zéro pesticide de synthèse. Certaines ont déjà été testées et sont connues, d’autres, plus innovantes, nécessiteront une attention particulière :
- La diversification végétale est une composante forte des systèmes de production mis en place, d'une part pour limiter les impacts sur la production, et d’autre part pour favoriser les équilibres écologiques ;
- La prophylaxie permet de prévenir l’arrivée ou la propagation des bioagresseurs (utilisation de variétés résistantes ou tolérantes, ramassage des fruits attaqués, destruction des plants malades, mise en place d’augmentorium, …). Elle constitue donc une mesure à privilégier ;
- L'insertion de dispositifs ou Infrastructures AgroEcologiques (IAE) tels que haies, couverts végétaux, bandes fleuries, plantes de service ou encore plantes aromatiques pour leur effet push-pull est un levier également très présent dans les systèmes testés ;
- Même si les pesticides de synthèse ne sont pas utilisés dans les systèmes, les produits de biocontrôle et/ou utilisables en AB restent un levier mobilisable ;
- Des méthodes de lutte physique innovantes dans nos contextes, tels que les filets, sont également mobilisées dans les dispositifs ;
- L’association agriculture-élevage, avec des parcours de volailles aménagés dans l’espace de production, aura pour objectif de réduire la pression adventice ou de détruire les larves d’insectes dans le sol ;
- La lutte biologique inondative par des lâchers d’auxiliaires permettra d’optimiser la régulation naturelle des bioagresseurs prédominants.
La création d’un espace et de moments d’échanges et de partage avec les agriculteurs tel qu’un groupe Facebook et des ateliers sur les observatoires vont permettre de favoriser et d’optimiser l’intégration et l’appropriation locale de ces systèmes de production.
Résultats attendus
Par la mobilisation des différents leviers énoncés, le premier résultat attendu reste la viabilité d’un système horticole diversifié en l’absence de protection phytosanitaire de synthèse tant sur le plan économique, agronomique que social. En effet, les suivis réalisés sur les observatoires pilotés permettront une meilleure appréhension des leviers utilisés pour la maîtrise des bioagresseurs (efficacité des filets dans la lutte contre les mouches des fruits et des légumes, bénéfices de l’utilisation de plants greffés d’aubergine dans la lutte contre Ralstonia solanacearum, efficience d’un paillage « copeaux de bois » sur la gestion des adventices en inter-rang de planches maraîchères, …).
Par ailleurs, la majorité des espèces implantées dans les systèmes de production sont des espèces végétales rares ou peu cultivées comme par exemple l’acérola, le poivre, la grenade, ou encore les noix de macadamia... Les haies des sites expérimentaux sont également diversifiées dans un objectif de valorisation de la flore endémique, ou indigène, en parcelles agricoles. Ces travaux permettront donc l’acquisition de références sur le plan de la multiplication, de la conduite et de la production pour des espèces végétales en émergence.
L’insertion des IAE a pour objectif d’augmenter la biodiversité dans les systèmes. Ainsi les suivis réalisés aideront à renforcer nos connaissances sur les services rendus de cette biodiversité (impact des populations d’auxiliaires sur la régulation des pucerons, dynamiques de populations des acariens prédateurs, …). Enfin, le recours à l’ensemble des leviers mobilisés permettra d’augmenter la biodiversité et la fertilité des sols sur les observatoires pilotés.