Système Bretenière - Rés0Pest
Conception du système
Le système de culture Rés0Pest mis en place sur l'Unité Expérimentale d'Epoisses a été co-construit lors d'ateliers animés par le RMT Systèmes de Culture innovants et rassemblant des agriculteurs, des conseillers agricoles, des experts des Instituts Techniques Agricoles, des chercheurs et les agents de l'unité expérimentale.
Le but de ces ateliers était de concevoir un système de culture bien adapté aux conditions locales et qui maintienne les cultures représentatives de la région. Les concepteurs du système ont cherché à combiner toutes les techniques de lutte disponibles, afin de maximiser une production agricole de qualité sans utilisation de pesticides.
Mots clés :
Zéro-pesticides - Reconception - Régulations biologiques - Système de culture - Diversification
Caractéristiques du système
La succession culturale est allongée à 7 ans avec une forte diversification des familles de plantes cultivées et une alternance des périodes de semis (H = Hiver ; P = Printemps ; Ass. = Association).
Interculture : Les intercultures longues sont gérées avec des couverts destinés à concurrencer les adventices. En cas de développement important d'adventices, elles peuvent aussi permettre de faire des faux-semis répétés afin de réduire le stock semencier. Gestion de l'irrigation : Pas d'irrigation "pour faire du rendement" mais il est possible d'irriguer les cultures de printemps à la levée, en cas de sécheresse. Le démarrage rapide de ces cultures permet d'optimiser le désherbage mécanique et la compétition avec les adventices. Fertilisation : La fertilisation minérale de synthèse est autorisée dans Rés0Pest mais elle est réduite par rapport aux cultures conventionnelles afin de ne pas fragiliser les plantes et de ne pas générer des surplus d'azote favorables aux adventices. |
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Travail du sol : Dans ce système, le travail du sol est un moyen important de gestion des adventices : alternance labour/non-labour (3 labours sur 7 ans), faux-semis en interculture si nécessaire et désherbage mécanique en culture.
Infrastructures agro-écologiques : L'essai est situé à proximité d'un petit bois, des bandes enherbées bordent les parcelles Rés0Pest et, depuis 2018, des bandes fleuries ont également été implantées à proximité de l'essai.
Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
« La conversion en zéro-pesticides des parcelles dédiées à ce projet pouvait ressembler à un pari notamment à cause de la présence de chardons et de chiendent en plus des adventices classiques (gaillets, renouées, ...) mais les différents leviers mis en place, dont la gestion contrôlée de la fumure azotée et l’implantation de cultures intermédiaires piège à nitrate (CIPAN) étouffants, ont permis de conserver les parcelles propres après la 5ème récolte. Le site Rés0Pest est régulièrement visité par des groupes d’agriculteurs et de conseillers en quête de solutions pour diminuer les produits phytosanitaires ou pour envisager une conversion vers l’agriculture biologique. » A. BERTHIER
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices. | ||
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Désherbage mécanique en culture |
Détruire les adventices en culture sans détruire la culture elle-même (houe rotative, herse étrille, bineuse et écimeuse). |
Ne pas hésiter à l’utiliser très tôt après le semis. Attention à la consommation d’énergie qui peut diminuer les performances. |
Labour |
Alternance labour/non-labour : 3 labours sur 7 ans. |
Levier très efficace sur adventices à faible durée de vie dans le sol. |
Diversification des périodes de semis |
Permettre de détruire un large spectre d’adventices levant à des périodes différentes (printemps précoce (orge) et tardif (chanvre et soja), fin d’été (colza), automne précoce et tardif (blé). |
C’est la méthode de base pour éviter l’apparition d’une flore dominante sur la parcelle. |
Fertilisation azotée ajustée |
Ajuster la fertilisation au plus près des besoins de la culture afin d’éviter le développement des adventices. |
Fertilisation de base pour un rendement inférieur à l’objectif et en cas de bon potentiel, apport d’un complément. Cette technique permet d’éviter de trop forts reliquats pouvant bénéficier aux adventices. |
Choix variétal ou d'espèce |
Utiliser les caractéristiques des variétés/espèces cultivées pour limiter le développement des adventices. |
Blé tendre hiver (TH) : variétés couvrantes pour limiter le salissement sur le rang. Chanvre : Espèce très couvrante mais il faut l’implanter sur sol réchauffé afin d’avoir un démarrage rapide de la végétation. |
Faux-semis |
Faire lever les adventices en interculture en préparant un lit de semences et les détruire ensuite. L’opération peut être renouvelée plusieurs fois si l’interculture est longue. |
Préparer le lit de semences de plus en plus superficiellement au fur et à mesure que le semis approche et ne pas travailler le sol profondément au semis pour ne pas faire lever de nouvelles adventices. |
CIMS |
Etouffer les adventices afin d’éviter qu’elles se développent et grainent en interculture. |
Une implantation précoce est essentielle pour assurer un bon développement du couvert. |
Semis tardif |
Permet une esquive des adventices à levée automnale et/ou des ravageurs d’automne comme les pucerons des céréales. |
Semis tardif du blé de colza pour réaliser des faux-semis sur une longue période pour lutter contre les adventices à levée automnale. |
Irrigation |
Régulariser la levée par temps sec afin de pouvoir désherber précocement. |
Mis en place suite à des printemps très secs, ce levier n’a pas été utilisé depuis. Il nécessite de disposer d’une installation d’irrigation. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs. | ||
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Choix variétal |
Colza : bonne vigueur à la levée Blé TH : limiter les attaques de ravageurs par le choix de variétés tolérantes aux cécidomyies et barbues (pucerons) |
Colza : Il est dommage qu’il soit très difficile de trouver des semences de variétés hybrides non-traitées car elles seraient bien adaptées. Blé TH : Mesure efficace mais le choix est limité en semences non-traitées. |
10% variété précoce |
Fournir une source d’alimentation précoce aux méligèthes pour éviter les dégâts sur siliques. |
Le mélange de 10% d’une variété précoce peut limiter les dégâts dus aux méligèthes en année de forte présence. |
Semis tardif |
Semer les céréales d’automne après la période d’activité des insectes d’automne. |
Peu de pucerons observés à l’automne sur les plantules. |
Cultures peu sensibles |
Eviter les risques importants d’attaque par les ravageurs. |
Pas de dégâts observés, ni sur chanvre industriel ni sur soja (hors pertes à la levée). |
Allongement de la succession |
Eviter le retour trop fréquent de cultures sensibles aux mêmes ravageurs. |
Mesure qui semble efficace pour le colza qui n’a pas fait l’objet de pertes dues aux ravageurs. |
Densité de semis élevée |
Compenser les pertes à la levée en l’absence de traitements de semences et compenser les dégâts des ravageurs. |
Les pertes à la levée sont de l’ordre de 50% en céréales. L’accroissement de la dose de semis permet d’avoir un peuplement correct. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies. | ||
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Variétés résistantes |
Choisir des variétés résistantes/tolérantes pour réduire les dommages en cas d’attaque. |
Des variétés avec la même note de résistance peuvent avoir des comportements différents. Il n’est pas toujours facile de trouver des variétés ayant un bon profil maladie dans le panel contractualisé par les organismes stockeurs. |
Mélanges variétaux |
Combiner les profils de résistance et réduire la propagation de la maladie en cas d’attaque. |
Mesure efficace, les variétés sensibles sont moins attaquées en mélange qu’en pur. Le choix est limité en semences non-traitées. |
Lutte biologique |
Application de Contans® avant et/ou après la culture sensible en cas de risque sclérotinia. |
Solution peu utilisée, elle est trop coûteuse et l’allongement de la succession semble contenir la maladie. |
Culture peu sensible |
Eviter les risques importants d’attaque par les maladies. |
L’orge de printemps est moins sensible aux maladies que l’orge d’hiver mais décroche quand même en cas de forte pression (2016). Le chanvre et le soja sont peu sensibles aux maladies. |
Allongement de la succession |
Eviter le retour trop fréquent de cultures sensibles aux mêmes maladies. |
Mesure efficace mais non suffisante en cas de contexte de forte pression maladies (2016). |
Densité de semis élevée |
Compenser les pertes à la levée en l’absence de traitements de semences. |
Les pertes à la levée sont de l’ordre de 50% en céréales. L’accroissement de la dose de semis permet d’avoir un peuplement correct (ex. semis à 450 gr/m2 (au lieu de 350) pour un objectif de peuplement de 300 pl/m2). |
Notation de maîtrise des bioagresseurs dans le contexte biotique de l'essai (voir fiche site Bretenière - Contexte biotique)
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Maladies |
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Ravageurs |
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Adventices |
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ü Maîtrise satisfaisante ≈ Maîtrise moyennement satisfaisante û Maîtrise insatisfaisante.
Les risques maladies, notamment sur céréales, restent très élevés en cas de forte pression comme pour 2016, malgré le choix de variétés plutôt résistantes.
Les ravageurs n’ont pas occasionnés de pertes de rendement même en colza pourtant réputé sensible. Le risque pucerons d’automne sur blé est minimisé par les dates de semis peu précoces et le risque limaces est minimisé par les passages d’outils de désherbage mécaniques plus fréquents.
De manière générale, les adventices sont bien maitrisées, toutes cultures confondues, à condition de pouvoir profiter de créneaux d’intervention favorables.
Performance économique
Marge semi-nette (campagnes 2013 à 2022)
Marge semi-nette = Produit brut - (Charges opérationnelles + Charges de mécanisation) + Aides
La marge semi-nette moyenne est de 536 €/ha/an ce qui correspond à une rentabilité moyenne à élevée qui permet de dégager 2,4 SMIC(2015)/UTH sur la période 2013-2022. Les marges semi-nettes des cultures de printemps sont grevées par les coûts d’implantation des cultures intermédiaires (≈ 150 €/ha).
Performances agronomiques
Rendements Rés0Pest Bretenière et satisfaction de l’expérimentateur
Culture |
Obj. Rdt |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
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Colza |
30q/ha |
- |
30,7 (40) |
- |
- |
35,8 (44) |
23 (29) |
- |
16,7 (25) |
9,4 (cameline) |
- |
Blé tendre |
70q/ha |
61,7 (70) |
- |
70,7 (72) |
- |
- |
65 (79) |
61,9 (82) |
- |
50,3 |
60,1 |
Soja |
25q/ha |
25 (36) |
25,3 (25) |
- |
28,7 (30) |
- |
- |
17,7 (20) |
5,2 (16) |
- |
12,5 |
Blé tendre biné |
70q/ha |
50,6 (70) |
56,1 (56) |
66,6 (72) |
- |
61,8 (75) |
- |
- |
37,6 (60) |
50,8 |
- |
Orge P |
50q/ha |
- |
38,7 (38) |
58,6 (37) |
25 (39) |
- |
46 (57) |
55 (59) |
- |
61 |
53,8 |
Chanvre/ Tournesol |
8q/ha grain 8t/ha paille |
- |
- |
3,4 (6) grain 6,9 (6) paille |
12 (7,5) grain 3 (3) paille |
10 (9) grain 5,1 (6) paille |
- |
10 (8) grain 2,9 (4) paille |
- |
- |
20,8 (tournesol) |
Blé ou Orge H + Pois H |
40(orge) ou 50(blé)q/ha 10q/ha pois |
46 orge 5 pois |
- |
- |
35,6 blé 3,1 pois |
54,8 blé 10,2 pois |
53,8 blé 10,2 pois |
- |
50,7 blé 1,6 pois |
- |
- |
Le rendement objectif est difficile à atteindre pour les céréales même sans tenir compte de l'année 2016.
Le raisonnement de la fertilisation est sans doute à améliorer, tout en veillant à ne pas favoriser les adventices.
Dimension économique - Dimension sociale - Dimension environnementale
Contribution au développement durable - Note 1 : Très faible - Note 2 : Faible à moyenne - Note 3 : Moyenne à élevée - Note 4 : Très élevée
L'évaluation multicritère a été réalisée avec les outils Criter 5.4 et MASC 2.0.
Les performances environnementales sont très élevées malgré une efficience énergétique moyenne. La conservation de la biodiversité est moyenne à élevée malgré le travail du sol assez fréquent.
La contribution globale du système de culture au développement durable est élevée. La satisfaction très faible des attentes de la société est due à une très faible contribution à l’emploi, non recherchée dans ce système ainsi qu’à une très faible fourniture de matières premières (65% du potentiel).
En 2014, une mauvaise levée du soja liée à la sécheresse printanière a entraîné une double levée et le désherbage mécanique n’a pas pu être entrepris tôt entraînant une prolifération de chénopodes dans la parcelle. Les chénopodes ont retardé la maturité du soja, ce qui a entraîné un retard du semis du blé suivant et un moindre potentiel de rendement (pertes à la levée, date de semis tardive). |
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Pour remédier à ce type de situations, il a été décidé de s’autoriser des irrigations juste après le semis en cas de printemps sec, pour régulariser la levée et permettre un désherbage mécanique précoce et donc efficace. Cette modification des règles de décision aura un effet sur la culture du soja mais aussi jusqu’au blé suivant, montrant ainsi l’intérêt d’une approche système de culture. |
Etant donné le niveau de rupture élevé des systèmes de culture Rés0Pest, les systèmes de culture conçus n’ont pas vocation à être transférés directement dans des exploitations agricoles. Néanmoins, la présentation de ces essais et de leurs résultats peuvent être source d’inspiration pour des agriculteurs ou des conseillers, dans le cadre d’une démarche de conception de systèmes de culture économes en produits phytosanitaires. Entre 2013 et 2023, de nombreux groupes ont pu visiter l’essai Rés0Pest de Bretenière. |
Les résultats obtenus depuis le début de l’expérimentation sont très satisfaisants avec une bonne maîtrise des bioagresseurs en année normale et de bons résultats économiques. L’efficience énergétique est moyenne en raison de nombreux passages de travail du sol destinés principalement à lutter contre les adventices et d’une productivité inférieure à un système conventionnel. La consommation d’énergie, élevée dans un 1er temps a néanmoins été maîtrisée.
Le remplacement du chanvre industriel par un tournesol a été testé lors de la 2ème succession du système afin d’accroître le domaine de validité aux zones sans filière chanvre mais le recul sur cet essai reste insuffisant. En effet, l’unique année de tournesol a montré une marge semi-nette nettement inférieure au chanvre industriel en raison d’une mauvaise levée ayant entraîné une forte concurrence de la part des adventices.
L’analyse économique a été réalisée en prenant en compte le prix de vente des cultures au cours du marché conventionnel. Il est clair que la productivité est un peu en retrait par rapport à l’agriculture conventionnelle mais il faudrait logiquement accorder une plus-value à ces produits cultivés sans pesticides, afin que ces systèmes augmentent leur rentabilité.