Système ESC 0 Pest - ESC 0 Pest - REDUCE
Conception du système
Le réseau expérimental Rés0Pest a été lancé en 2012 suite à une étude de faisabilité financée par le GIS Grande Culture à Haute Performance Economique et Environnementale. Ses objectifs sont de concevoir, expérimenter et évaluer les performances de systèmes de culture sans pesticides et d’analyser le fonctionnement de ces agroécosystèmes, notamment les régulations biologiques. Le niveau de rupture est très important par rapport aux pratiques agricoles conventionnelles et Rés0Pest se démarque de l’agriculture biologique par la possibilité d’utiliser des engrais de synthèse, ce qui donne, la possibilité de viser des niveaux de rendements plus élevés. Cette page concerne la deuxième version de cette expérimentation menée lors des campagnes 2019 à 2022 dans le cadre du projet REDUCE. Cette expérimentation fait suite à la première version de 0Pest qui s’est déroulée sur cinq campagnes de 2013 à 2017.
Mots clés :
Zéro pesticides - Régulations biologiques - Diversification - Désherbage mécanique - Choix variétal - Date et densité de semis - Faux-semis
Caractéristiques du système
Rotation : La rotation du système est menée sur quatre ans, avec deux céréales d'hiver et deux cultures de printemps, dont une à cycle décalé (pois chiche). Par rapport à la rotation de la précédente version de 0Pest, le sorgho et le tournesol ont été retirés. Le sorgho pour des raisons de fertilité insuffisante et le tournesol car les dégâts d'oiseaux étaient trop importants. Le pois chiche a été ajouté pour compléter la rotation. Interculture : Des couverts sont implantés après les blés (mélanges d’espèces ou espèces pures - vesces, moutardes, féverole, phacélie). Le choix est réalisé selon la disponibilité des graines et leur coût. Gestion de l'irrigation : Pas d’irrigation. Fertilisation : Fertilisation minérale. Epandage ponctuel de compost à base de déchets verts. Travail du sol : Labour occasionnel pour les cultures de printemps, herse rotative, déchaumeur à disques, binage en inter-rang (soja, pois chiche) et herse étrille sur blés. Infrastructures agro-écologiques : Maintien d’une bande enherbée sur l’entourage de l’essai dans l’objectif de favoriser la biodiversité. |
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Leviers | Principes d’action | Enseignements |
Désherbage mécanique | Désherber mécaniquement en culture à l’automne et au printemps suivant la météo (houe rotative, herse étrille et bineuse) afin de détruire les adventices en culture sans détruire la culture. | Efficacité des passages de herse étrille à l’aveugle couplés à un ou deux passages de bineuse, notamment sur les graminées estivales. Bonne efficacité de la herse étrille sur le gaillet gratteron dans les céréales. |
Semis dense et tardif | Esquiver des adventices à levée automnale et compétitivité vis-à-vis des adventices. | Le semis tardif permet de détruire les adventices avant l’implantation des cultures. Une densité forte permet de concurrencer les adventices sur le rang. |
Labour | Alterner labour/non-labour : 3 labours sur 5 ans. | Levier très efficace sur les adventices à faible durée de vie dans le sol et largement utilisé par les agriculteurs. |
Diversification des cultures | Diversifier des périodes de semis. Alternance entre cultures d’hiver et d’été dicotylédones et graminées afin de contrôler les flores adventices de printemps et d’hiver. | Méthode de base pour éviter l’apparition d’une flore dominante sur la parcelle. |
Faux semis en interculture | Faire lever les adventices en interculture et les détruire avant le semis. | À effectuer le plus proche des périodes de semis afin de maximiser l’efficacité sur la culture suivante. |
Ecimage | Etêter les adventices au dessus du niveau de la culture afin d’éviter la grenaison. | À effectuer avant que les graines ne soient matures. Il n’évite cependant pas la concurrence entre les adventices et la culture. |
Les mêmes leviers ont été mobilisés sur la séquence 2019-2022. La fréquence de labour a été plus faible (1 labour sur 4 ans). Les couverts implantés durant les intercultures avant le pois chiche et le soja ont globalement été décevants concernant la production de biomasse et vis-à-vis de leur rôle pour concurrencer les adventices.
Leviers | Principes d’action | Enseignements |
Semis tardif | Semis retardé de 1 à 2 semaines : date limite avant arrivée des conditions défavorables - Blés d’hiver : éviter les périodes de présence des pucerons d’automne en retardant la date de semis des blés. - Cultures de printemps : semer sur sols chauds pour favoriser les levées rapides afin de limiter les dégâts d'oiseaux et l’impact des bioagresseurs du sol. |
- Bon levier en année « normale » mais non satisfaisant durant les années plus chaudes. - Efficacité des leviers couplés au travail du sol et au décalage de la date de semis (levée rapide des cultures sur des faibles pressions taupins). |
Ce levier a été mobilisé sur les blés lors de la séquence 2019-2022. Les ravageurs n'ont pas impacté la réussite des blés.
Leviers | Principes d’action | Enseignements |
Variétés résistantes/ tolérantes | Eviter les risques d’attaque par les maladies. Pour les céréales, des variétés différentes sont utilisées chaque années, en fonction d'indices pertinents (résistance rouille, fusariose et septoriose). Il s'agit donc d'un choix arbitraire. |
Souvent les mêmes variétés utilisées en sorgho et soja (faible choix pour l'approvisionnement). En blé dur, il est difficile de trouver des variétés peu sensibles à la rouille brune. Il y a donc nécessité de réfléchir à l’insertion de solutions de biocontrôle. |
Mélange variétal | Réduire la propagation des maladies en cas d’attaque sur le blé dur et tenter de travailler sur la qualité (variétés utilisées en mélange, en proportions égales : Boris, Nobilis, Relief, Voilur). | L’utilisation d’un mélange variétal est relativement efficace pour le blé dur. |
Retarder la date de semis | Date de semis tardive (retardée de 1 à 2 semaines : date limite avant l’arrivée conditions défavorables) pour diminuer l’exposition de la culture aux cycles des pathogènes. | Arrivée plus tardive des maladies foliaires sur blé tendre, qui permet sur une année « normale » de sécuriser le contrôle. |
Allongement de la rotation | Augmenter le temps de retour d’une même culture sur une parcelle pour limiter la pression maladie. | Pas de maladie type piétin sur céréales. Diminution des problématiques phomopsis sur Tournesol. |
Les mêmes leviers ont été mobilisés sur la séquence 2019-2022. Sur cette séquence, les maladies n'ont pas impacté la réussite des cultures. Le levier du mélange variétal a été mobilisé seulement sur les blés lors des deux premières campagnes (2019 et 2020). Le blé tendre a bénéficié en plus de traitements de semence à base de cuivre en 2019 et 2020 et de vinaigre en 2021 et 2022.
Performances agronomiques :
Culture |
Objectif de rendement (q/ha) |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Blé dur |
45 |
34,7 (54) |
42,3 (42) |
31,6 (45) |
14,5 (42) |
Soja (en sec) |
25 |
27,5 (20) |
22,6 (17) |
17,7 (23) |
18 (10) |
Blé tendre |
57 |
47 (61) |
41 (43) |
49,5 (48) |
28,4 (44) |
Pois chiche |
20 |
20,4 (19) |
17 (23) |
17,7 |
11,1 |
Tableau 1 : des cultures du système innovant et niveau de satisfaction (référence Occitanie en conventionnel)
() référence Occitanie en conventionnel.
Le code couleur indique le niveau de satisfaction, défini en fonction de l'atteinte de l'objectif initial et de la référence régionale :
vert = satisfaisant ; orange = moyennement satisfaisant ; rouge = non satisfaisant
Blé tendre et Blé dur
Bien que les objectifs n’aient jamais été atteints, les rendements du blé tendre et du blé dur sont corrects en moyenne sur les quatre ans. Les mauvais rendements obtenus par ces deux cultures en 2022 sont dus, d’une part, aux conditions particulièrement sèches et chaudes sans la possibilité d’irriguer et d’autre part à la forte pression des adventices non maîtrisée (chardon pour le blé tendre et ray-grass pour le blé dur).
Pois chiche et Soja
En termes de rendement, le bilan est contrasté pour le pois chiche et le soja avec deux campagnes (2019 et 2021) correctes et deux moins bonnes (2020 et 2022). Ces deux cultures sont impactées en 2020 par de mauvaises conditions de semis (trop humides) et la longue période de sécheresse estivale conjuguée à l’impossibilité d’irriguer. En 2022, les conditions climatiques particulièrement sèches et chaudes sans la possibilité d’irriguer expliquent les mauvais résultats, notamment pour la culture du soja pour laquelle l’attaque de pyrales du haricot a été préjudiciable.
Plus de détails pour cette expérimentation sont disponibles dans la synthèse technique (document PDF téléchargeable ; cf haut de la page).
Le résultat des calculs des indicateurs de performances du système 0Pest est représenté ci-dessous. Ne disposant pas de référence spécifique pour ce système 0Pest, les résultats sont mis en comparaison avec ceux obtenus par le système de référence REF_SYS_AUZ également mis en place dans le cadre du projet REDUCE, sur un dispositif voisin sur le site d’Auzeville de l’Unité Expérimentale de l’INRAE.
Le graphique permet d’apprécier visuellement pour chaque indicateur si le système 0Pest (représenté par le polygone noir) est meilleur que le système de référence. Plus le sommet du polygone est éloigné du centre du graphe meilleur est le système 0Pest par rapport au système de référence pour l’indicateur en question.
Performances environnementales
IFT total
Etant donné qu’aucun pesticide n’a été utilisé lors de la conduite du système AB, l’IFT et le risque de toxicité sont égal à zéro.
Fertilité des sols
Le bilan azoté du système 0Pest est meilleur que celui du système de référence mais reste déficitaire (190 kg d’N/ha pour le REF et -38 kg d’N/ha pour 0Pest). Le bilan du système de référence est très excédentaire à cause des quantités importantes de compost épandues sur ces parcelles. La situation déficitaire en azote du système 0Pest s’explique par la présence de deux légumineuses en cultures principales et par les objectifs de rendement et d’apports azotés limités.
La rotation du système de référence n’intégrant pas de légumineuses, la proportion de légumineuses dans la rotation est forcément meilleure pour le système 0Pest avec la présence du soja, du pois chiche et de légumineuses dans certains couverts de sa rotation.
Pour ce qui est de l’érodabilité du sol, le système 0Pest obtient un résultat légèrement inférieur au système de référence (respectivement 0,08 et 0,1). La fréquence un peu plus importante de couverture du sol sur la période hiver/printemps grâce aux couverts et grâce à une fréquence d’utilisation du labour moins importante et donc un enfouissement des résidus de culture moins fréquent peuvent, en partie, expliquer cette légère différence.
Les choix de conduite différents entre ces deux systèmes vis-à-vis de l’épandage de compost impactent le système 0Pest pour le bilan carbone. Cet indicateur permet d’apprécier le stockage de carbone dans le sol. Même si le résultat est satisfaisant avec une hausse de la teneur en carbone du sol des parcelles du système 0Pest (+18,9 t/ha en moyenne), cette dernière est moins importante que celle mesurée sur les parcelles du système de référence (+34,7 t/ha). Cette différence peut s’expliquer par les quantités plus importantes de compost apportées sur les parcelles du système de référence.
La marge semi-nette obtenue par le système 0Pest est moins élevée que celle obtenue par le système de référence (respectivement 400 €/ha et 620 €/ha). À noter que la quantité de compost épandue a été plus importante sur les parcelles du système de référence à l’origine d’un coût moyen plus important au cours des quatre campagnes (64 €/ha/an pour le REF contre 23 €/ha/an pour 0Pest), impactant alors la MSN. Le système 0Pest a bénéficié d’une rentabilité correcte du blé tendre (MSN = 566 €/ha/an en moyenne) et du blé dur (MSN = 494 €/ha/an en moyenne). La rentabilité des légumineuses (soja et pois chiche) est plus faible (276 €/ha/an pour le soja et 264 €/ha/an pour le pois chiche). On perçoit donc la limite en terme de rentabilité pour ces cultures avec une valorisation en conventionnel.
L’efficience économique des intrants est légèrement plus importante pour le système 0Pest que pour le système de référence. Malgré un produit brut moyen moins élevé que celui généré par le système de référence, le système 0Pest bénéficie de charges en intrants moins importantes, notamment vis-à-vis de la fertilisation minérale et des phytosanitaires qui lui permet d’obtenir un meilleur résultat.
Etant donné le niveau de rupture élevé du système de culture 0Pest, ces derniers n’ont pas vocation à être transférés directement dans des exploitations agricoles.
Les spécificités du site d’Auzeville sont d’avoir intégré le blé dur en conduite zéro-pesticide et d’avoir maximisé les moyens de lutte mécanique sur l’ensemble des cultures du système. Ces références sont aujourd’hui en partie intégrées sur les exploitations agricoles du Lauragais (réseau DEPHY FERME par exemple), ayant des contraintes pédoclimatiques proches.
Le mot de l'expérimentateur
Texte à compléter
Les blés ont montré leur capacité à être plutôt bien adaptés à ce système 0Pest. Ils ont en effet permis de réaliser des marges correctes. En revanche, l’inconstance de production des cultures de pois chiche et de soja, très sensibles aux conditions externes (climatiques, implantation), ainsi que les marges plus faibles dégagées peuvent être problématiques dans un tel système.
Malgré le véritable atout des cultures de pois chiche et de soja pour la fixation d’azote à l’échelle de la rotation, elles sont pénalisées par la l’absence de prise en compte des conditions de production (absence de phyto) dans la valorisation économique en comparaison à ce qui se fait en agriculture biologique par exemple.
Pour chaque culture de la rotation, la capacité d’intervention pour réaliser du désherbage mécanique superficiel a été bonne. Malgré cela, la pression en adventices, et en particulier du chardon, semble s’être accentuée d’année en année, ce qui a impacté les rendements. Globalement, le niveau de salissement des parcelles semble difficilement récupérable après les quatre années de la rotation. Cela peut s’expliquer d’une part par l’alternance « culture d’été – culture d’hiver » de la rotation et d’autre part par la gestion de destruction des couverts qui n’a pas été optimale.
L’absence d’utilisation de produits de synthèse pour lutter contre les maladies n’a pas posé problème avec le choix de cultures et de variétés peu sensibles.
La conduite sans pesticide, avec la mise en œuvre d’une fertilisation azotée raisonnée ainsi que sa rotation complexe permettent au système 0Pest d’atteindre des performances environnementales élevées par rapport à la référence blé dur - tournesol. L’évolution du carbone dans le sol est significativement positive, en lien avec l’apport de compost et probablement la présence de couverts.
A partir des enseignements que l’on tire de cette séquence, on peut proposer une nouvelle rotation en 0 pesticide :