
Systèmes avec fauche en interrang M1 - P25 Montagne - CanécoH V2

Conception du système
La maîtrise de l'enherbement en canne à sucre est généralement assurée par une gestion chimique sur l'ensemble de la parcelle, complétée par des opérations d'arrachage manuel. Un levier clé pour réduire l'utilisation des herbicides est le désherbage différencié, qui consiste en un désherbage chimique localisé sur le rang de canne, associé à une gestion mécanique de l'interrang par fauche. L'utilisation de la micro-mécanisation, spécifiquement dimensionnée pour circuler entre les rangs de canne, permet de désherber à tout moment du cycle cultural.
Mots clés :
Désherbage mécanique - Micro-mécanisation- Cannes à sucre - Réduction d'IFT - Paillis
Caractéristiques du système
La durée d’un cycle de canne est d’environ 12 mois, sauf pour une plantation qui peut durer jusqu’à 18 mois, selon la date de mise en place. Idéalement, l’intervalle entre deux plantations est compris entre 5 et 7 ans. La replantation permet, entre autres, de renouveler la souche de canne, de maintenir les rendements et de réduire le stock semencier grâce à la technique des faux semis.
Gestion de l'irrigation : par aspersion. Fertilisation : Fertilisation minérale fractionnée selon l'analyse de sol. Le premier apport répondant à 50 % des besoins de la culture est réalisé à 1 mois après la coupe ou lors de la plantation. Le second apport est réalisé à 3 mois pour une repousse ou entre 3 et 4 mois pour une plantation. Gestion du sol/des adventices : La gestion du rang se fait soit chimiquement, soit manuellement, en fonction des adventices présentes. L'interrang, quant à lui, est géré mécaniquement ou manuellement, Débouché commercial : sucre, rhum, énergie.
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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* En canne à sucre, la totalité des traitements chimiques appliqués sur la culture sont des herbicides. L'IFT total correspond alors à l'IFTH (Indice de Fréquence de Traitement Herbicides).
Les performances obtenues sont comparées à un témoin de référence (Tref), qui, sur ce site, correspond à la pratique conventionnelle de désherbage de la canne à sucre. Cette pratique inclut le fanage de la paille de canne en plein après la récolte, des traitements chimiques généralisés, et un désherbage manuel.
Le mot de l'expérimentateur
En culture de canne à sucre, l'utilisation des herbicides peut être considérablement réduite grâce à des techniques alternatives, telles que le désherbage mécanique de l'interrang. La micromécanisation permet d'intervenir à tout moment du cycle cultural, d'accéder à des parcelles pentues (<20 %), et nécessite des investissements plus modérés que ceux d'un tracteur classique. La fauche, quant à elle, offre l'avantage de désherber efficacement, qu'il y ait ou non de la paille, tout en limitant le travail du sol et en réduisant les risques d'érosion.
Tableau 1 : Leviers d'action mobilisés sur le système
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Choix variétal |
Limiter le développement des adventices grâce à la forte biomasse produite par la canne. |
Choisir la variété de canne la mieux adaptée à la zone de production est un levier essentiel, effectué lors de la plantation de la parcelle. Cette décision permet non seulement d'optimiser les rendements et la richesse en sucre, mais aussi de faciliter la maîtrise des adventices. Comme le dit l'adage, « la canne est le premier désherbant de la canne » |
Fanage de la paille |
Limiter le développement des adventices grâce au paillis naturel de la canne après récolte. |
Le fanage de la paille est réalisé manuellement. Cette opération peut consister soit à faner la paille sur l'ensemble de la parcelle, soit à la concentrer uniquement sur les rangs de canne. Une quantité de 12 t/ha de matière sèche de paille est nécessaire pour limiter la levée des adventices.
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Traitement chimique localisé sur le rang |
Traiter chimiquement la moitié de la surface afin de réduire l'IFT herbicides (IFTH) de moitié. Les herbicides sont appliqués en mélange et à doses réduites, conformément aux recommandations du Réseau Herbicides d'eRcane. |
Le traitement en prélevée joue un rôle crucial dans la stratégie de désherbage. Il constitue l’unique solution efficace pour maîtriser les graminées sur le rang de canne. Ce traitement doit être appliqué dans les 7 jours suivant la récolte ou immédiatement après une plantation. Les traitements en postlevée, quant à eux, ciblent principalement les dicotylédones et les lianes. Ils sont déclenchés sur les rangs de canne lorsque le seuil de nuisibilité des adventices est atteint, soit un recouvrement de 30 %.
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Désherbage mécanique par fauche sur l'interrang |
L'opération de fauchage des adventices dans l'interrang est réalisée lorsque le seuil de nuisibilité est atteint, soit lorsque les adventices couvrent 30 % de la surface. Le tracteur et l'outil de fauchage sont dimensionnés pour circuler entre les rangs de canne, avec une largeur de travail de 1 mètre. |
Les outils de fauche présentent plusieurs avantages, tels qu'une efficacité de 70 % sur un large spectre d'espèces d'adventices, la possibilité d'intervenir même en présence de paille, et l'absence de travail du sol, ce qui aide à limiter l'érosion. Cependant, la principale limitation de cet outil réside dans le fait qu'il ne détruit pas totalement les plantes, ce qui entraîne la nécessité de réaliser en moyenne trois passages par cycle culturel pour une gestion efficace des adventices.
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Epaillage de la canne |
Arracher les feuilles sèches de la tige de canne et éliminer les adventices présents sur les rangs, notamment les lianes. |
L'épaillage de la canne est réalisé entre 6 et 8 mois après la coupe. Cette opération permet aux agriculteurs de gérer les adventices en fin de cycle. Elle offre également l'opportunité d'arracher les lianes adultes, qui sont très compétitives pour la lumière et entravent à la fois l'épaillage et la récolte. |
Désherbage manuel | Arracher toutes les adventices qui ont résisté au traitement chimique ou au désherbage mécanique. | Le désherbage manuel est indispensable dans de nombreuses exploitations pour lutter contre les grandes graminées et les lianes. |
Les variétés de canne libérées par eRcane et cultivées par les agriculteurs sont tolérantes aux principaux ravageurs des cultures.
Lutte contre le vers blanc (Hoplochelus marginalis) : Cette lutte a été résolue à La Réunion par un traitement biologique utilisant un champignon du genre Beauveria. Cette méthode de lutte, rendue obligatoire par arrêté préfectoral, consiste en l’application du Betel® lors de la plantation de la canne à sucre
La variété utilisée est la R579. Elle génère de forts rendements en canne dans les zones de basse altitude et humides (Nord/Est et Est) ainsi que sous irrigation, avec une richesse moyenne à élevée en milieu et fin de campagne. De plus, elle n'est pas sensible aux principales maladies graves présentes à La Réunion.
Pour évaluer l'efficacité des méthodes mises en place pour maîtriser les adventices, des notations de recouvrement et des relevés de flore ont été effectués chaque mois. Les figures suivantes présentent le recouvrement moyen des adventices par cycle, en fonction du nombre de repousses, sur le rang de canne et sur l’interrang.
Figure 1 : Evolution du recouvrement moyen des adventices sur le rang de canne par cycle et par repousses.
L'année de plantation (R0) est généralement marquée par une pression plus forte des adventices par rapport aux années de repousses, en raison du travail préalable du sol, de l'absence de paille de canne et du temps nécessaire au développement initial de la canne. Cela peut expliquer un recouvrement plus important des adventices durant cette année, ainsi qu'une pression plus élevée dans le système M1 par rapport aux autres années de repousse (R1 à R6).
En revanche, pour les repousses de R1 à R6, les différences de taux de recouvrement des adventices entre le système M1 et le système Tréf sont minimes. Cela indique que les leviers d'action mis en place dans le système M1 permettent de gérer les adventices de manière comparable au système Tréf, à l'exception de l'année R2, où un écart de 9 points est observé entre les deux systèmes. Dans tous les cas, le seuil de nuisibilité (30 % de recouvrement) n'est pas atteint.
Figure 2 : Evolution du recouvrement moyen des adventices sur l'interrang par cycle au fil et par repousses de canne
Sur l’interrang, la gestion mécanique par fauche permet de maintenir un niveau de maîtrise de l’enherbement comparable à celui du système Tréf, en maintenant les adventices sous le seuil de nuisibilité. En moyenne, cette méthode nécessite 4 interventions mécaniques, contre 3 désherbages chimiques pour le système Tréf. Toutefois, l’efficacité de la fauche reste inférieure à celle du désherbage chimique, particulièrement lors des repousses : R0, R2, R5 et R6.
Il est intéressant de noter qu'à partir de R4, une tendance à l'augmentation du recouvrement des adventices se dessine, ce qui reflète une pression croissante au fur et à mesure des repousses.
Le tableau ci-dessous présente les différents niveaux d’efficacité du désherbage mécanique par fauche en fonction des grandes classes d’adventices : en vert, une bonne efficacité, entraînant une réduction significative du recouvrement des adventices ; en jaune, une efficacité moyenne, avec une reprise partielle du recouvrement ; et en rouge, une inefficacité totale.
Tableau 2 : Spectre d'efficacité du désherbage mécanique par fauche en fonction des grandes classes d'adventices.
Grandes graminées | Vivaces | Autres monocotylédones | Dicotylédones (plantes à feuilles larges) | Lianes | ||
Désherbage mécanique |
Le niveau de maîtrise des adventices par la fauche est satisfaisant, permettant de maintenir leur recouvrement sous le seuil de nuisibilité. Les outils de fauche, tels que le tondobroyeur et le gyrobroyeur, offrent une efficacité notable (80 %) sur la majorité des adventices. Cependant, cette efficacité reste limitée dans le temps, car le système racinaire des adventices n'est pas détruit. En moyenne, 4 passages sont nécessaires pour maintenir le recouvrement sous le seuil de nuisibilité. Toutefois, cette fréquence peut varier considérablement en fonction de la pression des adventices, qui elle-même dépend de l'historique de la parcelle et des conditions météorologiques.
Performances agronomiques
Figure 3 : Evolution du rendement en canne et de la richesse en sucre par repousses de canne.
La figure ci-dessus présente le rendement et la richesse en sucre (SE) obtenus pour chaque repousse de canne, correspondant à un cycle cultural. Sur l'ensemble des repousses, le rendement du système est légèrement inférieur à celui du Tréf, avec des écarts variant de 1 à 13 %, sans différence statistiquement significative. Cette légère baisse de rendement pourrait être attribuée à la compétition entre les adventices et la canne, étant donné que le système racinaire des adventices n'est pas détruit lors de la fauche. En ce qui concerne la richesse en sucre (SE), aucune différence notable n’est observée.
Performance environnementale
Figure 4 : Evolution de l'IFTH par repousses de canne.
Sur l'ensemble des repousses, l'IFTH du système est inférieur à celui du Tréf. Cependant, la réduction de l'IFTH est moins marquée lors de l'année de plantation (R0) et en R4, en raison de l'utilisation d'un traitement chimique localisé à base de glyphosate pour maîtriser Cynodon dactylon, une espèce fortement compétitrice pour la canne et difficile à contrôler autrement. En excluant ces deux années, l'IFTH du système reste inférieur à 3, avec une réduction moyenne de 55 %. Toutefois, l'objectif initial de réduction de 75 % n'a pas été atteint.
Répartition des temps de travaux
Figure 5 : Répartition des temps de travaux moyens par leviers d'action
Les temps de travail par opération ont été mesurés à l'aide de l'outil OTECAS, développé par le RITA Canne Réunion. La moyenne des temps de travail a été calculée uniquement pour les repousses 1 à 6, l'année de plantation n'ayant pas été incluse en raison de ses besoins spécifiques en désherbage, qui entraînent un temps de travail considérablement plus élevé. Cette approche a permis d'éviter de fausser la moyenne. La comparaison avec le Tréf s'est concentrée sur les leviers d'action ayant un impact direct sur la maîtrise de l'enherbement. Comme illustré dans la figure ci-dessus, les principales différences avec le Tréf concernent les opérations de fauche avec le microtracteur (23 h/ha) et la gestion des pailles (+38 h/ha).
En moyenne, la gestion des adventices sur une repousse nécessite 158 h/ha, réparties de la manière suivante : 76 h/ha pour la gestion de la paille (48 %), 38 h/ha pour le désherbage chimique (24 %), 23 h/ha pour le désherbage mécanique (15 %) et 21 h/ha pour le désherbage manuel (13 %).
La gestion de la paille est l'opération la plus chronophage, contribuant de manière significative à l'augmentation du temps de travail. Initialement, cette opération était systématique pour les repousses R3 et R4. Cependant, après une analyse technico-économique, il a été décidé de rendre cette pratique optionnelle, ne la déclenchant qu'en présence de lianes entre 6 et 8 mois du cycle cultural.
Figure 6 : Répartition des charges moyennes par leviers d'action
l'année de plantation n'ayant pas été prise en compte en raison de ses besoins spécifiques en désherbage, qui génèrent des temps de travail considérablement plus élevés. Cette approche a permis d'éviter de fausser la moyenne. La comparaison avec le Tréf s'est concentrée exclusivement sur les leviers d'action ayant un impact direct sur la maîtrise de l'enherbement. Comme l'illustre la figure ci-dessus, les principales différences par rapport au Tréf concernent les charges de main-d'œuvre (+36 %) et les charges de mécanisation (762 €/ha). Malgré une réduction des charges d'intrants due à la diminution de l'utilisation des herbicides de 50 %, les charges totales du système avec fauche (M1) augmentent de 59 % par rapport au Tréf.
Figure 6 : Evaluation multicritère du système M1 comparé au Tréf.
Le radar ci-dessous présente les notes de satisfaction pour chacun des critères définis pour le système (en bleu foncé) par rapport au Tréf (en bleu clair). Chaque critère est noté sur une échelle de 1 à 5 : 1 correspond à très défavorable, 2 à défavorable, 3 à peu favorable, 4 à favorable, et 5 à très favorable.
Le système avec fauche sur l’interrang a permis une réduction intéressante de l'IFTH, avec une baisse moyenne de 47 % sur l'ensemble des repousses, tout en maintenant le recouvrement des adventices sous le seuil de nuisibilité. Cependant, ce résultat demeure en deçà des objectifs initiaux.
Concernant les performances agronomiques, l’objectif a été atteint. Les rendements et la richesse en sucre ont été maintenus, bien qu'une perte moyenne de rendement de 7 % ait été observée (sans différence significative). Aucun impact n'a été noté sur la richesse en sucre extractible (SE).
Afin de comparer les coûts liés à la gestion de l’enherbement, les rendements et les richesses ont été uniformisés dans l'outil OTECAS pour les deux modalités. Cependant, sur le plan des performances socio-économiques, les objectifs n'ont pas été atteints. Certains leviers ont nécessité des temps de travail supplémentaires, notamment les passages successifs des outils de fauche et l'épaillage de la canne, deux opérations particulièrement chronophages. Ces opérations ont entraîné une augmentation des charges de mécanisation (pour la fauche) et de main-d'œuvre, ce qui a conduit à une hausse des charges totales de 59 % et une baisse de la marge semi-nette de 33 %.
Le transfert des résultats vers les exploitations agricoles a été concrétisé par la présentation des résultats du système et des outils de micromécanisation lors de journées techniques dédiées au désherbage. Ces événements ont permis aux agriculteurs de découvrir les avantages et les limites de ces pratiques et outils, tout en observant concrètement leur mise en œuvre sur le terrain.
De plus en plus d'agriculteurs adoptent des microtracteurs et des outils de fauche, tels que les tondobroyeurs et les gyrobroyeurs, pour améliorer la gestion de l'enherbement. Afin de faciliter l’adoption de ces nouvelles pratiques, ces agriculteurs bénéficieront de l'accompagnement de l’équipe d’eRcane, qui développera des parcelles de démonstration pour illustrer l’efficacité de ces méthodes et outils dans des conditions réelles d’exploitation.
L’analyse technico-économique du système a révélé que la gestion de la paille, en particulier les opérations de fanage et d’épaillage, représente les étapes les plus chronophages. Pour améliorer les performances économiques du système, il serait pertinent d'optimiser ces deux interventions. Par exemple, l’épaillage pourrait être rendu optionnel, en fonction des espèces d’adventices présentes et de leur impact potentiel sur la culture.
Les notations de recouvrement des adventices ont montré une augmentation du taux de recouvrement au cours des deux dernières repousses. Cela pourrait suggérer que la méthode de désherbage actuelle favorise certaines espèces d’adventices, contrairement à une gestion exclusivement chimique. Une analyse approfondie de l’évolution des communautés d’adventices au fil du temps serait nécessaire pour mieux comprendre cette tendance et déterminer si une sélection spécifique de la flore d'adventices s’opère à long terme.