
Système "non-travail du sol" - Station Awen bio - PERSYST-Maraîchage
Conception du système
Ce Système de Cultures vise une amélioration de la gestion de la fertilité du sol via 3 objectifs complémentaires :
- Favoriser l’activité biologique par l’apport de MO carbonée
- Améliorer la compétition adventice par des paillages
- Limiter l’utilisation de produits phytosanitaires par une meilleure fertilité du sol
Mots clés :
Non-travail du sol - Activité biologique - Matière Organique - Paillages - Couverts
Caractéristiques du système
Situation de production : Agriculture Biologique Espèces : carottes, choux de Lorient, Pomme de terre, courges, oignons Gestion de l'irrigation : pas de système d'irrigation sur place, mais objectif d'irriguer avant de mulcher Fertilisation : en année 1, apport généralisé de broyat de Interculture : couverts diversifiés, visant une couverture du sol maximale Gestion du sol/des adventices : aucun travail du sol. Gestion des adventices par paillages, couverts et arrachage manuel. Circuit commercial : circuit long Infrastructures agro-écologiques : - |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Le système de culture en non travail du sol demande une grande maîtrise des adventices, car il n’y a pas de recours au désherbage mécanique et le désherbage manuel peu s’en trouver long et fastidieux. Les leviers mobilisés sont les couverts végétaux, l’occultation et la toile tissée. Le calendrier des interventions (destruction ou couchage d’engrais verts, enlèvement de la bâche d’occultation, positionnement de la toile tissée) demande un minutage plus précis. Pour passer au zéro travail du sol et y rester, les conditions de production, structure du sol, équipement, historique de la parcelle doivent être très bonnes dès le départ. En plein champ, le zéro travail du sol est difficile sur le long terme, voire impossible sur certaines cultures (pommes de terre, choux) d’arriver à un rendement acceptable dans nos conditions de production.
Pour atteindre les objectifs du système en termes de recours aux produits phytopharmaceutiques, le système s'appuie sur 3 types de leviers principaux, qui relèvent de la prophylaxie :
-le non travail du sol. L'effet recherché est d'améliorer fertilité physique et biologique du sol, et ainsi garantir des conditions optimales de croissance des plantes.
-une fourniture en azote par les couverts et par l'apport de compost de déchets. L'objectif est d'améliorer l'activité biologique du sol pour assurer la nutrition des plantes.
-la maximisation de la couverture du sol par les couverts végétaux et les paillages, afin de maîtriser les adventices.
En complément, les règles de décision du système "non travail du sol" incluent le recours au produits de biocontrôle et la lutte chimique en dernière intention.
Leviers |
Principes d'action |
Enseignements |
Occultation |
Réduire le développement des adventices |
Permet la récupération d’un sol propre à condition de laisser la bâche en place assez longtemps |
Couverts végétaux |
Maximisation des couverts et mélanges très diversifiés |
Cette pratique demande une bonne maîtrise de la culture précédente et de la gestion des couverts. Les vivaces ne sont pas contrôlées et s’installent à moyen terme dans nos conditions expérimentales |
Semis des carottes sur mulch de compost de déchets verts |
Empêcher la germination des graines d’adventices par un mulch de 5 cm de compost. |
Cette pratique implique un bon maintien de l’humidité du sol car la surface du compost est très séchante et peut nuire à la germination des carottes. Difficile à mettre en place sans système d’irrigation plein champ. |
Bâches et paillages |
Réduire germination et croissance des adventices |
Diminution du temps de travail lié au désherbage manuel et augmentation du réchauffement du sol au début de la culture. |
Leviers |
Principes d'action |
Enseignements |
Filets |
protéger la culture physiquement |
Donne des bons résultats s’il est bien installé dès l’installation de la culture et jusqu’à la récolte |
Gestion de la fertilité du sol |
Favoriser la santé des plantes par le biais d'une bonne santé du sol. L'hypothèse est qu'un sol sain et fertile permet une bonne implantation et une bonne vigueur des cultures et donc une meilleure tolérance face aux ravageurs. |
Il n'y a pas d'impact significatif des pratiques de travail du sol et de fertilisation sur la pression des ravageurs. L'année météorologique reste le principal facteur. |
Leviers |
Principes d'action |
Enseignements |
Choix variétal |
Variété avec un feuillage vigoureux, et plus rustique, adaptée à la culture en bio |
Dans ce système, le choix variétal joue beaucoup sur le rendement. Les conditions d’implantation étant moins optimales (température du sol, disponibilité d’eau...), la variété se doit d’être vigoureuse et résistante. |
Gestion de la fertilité du sol |
Favoriser la santé des plantes par le biais d'une bonne santé du sol. L'hypothèse est qu'un sol sain et fertile permet une bonne implantation et une bonne vigueur des cultures et donc une meilleure tolérance face aux maladies. Un pilotage plus fin des apports azoté permettrait également de limiter la sensibilité de la culture aux champignons. |
Il n'y a pas d'impact significatif des pratiques de travail du sol et de fertilisation sur la pression des maladies. L'année météorologique reste le principal facteur. |
Adventices | Mollusques | Rongeurs | Insectes | Maladies fongiques aériennes | Maladies telluriques | |
2020 | ||||||
2021 | ||||||
2022 | ||||||
2023 |
L’apport massif de compost de déchets verts en année 1 (200t/ha° sur l'ensemble des micro-parcelles du système en non travail du sol a fait bondir la teneur en matière organique du sol, ainsi que la biomasse microbienne associée.
La fourniture potentielle d’azote augmente pour le système en non travail du sol par rapport au témoin. Mais cette mesure, qui permet d’estimer la quantité d’azote qui peut être minéralisée par la biomasse microbienne du sol au cours d’une année, est à prendre avec prudence car réalisée en conditions contrôlées (28°C en laboratoire). Si le système est théoriquement en capacité de fournir plus d’azote à la culture en non travail du sol que sur le système témoin, l’activité biologique et la minéralisation dépendent des conditions pédo-climatiques réelles : humidité, température, bonne circulation de l’oxygène dans le sol... Il convient donc de considérer également la fertilité physique pour s'assurer que le sol assure des conditions de croissance optimales aux légumes.
La stabilité des mottes est meilleure pour le système de culture en non travail du sol que pour le système témoin. En revanche, les tests à la bêche indiquent qu’un tassement du sol s’est rapidement installé sur ce système.
Si les indicateurs de fertilité chimique et biologique sont grandement améliorés par les pratiques de non travail du sol et les apports de compost de déchets verts, cela ne se traduit pas par un maintient des rendements et de la qualité des récoltes. Comme indiqué, le premier pilier à assurer en terme de fertilité du sol est la fertilité physique, qui s’est trouvée nettement dégradée pour le système de culture en non travail du sol. Les cultures n’ont donc pas bénéficié de bonnes conditions d’implantation (en particulier les choux et les pommes de terre), et on peut supposer que l’activité biologique en a également pâti par le moindre réchauffement du sol (observé en 2022 et 2023) et peut-être par une moindre circulation de l’air et de l’eau.
Les notes de satisfaction ont été compilées chaque année sur une échelle de 1 (pas du tout satisfaite) à 5 (très satisfaite). Par rapport aux rendements, la note est calculée en rapportant les rendements moyens par rapport à des rendements de références fixés à dire d'expert par l'équipe projet (carotte : 4 kg/m2, chou : 1.2 pièce/m2, pomme de terre : 2.5 kg/m2, courge : 3 kg/m2, oignon : 3 kg/m2).
Au bout de quatre ans, les indicateurs de fertilité du sol sont nettement améliorés pour ce système en non travail du sol. Pourtant, sur la plupart des cultures (pomme de terre, carotte, oignon et chou), le rendement et la qualité des récoltes n’est pas en rapport avec le potentiel attendu. Ces écarts de rendement s’expliquent par une conduite encore non maîtrisée dans ce système expérimental d’une part, et par d’autres facteurs comme le climat et les bioagresseurs d’autre part. Pour la pomme de terre ou l’oignon, des pistes d’optimisation de l’itinéraire technique sont identifiées pour limiter les écarts de températures du sol observés.
La gestion des bioagresseurs apparaît satisfaisante (maladies et ravageurs) à légèrement moins favorable (adventices) que pour le système témoin, et il n'y a pas d'impact significative du système de culture sur la pression observée. On remarque en revanche une plus forte pression des mollusques en cas d'utilisation de paillage, et un plus fort recours au désherbage manuel sur ce système.
Si ce système allège la charge de travail par le non recours au travail du sol, la pénibilité est accrue pour plusieurs causes : difficulté à planter dans un sol non finement préparé, difficulté à bien plaquer les paillages plastiques sur le sol qui présente de trop grosses mottes...
Sur les essais "observatoire piloté" du projet, les systèmes en non travail du sol présentent de bons résultats agronomiques en plus d'apporter de la satisfaction quant à l'organisation du travail. C'est donc un type de système qui fonctionne, mais qui n’est pas à recommander à l’installation car il nécessite une bonne structure du sol et une bonne technicité du maraîcher.
Les fermes maraîchères en non travail et du sol ou travail du sol très limité du réseau d’expérimentation PERSYST démontrent que ce type de système fonctionne en conditions de production. Il va de paire avec une amélioration des conditions de travail : moins de charge de travail, moins de pics de travail sur l’année, une moindre charge mentale et enfin moins de pénibilité physique.
Cela nécessite néanmoins de partir avec des bonnes conditions de départ au niveau de la qualité physique du sol. De même, un travail sur les adventices doit être réalisé en amont d’une transition vers le travail très réduit du sol si la parcelle est touchée par une très forte pression des adventices. Ce type de système nécessite donc de l’expérience du/de la maraîcher.e, et une bonne connaissance globale de son contexte pédo-climatique, car cela ajoute une difficulté supplémentaire par rapport aux systèmes en travail du sol (gestion des adventices, implantations, précocité des cultures…). Enfin, ces systèmes réclament d’être nuancé sur le souhait de se passer du travail du sol. Cela passe par le fait de s’autoriser des interventions légères de travail du sol en cas de besoin, dès les premiers signes de dégradation de la qualité du sol.
Concernant les apports massifs de compost de déchets verts, il subsiste des questionnements quant au devenir de ces grandes quantités de matière organique très stable dans le sol sur le long terme. Les analyses de sol de type Hérody montrent qu’il y aurait un début d’accumulation de matière organique, ni humifiable et ni minéralisable dans les parcelles conduites en non travail du sol et apports massifs. Quel en est l’impact sur la dynamique de minéralisation de la matière organique et la fourniture d’azote du sol ? Des recherches supplémentaires sur du plus long terme sont nécessaires pour élucider la question.