Un panier qui se remplit de CEPP pour la mise en œuvre de la protection intégrée

Les publications d'un nouvel arrêté "méthodologie", d'un nouvel arrêté "actions" et du bilan 2021 sur le dispositif CEPP est l'occasion de refaire un point sur ce dispositif mis en place en 2016. 118 actions sont désormais disponibles.
La recommandation de créer des certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) résulte à la fois d’un rapport CGAAER-CGEDD-IGF sur la fiscalité des produits phytosanitaires de juillet 2013 et du rapport sur l’agroécologie remis au ministre de l’agriculture par Marion Guillou au printemps 2013. L’objectif premier était d’initier une véritable baisse de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Le Gouvernement a repris cette idée à son compte et l'a ainsi intégrée dans la loi d'avenir agricole, promulguée le 13 octobre 2014. Son article 24 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la mise en place du dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, qualifiés de "leviers d'action alternatifs prometteurs".
Ce dispositif s'est inspiré de celui des certificats d'économies d'énergie (CEE) qui impose aux vendeurs d'énergie des obligations d'économie d'énergie les incitant à promouvoir l'efficacité énergétique auprès de leurs clients. Le dispositif CEPP engage ainsi les distributeurs et les utilisateurs dans une démarche active vers d'autres pratiques culturales et d'autres techniques agronomiques. En conclusion du rapport sur la fiscalité, "Le renforcement des contrôles et l'amélioration des outils de mesure sont les garanties de l'effet fiscal et réglementaire recherché sur la consommation des produits phytosanitaires". Son article 55 précise la mise en place de son expérimentation.
Avant cela, une mission conjointe IGF, CGAAER et CGEDD d’appui aux administrations centrales, a élaboré un rapport publié en juillet 2014, sur la préfiguration du dispositif, le définissant plus précisément dans le but de l’inclure dans la version révisée du plan Ecophyto. Cette mission a conclu que les certificats d’économie de phytosanitaires (CEPP) sont un des moyens pour accélérer la diffusion des techniques de réduction des usages des pesticides. Par ailleurs, il a été proposé que ce dispositif porte, non pas sur une obligation de résultat, mais sur des obligations de moyens qui pèsent sur les distributeurs et non sur les agriculteurs.
Dominique Potier présente l’intérêt des CEPP à la page 79 de son rapport « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible » publié en novembre 2014. A la page 135, il met en avant l'objectif des CEPP concernant le stockage des grains ; les actions seront validées en début de cette année.
A la page 146, il souligne que "Dans cette optique, et en cohérence avec l’expérimentation du dispositif des CEPP, les organismes de distribution sont conviés à jouer un rôle moteur. L’indispensable autonomisation de la fonction du conseil par rapport à celle de vente est recherchée non pas à travers une séparation institutionnelle (qui selon l’analyse présentée dans la première partie est une « fausse bonne idée»), mais plutôt à travers une définition et une certification plus précises et exigeantes des différents types de conseils. A l’issue de la phase d’expérimentation des CEPP et des nouveaux dispositifs de certification, cette ligne directrice pourra être réexaminée".
Le CESAER publie en avril 2015, une étude « Les certificats d’économie de produits phytosanitaires : Quelle contrainte et pour qui ? ».qui décrit le dispositif, puis esquisse les enjeux de son évaluation, d’après les leçons tirées d’une décennie de fonctionnement des marchés du carbone et des certificats d’économie d’énergie. Celle-ci apportait comme indication que la contrainte en termes de restitution de CEPP semblait plus importante sur une petite diagonale qui allait du golfe de Gascogne à la frontière belge avec trois orientations technico-économiques concentrant 80% de la demande estimée en CEPP : les grandes cultures, la polyculture/poly-élevage, et la vigne.
De plus, elle attirait l’attention sur six points de vigilance tirés de l’expérience des CEE :
- l’arbitrage entre le coût du dispositif et la rente informationnelle exploitée par les éligibles;
- le bouclage macro-économique, c’est-à-dire l’impact du dispositif sur le NODU national;
- l’efficacité du dispositif à stimuler l’innovation et à révéler l’information;
- le développement du marché, sa liquidité, son prix;
- les effets redistributifs indirects liés à l’allocation de la contrainte et de l’opportunité ;
- l’impact du dispositif sur la compétitivité de l’agriculture française.
Les cartes ci-contre montrent la quantité de CEPP identifiée dans ce rapport, à restituer par région (à gauche) et par ha de SAU (à droite).
Les régions situées sur une petite diagonale Nord-Ouest sont celles où la demande en CEPP est la plus forte. Rapportée à la SAU les régions céréalières et viticoles sont logiquement là où la contrainte est la plus forte.


Le plan Ecophyto II instaure les CEPP comme action n°1 dans l'axe 1 "Inciter les exploitants agricoles à adopter des pratiques concourant à la diminution de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques". Le plan Ecophyto II+ présente la séparation de la vente et du conseil et développe également le concept pour les départements d'outre-mer.
C.Huyghe et M.Blanck, appuis de la commission d'évaluation des CEPP, ont écrit successivement un ouvrage et un article d'Innovations Agronomiques retraçant l'historique et la mise en place des CEPP. Tous ces documents sont accessibles dans le carrousel ci-contre.
En février 2020, une étude de préfiguration portant sur la transposition aux Outre-mer du dispositif de Certificats d'Économie de Produits Phytosanitaires a conclu de prendre en compte la spécificité de la production agricole en milieu tropical, celle du marché de ces produits et l'organisation de leur commercialisation dans ces territoires.




Plusieurs étapes ont été nécessaires pour arriver au stade actuel :
- la loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 (dite aussi loi Potier) qui rétablit légalement le dispositif suite à l'annulation de l'ordonnance du 7 octobre 2015, relative au dispositif expérimental CEPP, le 28 décembre 2016;
- le décret n° 2019-1157 du 7 novembre 2019 portant diverses dispositions d'adaptation des règles relatives aux certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques.
Plus récemment, un arrêté révisant la méthodologie d'évaluation des actions standardisées, a inclus la possibilité de proposer des actions permettant de réduire les impacts des produits phytopharmaceutiques.
L'article "Le dispositif CEPP en détails" vous fournit tous les éléments actuels concernant leur mise en œuvre, l'accès à la plateforme du ministère et la version consolidée du dernier arrêté. L'ensemble de ces textes, ainsi que tous ceux qui encadrent le dispositif sont accessibles dans le carrousel ci-contre.
Les premières actions standardisées ont été publiées dans un arrêté le 22 octobre 2016 mais suite à l'annulation de l'ordonnance, elles ont été à nouveau publiées le 9 mai 2017 avec l'ensemble des textes réglementaires régissant le dispositif. Depuis, 19 nouveaux arrêtés ont définis de nouvelles actions, en ont supprimé ou complété (dernier arrêté du 2 mars 2023). A noter que l'arrêté du 23 décembre 2022 introduit 4 actions pour les cultures d'outre-mer.
Les graphiques suivants montrent l’évolution du nombre d’actions standardisées au fil du temps (à gauche) et la répartition par filière (à droite).
A noter qu'une action a une fin de validité au 31 décembre 2022 (003 - panneaux récupérateurs) et qu'elle est toujours incluse dans ces graphiques.

L’arrêté du 22 décembre 2022 (voir ci-contre) permet la mise en place d'actions standardisées d’économie de produits phytopharmaceutiques portant sur la diversification des cultures. La méthodologie d’évaluation de ces actions est détaillée dans cet arrêté. Un calcul déterminant la variation de la diversité des espèces collectées entre des couples d’années sera effectué en prenant en compte les données de collecte déclarées par les collecteurs de céréales.
Le Contrat de solutions comprend 44 partenaires du monde agricole qui ont identifié plus de 300 pistes de solutions durables, existantes ou d’avenir, techniquement accessibles et qui élaborent des fiches solutions prêtes à être déployées plus largement sur le terrain. Il permet aussi d’impulser l’élaboration de fiches actions CEPP, comme cela a été le cas en matière d’agro-équipement.
Certaines des solutions proposées par le Contrat, comme des pratiques agronomiques telles que l’allongement des rotations, le décalage de la date de semis… ont un intérêt démontré et sont à valoriser sur le terrain. Mais les éléments de preuve nécessaires à la validation d’une fiche CEPP sont difficiles à assembler. Comment prouver la mise en œuvre par l’agriculteur ? Enfin, le Contrat de solutions permet, en complément des CEPP, de mettre en avant des démarches collectives à l’échelle des territoires : gestion des déchets, gestion collective du feu bactérien, charte de bon voisinage.
Le ministère chargé de l’agriculture a déjà publié 5 bilans de la mise en œuvre du dispositif, disponibles ci-contre. Au moment de la publication du bilan 2021, 1 017 entreprises sont des obligées du dispositif de CEPP, mais seules 707 d’entre elles ont réalisé des déclarations d’actions, pour un total de 16,6 millions d’obligations de certificats à obtenir par la mise en place d’actions standardisées pour l’année 2021. Le nombre de CEPP obtenus est en forte augmentation (+ 34 % par rapport à 2020).

Les deux graphiques ci-contre montrent que variétés et biocontrôle sont plébiscités par rapport aux agroéquipements, les OAD ou la mise en œuvre de nouvelles pratiques agronomiques. Logique, ces deux grands groupes de solutions sont commercialisées par les obligés. Les 5 actions standardisées ayant permis d’obtenir le plus de CEPP représentent près de 62 % du nombre total de CEPP obtenus en 2021. On retrouve le soufre, le phosphate ferrique, les variétés blé, orge et colza. Dix-sept actions n'ont généré aucun CEPP à fin 2021.

De nouvelles modifications ont pris effet lorsque la séparation vente et conseil des produits de protection des plantes a été mis en place. Plusieurs textes encadrent désormais ces nouvelles mesures par la certification pour les activités de distribution, d'application et de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. À partir de 2022, les prestataires de service exerçant une activité de traitement de semences, les distributeurs de semences traitées et les agriculteurs ayant acheté des PPP à l’étranger deviennent également des obligés. Les produits utilisés exclusivement dans le cadre des programmes de lutte obligatoire ne sont pas pris en compte dans le calcul.
L’équipe EcophytoPIC a créé plusieurs bases documentaires permettant d’affiner la recherche sur des thématiques précises. Concernant les CEPP, deux bases s’intéressent à ce sujet.
- La base "Réglementation" a pour vocation de rassembler tous les textes réglementaires mais aussi informatifs autour de la protection des plantes. Celle-ci recense notamment les textes concernant les CEPP.
- La base "CEPP" (voir ci-contre) rassemble principalement l’information technique. Chaque action standardisée possède sont article qui donne un bon nombre d’information complémentaire (fiches pratiques, lien e-phy, fiches ABAA…).
Enfin, l’équipe produit régulièrement une lettre d’information, la lettre @ PIC, dont certains numéros ont été entièrement consacrés aux nouveautés du dispositif.
Les CEPP sont dans une logique vertueuse pour mettre en lumière les bonnes pratiques. - C.Huyghe - Directeur scientifique Agriculture INRAe