Système Conventionnel bas intrants - CATE - BREIZHECOLEG
Conception du système
Le projet BREIZHECOLEG fait suite au projet BREIZLEG, lauréat du premier appel à projet sur la période 2012-2017. Le projet BREIZLEG comportait 4 cultures légumières représentatives des systèmes de production bretons, testées sur 2 répétitions et 4 niveaux de rupture (conventionnel raisonné, conventionnel -50 % d’intrants, AB raisonnée et AB sans intrants). Dans ce projet, la réduction des intrants a été possible à 55 % dans le système « conventionnel -50 % » par rapport à la référence « conventionnelle raisonnée ».
À l’échelle du système, la réduction de 55 % des intrants en conventionnel s’est faite sans perte de rendement et sans augmentation des temps de travaux.
Au sein de ce nouveau projet BREIZHECOLEG, le système conventionnel bas intrants, avec au minimum -50% d’utilisation des produits phytosanitaires, en adéquation avec les objectifs du plan Ecophyto 2025, a été reconduit. Par rapport au programme précédent, la salade 4ème gamme, culture à forte exigence qualitative, est intégrée suite à une demande des professionnels à l’origine d’un réseau DEPHY FERME légumes (29).
Mots clés :
Légumes - Bas intrants - Expérimentation système - Agriculture conventionnelle et biologique - Station du Caté
Caractéristiques du système
Système de Culture BREIZHECOLEG Conventionnel bas intrant (-50% IFT) :
Répétition A
Répétition B
(CF = Chou Fleur ; CIPAN = Culture Intermédiaire Piège à Nitrates)
Situation de production : Cultures légumières de plein champ Espèces : Brassica (chou-fleur, brocoli), artichaut, échalote, salade Gestion de l'irrigation : Irrigation localisée, méthode des bilans hydriques Fertilisation : Maîtrise de la fertilisation par l'utilisation des grilles GREN Interculture : CIPAN (2018 et 2019) entre Salade d'été et Echalote = Avoine d'hiver + Féverole CIPAN (2021 et 2022) entre Brocoli d'automne et Echalote = Ray grass italien Gestion du sol/des adventices : Faux semis, couverts végétaux, paillage biodégradable, binage, rotation Circuit commercial : Système organisé avec expéditeurs (système breton) Infrastructures agro-écologiques : La construction ou l’aménagement d’infrastructures agroécologiques n’est pas un levier mobilisé dans le projet BREIZHECOLEG. Notons qu'à proximité de la parcelle expérimentale, il y a des cyprès. |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Le projet BreizhEcoleg s'est intéressé à concevoir et à évaluer les performances agronomiques, économiques et sociales de systèmes de production maraîchers (chou-fleur, brocoli, artichaut, échalote et salade) économes en intrants phytosanitaires. Différents modes de valorisation (AB et conventionnel) et de niveaux de rupture avec les systèmes existants en termes de protection phytosanitaire ont été considérés. Les essais menés au Caté sur la conduite Bas Intrants visaient à capitaliser et à confirmer les résultats acquis dans le projet BREIZLEG.
En comparaison à la conduite de référence, nous avons enregistré sur les 6 années d’expérimentation une diminution de l’IFT de -46% pour la conduite Bas Intrants. Les objectifs d’IFT ont été atteints sans augmenter les émissions de GES et le temps de travail de manière substantielle. En revanche, le système de référence présente les meilleurs résultats économiques, grâce à de meilleurs rendements. Ce système n’est pourtant pas durable car des pesticides bientôt interdits y sont utilisés. La réduction des traitements est réalisable sur chou et artichaut mais engendre des pertes de rendements conséquentes sur salade et échalote.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.
Les éléments en jaunes correspondent aux principaux leviers mis en oeuvre pour ce système de culture (SdC).
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Lutte physique | Sarclages (cultures et allées) |
Dans le système décisionnel en conventionnel bas intrants, les techniques de sarclages, binages ont été effectuées pour limiter les interventions chimiques. Cette technique est parfaitement maîtrisée pour les cultures de brocoli, chou-fleur et artichaut. En salade et en échalote, la gestion de l'enherbement semble plus compliquée pour la gestion du salissement en cours de culture. |
Dans le cadre du projet Breizhecoleg, la gestion de l’enherbement est satisfaisante dans 78 % des cas en Conventionnel de Référence. Ce pourcentage passe à 61 % en Conventionnel Bas Intrants. Pour les trois systèmes conventionnels, la gestion de l’enherbement semble compliquée sur les cultures de salade et d’échalote. La gestion des adventices est parfaitement maitrisée pour les cultures de brocoli, chou-fleur et artichaut.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation, et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Les éléments en jaunes correspondent aux principaux leviers mis en oeuvre pour ce système de culture (SdC).
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Lutte physique | Filet anti-insectes pour bâcher la culture. | Pour ce système, la lutte physique via des filets anti-insectes avait pour objectif de maîtriser les ravageurs sur laitue, notamment les pucerons et limaces. En laitue, la gestion des pucerons est très complexe car l'exigence à l'agréage est très élevée. Ce levier permet de limiter la présence de pucerons mais ne permet pas un contrôle total du ravageur. |
Lutte biocontrôle | Utilisation de produits NODU vert. | Ce levier a été utilisé pour la maîtrise de la chenille en brocoli. La pression chenille a été très importante et ce levier n'a pas suffit pour la maîtrise du ravageur. |
La gestion des ravageurs est maîtrisée dans 67 % des cas en Conventionnel de Référence et en Conventionnel Bas Intrants. Les pucerons et les limaces sur salade ainsi que les chenilles sur brocoli sont les plus difficiles à maîtriser. La salade est la culture où la satisfaction de gestion des ravageurs est la plus compliquée car l’exigence à l’agréage est très élevée. Les salades produites étant des Iceberg pour la 4ème gamme.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Les éléments en jaunes correspondent aux principaux leviers mis en oeuvre pour ce système de culture (SdC).
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Lutte biocontrôle |
Utilisation de produits NODU vert. | Dans la gestion des maladies en laitue, la règle de décision proposée pour ce système était de réaliser un traitement anti-sclérotinia avant la plantation des laitues si le précédent était un chou-fleur. |
Efficience de la lutte chimique | Pilotage par Outils d'aide à la décision (OAD). | Pour la gestion des maladies en artichaut et en échalote, le captage de spores pour prédire la présence de spores dans l'environnement a été utilisé afin de confirmer la présence du bioagresseur dans l'environnement. Cet OAD a permis de limiter les traitements phytosanitaires par rapport à la référence selon les années et selon les cultures. |
Lutte physique | Epuration | L'épuration en échalote a été réalisée pour ce système de culture afin de limiter la présence de plantes virosées. |
La gestion des maladies est satisfaisante à 72 % en Conventionnel de Référence et 83 % en Conventionnel Bas Intrants. L’Alternaria sur brocoli et le mildiou sur échalote sont les gestions non satisfaisantes en Conventionnel de Référence et Bas Intrants.
Satisfaction Bioagresseurs | Rotation | Echalote | Brocoli | Chou-fleur | Artichaut 1ère année | Artichaut 2ème année | Salade de printemps | Salade d'été | Salade d'automne | |
SdC conv de référence | A | Mildiou | Alternaria | Pucerons + Limaces | Tip burn | Enherbement + pucerons | ||||
B | Mildiou | Mildiou | Chenille | Enherbement | Pucerons + limaces | Pucerons | ||||
SdC conv bas intrant | A | Mildiou | Enherbement | Alternaria | Pucerons + Limaces | Tip burn | Enherbement | |||
B | Mildiou | Chenille | Enherbement | Pucerons + limaces | Enherbement + pucerons |
L’échalote est la culture la plus dépendante aux intrants phytosanitaires parmi les cultures présentes dans les systèmes. L’application d’un fongicide est nécessaire, en moyenne une fois par semaine sur une période de deux mois, pour contenir les dégâts de mildiou (Peronospora destructor). En conventionnel, la pression mildiou a été modérée sur deux années (2020, 2023). Des traces de mildiou étaient présentes sur la variété sensible sans que cela ne semble impacter les rendements sur le SdC de référence. En SdC Conv Bas Intrants, du fait de la réduction du nombre d’applications de fongicides, le rendement rencontre une baisse de 10 % mais reste satisfaisant. L’année 2022 fut une année particulière avec une très forte pression du mildiou causant de nombreux dégâts sur les rendements dans la région. En Conv Référence et Conv Bas Intrants, les rendements ont respectivement été divisés de plus de moitié, malgré l’utilisation de fongicides.
En brocoli, la variété de référence Ironman a été utilisée en SdC de Référence et Bas Intrants, celle-ci étant sensible à l’Alternaria. En rotation A, l’Alternaria a touché environ 5 % des plants en SdC Référence et Bas Intrants. En rotation B, une forte et précoce pression de chenilles a impacté les rendements. Par conséquent, les rendements sont moyennement satisfaisants pour les deux systèmes.
Pour le chou-fleur, le principal ravageur est Delia radicum (la mouche du chou). Dans ces SdC, la gestion des bioagresseurs est satisfaisante pour chaque répétition de tous les systèmes. Une remise en question sur l’intérêt des traitements insecticides effectués dans les SdC de référence est possible.
L’artichaut est une culture pouvant être annuelle ou pluriannuelle (2 à 3 ans en général). C’est une culture qui peut être rapidement indépendante aux intrants phytosanitaires car elle ne présente pas de bioagresseurs impactant les rendements quantitativement. Les pucerons constituent la principale menace pour la qualité du produit. Pour les SdC conventionnel Référence et Bas Intrants, le pilote a toujours été satisfait concernant la gestion de l’ensemble des bioagresseurs en 1ère année (artichaut drageon) et en 2ème année.
La salade cultivée dans les SdC est une laitue Iceberg de 4ème gamme destinée au marché du frais. Les attentes du pilote sont exigeantes vis-à-vis de la gestion des bioagresseurs car cette exigence est demandée lors de l’agréage. De plus, la salade connait de nombreux bioagresseurs, principalement des ravageurs comme les pucerons et limaces mais aussi des maladies (Mildiou, Botrytis) et un enherbement également difficile à maîtriser. Dans les SdC conventionnels, la satisfaction bioagresseurs est similaire entre les systèmes, bien que les pratiques soient très différentes (Insecticides en SdC Conv Référence vs Bâchage en SdC Conv Bas Intrants). Cependant, cette satisfaction est dans la moitié des cas non satisfaisante.
Performance agronomique
Quantité alimentaire produite (T/ha/an)
par système de culture et par rotation
Des légères différences de satisfaction de gestion des bioagresseurs entre les SdC conventionnels existent mais aucun SdC ne semble avoir une meilleure satisfaction globale que les autres. Par conséquent, il n’y a pas non plus de différence apparente de satisfaction de rendement. À noter que, sur artichaut notamment, l’objectif de rendement n’est pas atteint à cause des conditions climatiques. À l’inverse, l’objectif de rendement est parfois atteint sur salade et échalote alors que la gestion des bioagresseurs n’est pas satisfaisante.
Cependant, à l’échelle du système, le SdC Conventionnel de Référence permet de produire en moyenne 35,5 T/ha/an d’aliments frais. La quantité produite diminue d'en moyenne de 13 % en Conventionnel Bas Intrants. En moyenne, le rendement salade diminue de 21 % en Conventionnel Bas Intrants par rapport au Conventionnel de Référence (pucerons et limaces non maitrisés). En échalote, la diminution est de 10 % en Conventionnel Bas Intrants (mildiou non maitrisé). Il n’y a pas de baisse de rendement sur les cultures de chou-fleur, brocoli et artichaut.
Performance environnementale
Répartition de l'IFT
des systèmes de culture conventionnel par rotation
L’objectif de l’expérimentation système, côté conventionnel, était de réduire de 50 % l’IFT du SdC de référence.
À l’échelle du système, l’IFT conventionnel annuel de référence est égal à 8,39. La variabilité est importante car un grand nombre de RdD sont activables en fonction de la pression biotique de l’année.
L’IFT est également très variable d’une culture à l’autre. L’artichaut et les choux sont des cultures économes en intrants phytosanitaires, ce qui est moins le cas de la salade et de l’échalote. Le poste majeur concerne les fongicides avec un IFT moyen de 3,75 (moyenne de rotation A et B) puis les insecticides avec en moyenne 1,83 et les herbicides avec en moyenne 1,73. Le traitement des plants et les produits anti-germinatifs complètent l’IFT.
Dans le SdC Conventionnel Bas Intrant, l’IFT est égal à en moyenne 4,51, soit une baisse moyenne de 46 % par rapport à la référence. L’objectif de réduction de moitié de l’IFT est donc quasiment atteint.
Une légère variabilité existe entre les deux rotations, due à l’activation ou non de certaines RdD, comme pour la référence.
L’IFT herbicide a été diminué de 75 % et indique que c’est le poste le plus facile à réduire.
La diminution de 55 % de l’IFT insecticide et de 35 % de l’IFT fongicide montre que ces postes peuvent aussi être réduits.
L’IFT semences et plants de 0,83 reste, quant à lui, égal pour les trois SdC Conv.
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Evaluation multicritères Système de culture conventionnel de Référence et conventionnel Bas Intrant
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La réduction de l’IFT modifie les temps dédiés à la protection des cultures. En Conventionnel de Référence, la protection des cultures ne représente que 13 % du temps de travail annuel total à l’échelle du système, qui est de 292 h/ha/an. Cette proportion est de 17 % en Conventionnel Bas Intrants. Les temps de protection des cultures, rapportés au temps de travail total, sont ‘écrasés’ par les temps de plantation et de récolte.
Les Marges Brutes des systèmes suivent les mêmes tendances que le rendement du fait de la grande corrélation entre les deux indicateurs. À l’échelle système, le poids des différentes cultures varie fortement, du fait du nombre de répétitions au sein de la rotation et de leur Marge Brute. La salade et l’échalote ont un poids considérable dans ces systèmes. En conventionnel, la Marge Brute annuelle baisse de 13 % en Conventionnel Bas Intrants. Ces différences non négligeables sont liées à la baisse des Marges Brutes de la salade et de l’échalote. La Marge Brute ne diminue pas en Conventionnel Bas Intrants sur les cultures d’artichaut, de chou-fleur et brocoli.
Les émissions de GES dues au carburant sont égales à 1 404 kgeqCO2/ha/an en Conventionnel de Référence. La protection des cultures représente 22 % des émissions totales. Les résultats sont similaires en Conventionnel Bas Intrants. La réduction de l’utilisation de Produits Phytosanitaires n’entraîne pas d’augmentation des émissions de GES dans les SdC légumiers bretons.
L’objectif des systèmes conventionnels bas intrants est de viser la triple performance : économique, sociale et environnementale afin que les systèmes soient durables.
D’un point de vue environnemental, les objectifs de réduction de l’IFT sont quasiment atteints en Bas Intrants. Une plus grande durabilité des systèmes est également observée puisque l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (PPP) non pérennes diminue en Bas Intrants. Le SdC Conventionnel de Référence parait être le SdC le plus rentable. Cependant, ce système n’est pas viable à court terme. Huit PPP non pérennes ont été utilisés au cours de l’expérimentation BreizhEcoLeg.
En SdC Conventionnel de Référence, quatre autres produits non pérennes ont été utilisés. Un fongicide est actif sur oomycètes et limitera la lutte anti-mildiou sur échalote. Les deux herbicides n’ont pas d’équivalents chimiques aussi efficaces. S’ils venaient à être supprimés, le désherbage mécanique peut être la solution à ce jour si les conditions climatiques le permettent. Un insecticide polyvalent est aussi très utilisé dans les systèmes légumiers. Il est appliqué dans la référence contre les pucerons sur brocoli et artichaut 2ème année.
En SdC Conventionnel Bas Intrants, deux PPP non pérennes sont utilisés. Deux fongicides sont utilisés sur échalote. D’autres produits existent sur le marché mais chaque produit peut être utilisé un nombre limité de fois et leur efficacité contre les pathogènes cibles est moins marquée. Sans des homologations de produits efficaces, le retrait annoncé des substances actives menace la pérennité de la culture.
Le SdC Conventionnel de Référence présente les meilleurs résultats économiques mais il ne pourra plus être conduit au vu de la réglementation pour la pérénité des PPP. Par conséquent, les performances agronomiques des systèmes conduits par les producteurs se rapprocheront du SdC Conventionnel Bas Intrants. De plus, les PPP qui vont être interdits s’appliquent sur les cultures de salade et échalote, soit les cultures où la perte de rendement est considérable sans l’utilisation de ces produits. Pour faire face à ces interdictions, plusieurs solutions existent à l’échelle du système de culture mais aussi à une échelle plus globale. Des changements sont nécessaires aux différents échelons de la filière afin de réduire de 50 % l’utilisation de PPP (Butault et al., 2010; Meynard et Girardin, 1991).
Hors système de culture, la baisse d’exigence lors de l’agréage permettrait de conserver des résultats économiques satisfaisants pour les producteurs de salade. Il faudrait ensuite trouver une solution pour éliminer les pucerons et limaces en post-récolte. À moins que les attentes du consommateur ne changent et que ce dernier soit prêt à acheter de la salade contenant des pucerons. Cette hypothèse ne semble pas réaliste en 2024. Sans issues durables, les producteurs pourraient supprimer la salade de leur assolement. Cela n’est pas souhaitable puisque la diversité des produits cultivés permet un allongement des rotations nécessaires pour limiter les intrants. Pour la culture d’échalote, la suppression de PPP anti-mildiou serait moins grave car de nouvelles homologations sont attendues. La solution la plus durable serait la recherche au niveau variétale pour limiter les traitements PPP anti-mildiou (Le Goff-Prat et al., 2022).
En effet, à l’échelle du SdC, le choix de résistance variétale est le levier le plus efficace pour limiter l’utilisation de fongicides. Concernant les herbicides, une alternative est le désherbage mécanique. L’augmentation des temps de travaux et de la consommation de carburant que cela engendre paraît négligeable à l’échelle du SdC. En revanche, il faut faire face aux aléas climatiques et être opérationnels pour biner (ou réussir à déléguer le binage) dans la bonne fenêtre climatique. Cela ajoute une contrainte de temps compliquée à gérer pour le producteur (Boulanger et al., 2023). Une solution serait que le producteur délègue une partie du binage à ses salariés. A ce jour, 37 % des producteurs légumiers bretons ne lègueraient pas le binage à autrui (Boulanger et al., 2023). Sinon, un passage de désherbage manuel, chronophage et pénible doit être effectué. Le temps relatif à la protection des cultures exploserait alors que c’est le principal poste où il est possible de diminuer le temps de travail.
L’augmentation du temps de travail, même pour des pratiques plus vertueuses envers l’environnement, n’est pas envisageable. Le producteur légumier nord breton travaille 59 heures par semaine (en moyenne sur l’année) pour s’octroyer un revenu décent (Astie et Estorgues, 2023). La réduction des PPP ne s’accompagne pas forcément d’un temps de travail à la hausse dans BreizhEcoLeg. Les producteurs n’adoptent pas certains leviers agroécologiques par méconnaissance des pratiques (Boulanger et al., 2023). En effet, ils n’ont pas le temps de s’intéresser et de s’informer sur de nouvelles pratiques et ainsi d’améliorer leur système. Il existe un écart entre l’urgence dans laquelle sont les producteurs lors des prises de décisions et l’approche système qui est une réflexion globale nécessitant beaucoup de temps.
Une réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires de 46 % est observée dans le système bas intrants. Cette réduction s’accompagne d’une baisse de rendement à l’échelle du système de culture. Il n’y a pas de différence apparente en termes d’émissions de GES et de temps de travaux. À l’inverse, le système conventionnel de référence reste le plus rentable à l’heure actuelle.
Cependant, ce système nécessitera d’être modifié car plusieurs produits phytosanitaires utilisés vont probablement être interdits dans les années à venir. Des alternatives agroécologiques viables existent sur certaines cultures (artichaut, choux) pour maintenir des résultats économiques satisfaisants sans augmenter la charge et la pénibilité du travail. Pour les cultures de salade et échalote, il n’existe actuellement pas de levier permettant une rentabilité économique égale à la conduite de référence. Des alternatives durables doivent donc être recherchées. De nouvelles expérimentations sont nécessaires afin de mieux maîtriser la pression biotique de certains bioagresseurs (pucerons et limaces sur salade, mildiou sur échalote). Les solutions pourraient également se trouver à l’échelle de la filière (variétés résistantes, cahiers des charges à l’agréage). Il faudra pour cela faire face aux verrous sociaux techniques. Sans solutions viables, les producteurs pourraient arrêter de cultiver ces cultures.