
Système avec remuage de paille à l'aérofaneur (M1) - Aérofaneur - CanécoH V2

Conception du système
La maîtrise de l'enherbement en canne à sucre est habituellement gérée par la voie chimique et par le paillis en repousse. Un des leviers d'action pour réduire l'utilisation des herbicides est l'action mécanique sur le paillis en place. Cette idée résulte d'une observation réalisée lors d'un essai (projet Magecar) de suivi de la dégradation de la paille : dans une zone où la paille était soulevée tous les mois, aucune adventice ne s'était développée, tandis que dans la zone mitoyenne, des levées d'adventices ont été observées. L’aérofaneur est un outil permettant de remuer (soulever et de retourner) la paille, tout en s’assurant qu’elle retombe au même emplacement ou qu’elle soit concentrée sur le rang. Les adventices qui se seraient développées dans le paillis sont alors arrachées ou recouvertes lorsque le paillis retombe.
Mots clés :
Gestion du paillis - Aérofaneur - Désherbage - Canne à sucre - IFT
Caractéristiques du système
La durée d’un cycle de canne est d’environ 12 mois, sauf pour une plantation qui peut durer jusqu’à 18 mois, selon la date de mise en place. Idéalement, l’intervalle entre deux plantations est compris entre 5 et 7 ans. La replantation permet, entre autres, de renouveler la souche de canne, de maintenir les rendements et de réduire le stock semencier grâce à la technique des faux semis.
Gestion de l'irrigation : Par aspersion Fertilisation : Fertilisation minérale fractionnée selon l'analyse de sol. Le premier apport répondant à 50 % des besoins de la culture est réalisé à 1 mois après la coupe ou lors de la plantation. Le second apport est réalisé à 3 mois pour une repousse ou entre 3 et 4 mois pour une plantation. Gestion du sol/des adventices : La gestion du rang se fait chimiquement ou manuellement selon les adventices présentes. L'interrang sera géré mécaniquement avec l'aérofaneur Débouché commercial : Sucre, rhum, énergie |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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* En canne à sucre, la totalité des traitements chimiques appliqués sur la culture sont des herbicides, l'IFT total correspond alors à l'IFTH (Indice de Fréquence de Traitement Herbicides).
L'ensemble des performances est comparé à un système de référence ou témoin de référence (Tref), qui, sur ce site, correspond à la pratique habituelle de l'agriculteur, à savoir un traitement chimique en plein combiné à du désherbage manuel.
Le mot de l'expérimentateur
Le travail mécanisé de l’interrang, associé à un traitement chimique sur le rang, constitue une solution prometteuse pour la gestion des adventices. Cependant, le désherbage mécanique avec travail du sol est souvent limité aux parcelles de canne en année de plantation, lorsque le sol est nu. L’aérofaneur offre néanmoins de nouvelles perspectives pour le désherbage de l’interrang en repousses de canne, notamment dans les parcelles où la paille de canne tronçonnée atteint environ 15 t/ha de matière sèche.
Tableau 1 : Leviers d'action mobilisés sur le système
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Choix variétal |
Limiter le développement des adventices grâce à la forte biomasse produite par la canne. |
Choisir la variété de canne la mieux adaptée à la zone de production est un levier essentiel, effectué lors de la plantation de la parcelle. Cette décision permet non seulement d'optimiser les rendements et la richesse en sucre, mais aussi de faciliter la maîtrise des adventices. Comme le dit l'adage, « la canne est le premier désherbant de la canne » |
Fanage de la paille | Limiter le développement des adventices grâce au paillis naturel de la canne après récolte. |
La parcelle est récoltée à l’aide d’une coupeuse de canne tronçonnée, avec restitution intégrale de la paille. Lors de la récolte, la paille est hachée puis répartie sur la parcelle à l’aide de la souffleuse de l’outil. Pour ce type de récolte, les quantités de paille restituées au champ sont estimées entre 15 et 20 t/ha de matière sèche (MS). |
Traitement chimique localisé sur le rang |
Traiter chimiquement la moitié de la surface afin de réduire l'IFT herbicides (IFTH) de moitié. Les herbicides sont appliqués en mélange et à doses réduites, conformément aux recommandations du Réseau Herbicides d'eRcane. |
Le traitement en prélevée joue un rôle crucial dans la stratégie de désherbage. Il constitue l’unique solution efficace pour maîtriser les graminées sur le rang de canne. Ce traitement doit être appliqué dans les 7 jours suivant la récolte ou immédiatement après une plantation. Les traitements en postlevée, quant à eux, ciblent principalement les dicotylédones et les lianes. Ils sont déclenchés sur les rangs de canne lorsque le seuil de nuisibilité des adventices est atteint, soit un recouvrement de 30 %. |
Remuage de paille |
Remuer la paille pour arracher les adventices qui auraient pu se développer dans le paillis. L’outil agit simultanément sur deux interrangs et est équipé d’un pulvérisateur avec une rampe permettant de localiser les traitements chimiques sur le rang. |
La paille est remuée mécaniquement à l’aide de l’aérofaneur, qui peut soit déplacer la paille de l’interrang vers le rang, soit la remuer sur l’interrang. Le remuage de la paille est réalisé lorsque le recouvrement des adventices atteint ou dépasse 30 %. L’intervention dépend également de la hauteur des cannes : 50 cm pour un passage avec un tracteur classique et 70 cm pour un tracteur à haut dégagement. Ces contraintes d’intervention, très restrictives, limitent fortement l’utilisation de l’outil à un passage unique, voire à aucune intervention. |
Désherbage manuel | Arracher toutes les adventices qui ont résisté au traitement chimique ou au désherbage mécanique. | Le désherbage manuel est indispensable dans de nombreuses exploitations pour lutter contre les grandes graminées et les lianes. |
Les variétés de canne libérées par eRcane et cultivées par les agriculteurs sont tolérantes aux principaux ravageurs des cultures.
Lutte contre le vers blanc (Hoplochelus marginalis) : Cette lutte a été résolue à La Réunion par un traitement biologique utilisant un champignon du genre Beauveria. Cette méthode de lutte, rendue obligatoire par arrêté préfectoral, consiste en l’application du Betel® lors de la plantation de la canne à sucre.
La variété utilisée est la R579. Elle génère de forts rendements en canne dans les zones de basse altitude et humides (Nord/Est et Est) ainsi que sous irrigation, avec une richesse moyenne à élevée en milieu et fin de campagne. De plus, elle n'est pas sensible aux principales maladies graves présentes à La Réunion.
Pour évaluer l'efficacité des méthodes mises en place pour maîtriser les adventices, des notations de recouvrement et des relevés de flore ont été effectués chaque mois. Les figures suivantes présentent le recouvrement moyen des adventices par cycle, en fonction du nombre de repousses, sur le rang de canne et sur l’interrang.
Maitrise des adventices sur le rang de canne
Figure 1 : Evolution du recouvrement moyen des adventices sur le rang de canne par cycle, et par repousses de canne
La figure ci-dessus montre peu de différence entre le témoin (Tréf) et la modalité avec l'aérofaneur (M1). Sur le rang de canne, pour l'ensemble des repousses, le pourcentage de recouvrement des adventices reste inférieur à 20 %. Ces résultats sont cohérents, car la gestion du rang de canne est réalisée de manière chimique et manuelle dans les deux modalités.
Maitrise des adventices sur le l'interrang de canne
Figure 2 : Evolution du recouvrement moyen des adventices sur l'interrang par cycle, et par repousses de canne.
Sur l'interrang (voir figure ci-dessus), les résultats sont similaires à ceux de la figure 1, avec très peu de différence entre le Tréf et la modalité utilisant l'aérofaneur (M1). Toutefois, il est difficile de conclure sur l'efficacité de désherbage de cet outil, car le nombre de passages a été limité à un seul, dans le meilleur des cas (tableau 2).
Tableau 2 : Nombre de passage à l'aérofaneur par cycle
Repousse | Nombre d'intervention avec l'aérofaneur |
R3 | 0 |
R4 | 1 |
R5 | 1 |
R6 | 1 |
R7 | 0 |
Performance du système
- Performance agronomique
Figure 3 : Evolution du rendement en canne par repousses.
La figure ci-dessus présente les rendements obtenus pour chaque repousse de canne. Sur l'ensemble des années d'étude, les résultats de rendement ont été obtenus uniquement pour les repousses R5, R6 et R7. En comparaison, le rendement de la modalité M1 est inférieur à celui du Tréf, mais avec des pertes minimes, de l'ordre de 3 à 7 t/ha. Au vu du faible nombre de répétitions, il est impossible de conclure de manière définitive sur l'impact de l'itinéraire technique sur le rendement.
- Performance environnementale
Figure 4 : Evolution de l'IFTH par repousses.
Sur l'ensemble des repousses, l'IFTH du système est inférieur à celui du Tréf, avec une réduction moyenne de 30 %, mais qui reste loin de l'objectif de réduction de 75 %. Ces résultats s'expliquent par les traitements de post-levée réalisés par le planteur sur la totalité de la surface, souvent avant la fermeture du couvert végétal de la canne à sucre.
Répartition du temps de travail
Figure 5 : Répartition des temps de travaux moyen par leviers d'action
Les temps de travail par opération ont été évalués à l'aide de l'outil OTECAS, développé par le RITA Canne Réunion. Le graphique ci-dessus présente la moyenne des temps de travail par opération sur l'ensemble des repousses.
La comparaison avec le système de référence (Tréf) s'est concentrée uniquement sur les leviers d'action mobilisés ayant un impact direct sur la maîtrise de l'enherbement. Comme l'illustre la figure ci-dessus, les différences par rapport au Tréf sont minimes, avec une économie de 3 h/ha pour le désherbage chimique et une augmentation de 7 h/ha pour la modalité avec aérofaneur. Le temps de travail pour le désherbage mécanique, représentant le temps de passage avec l'aérofaneur, est de 1,5 h/ha par cycle, lorsque le passage de l'outil est possible.
Répartition des charges
Figure 6 : Répartition des charges moyennes par leviers d'action
Les charges par opération ont été mesurées à l'aide de l'outil OTECAS, développé par le RITA Canne Réunion. La moyenne des temps de travail a été calculée sur l'ensemble des repousses. La comparaison avec le Tréf s'est concentrée uniquement sur les leviers d'action mobilisés ayant un impact sur la maîtrise de l'enherbement. Comme illustré dans la figure ci-dessus, les différences entre le Tréf et la modalité sont minimes. L'économie d'herbicide réalisée dans le système avec aérofaneur a permis d'économiser 70 €/ha en intrants. Les principales différences au niveau des charges concernent la main-d'œuvre (+72 €/ha) et les charges de mécanisation (+30 €/ha).
Figure 7 : Evaluation multicritère du système aerofaneur comparé au Tréf.
Le radar ci-dessus présente les notes de satisfaction pour chacun des critères définis pour le système aérofaneur (en bleu foncé) par rapport au Tréf (en bleu clair). Chaque critère est noté sur une échelle de 1 à 5, où 1 correspond à très défavorable et 5 à très favorable.
Le système aérofaneur a montré une réduction de l'IFTH de 30 % en moyenne. Ce résultat est intéressant, mais reste en deçà des objectifs fixés. La réduction de l'IFTH pourrait être optimisée en localisant l'ensemble des traitements de postlevée sur le rang.
Du point de vue des performances agronomiques, les mesures de rendement n'ont pas pu être réalisées sur toutes les années de suivi. Toutefois, les résultats obtenus ne montrent aucune différence avec le témoin de référence. La richesse n’a pas été mesurée pour toutes les campagnes. En revanche, la richesse en canne n'est pas influencée par les pratiques de désherbage.
Pour mieux comparer les coûts liés à la gestion de l'enherbement, les rendements et les richesses ont été uniformisés dans l'outil OTECAS pour les deux modalités. Sur le plan des performances socio-économiques, les différences avec le Tréf sont également minimes, avec une perte de marge semi-nette de 1 %.
Les interventions avec l’aérofaneur montrent que cet outil présente des conditions d’intervention très restrictives, qui dépendent de plusieurs facteurs : la présence d’adventices dans l’interrang en début de cycle, la quantité de paille restante au moment de l’intervention et la hauteur des cannes pour le passage de l’outil (limitée à 50 cm pour un tracteur classique et 70 cm pour un tracteur haut de garde).
En raison de la faible pression d’enherbement dans l’interrang et de la difficulté d’intervention une fois les cannes développées (> 50 cm), le recours à l’aérofaneur est contraint à une seule intervention maximum durant un cycle de canne. Les différents modes de remuage de paille ont montré qu’il est préférable d’utiliser l’aérofaneur en mode andaineur, afin de concentrer la paille sur le rang. En revanche, en mode faneur, l’outil risque de causer des dommages aux jeunes talles de canne.
Le faible taux d’enherbement des parcelles, notamment dans celles où la paille est laissée en totalité après la coupe tronçonnée, complique cependant l’évaluation précise de l’efficacité de cet outil. Dans certains cas, le passage du tracteur seul dans l’interrang crée un effet de "roulage" qui limite l’enherbement de manière comparable à celle de l’aérofaneur, soulignant ainsi l’importance de réfléchir à l’efficacité et au coût de cette intervention. Une solution pour étendre la période d’intervention serait d’utiliser un tracteur haut de garde, équipé de pneus suffisamment larges. Cependant, pour une intervention plus tardive, il est crucial de s'assurer que la quantité de paille soit suffisante pour obtenir un effet de remuage de paille.