
Système ECO - SEFRA - MIRAD

Conception du système
L'objectif du projet MIRAD est de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires en vergers d'abricotiers. Le système faible intrant (ou ECO) a pour but de diminuer l'IFT chimique d'au moins 75% par rapport à la parcelle témoin conventionne (CONV) tout en conservant des niveaux de production corrects et sans impact négatif sur la qualité de la récolte. Il y a également un objectif de 0 résidu de pesticides.
Des produits de biocontrôle sont utilisés, certaines impasses sont faîtes et le désherbage se fait par le travail du sol. Lorsqu'il y a utilisation de produits phytosanitaires, les doses sont réduites (fermeture de buses puis adaptation du volume de bouillie au volume de feuillage au printemps).
Le verger a été planté en janvier 2019 avec la variété Delicot COV greffée sur Montclar® à une densité de 517 arbres par hectare.
La première récolte a eu lieu en 2020, du 17 au 29 juin.
Mots clés :
Arboriculture- Abricotiers - Désherbage mécanique - Agroécologie - Biocontrôle
Caractéristiques du système
Espèce | Variétés | Porte-greffe | Mode de conduite | Distance de plantation | Année d'implantation | Valorisation | Circuit commercial |
Abricot | Delicot COV | Montclar® | Gobelet | 5.5*3.5m | 2019 | Frais | Long |
Système d’irrigation : Microjets pendulaires Gestion de la fertilisation : Epandage manuel au pieds des arbres les deux premières années (N et P2O5) Infrastructures agroécologiques : Haies composites, inter-rangs enherbés, nichoirs Protections physiques : Protection anti-grêle |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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La parcelle en Production Fruitière Intégrée (PFI ou CONV) sert de référence pour le projet MIRAD. En effet, on essaye de se rapprocher le plus possible des performances de cette parcelle.
Le mot de l'expérimentateur
Le système ECO a un objectif de réduction de l'IFT chimique de 75% (hors biocontrôle) par rapport à un système témoin conduit en conventionnel (CONV). Pour atteindre cet objectif, la gestion phytosanitaire du verger a du être adaptée en substituant les interventions chimiques par des produits de biocontrôle et/ou, en cas d'utilisation de produits de synthèse, pour les maladies les plus problématiques (ex : monilia sur fleurs), en diminuant la dose de produit de synthèse de 40 % par rapport à la dose homologuée.
Ces leviers ont permis d'avoir un très bon contrôle de la majorité des bio agresseurs de l'abricotier, hormis une attaque très importante de pucerons verts (P.humulifoliae) qui est une espèce émergente en France. Cette attaque à causé une mortalité de 5% du verger ainsi qu'un affaiblissement de plusieurs arbres, ce qui a, en conséquence, impacté le rendement de la parcelle à partir de 2022.
La baisse du rendement impacte directement le résultat économique du système parce que la diminution de produits phytosanitaires de synthèse de 75% ne permet pas de mieux valoriser les abricots par rapport au système témoin conventionnel (le système ECO reste un système conventionnel).
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Entretien mécanique du rang de plantation |
Travail du sol superficiel à l'aide d'outil à disque (type intercept). Deux type de travail de sol sont utilisés en alternance : Le buttage qui créer une butte au pied des arbres Le débuttage qui vient après le buttage pour aplanir le sol |
Ce travail du sol permet d'aérer le premier horizon du sol tout en arrachant les adventices présentes sur le rang de plantation. Par rapport à un désherbage chimique, l'entretien mécanique du sol demande 2 à 3 passages supplémentaires pour conserver un sol propre. |
Broyage de l'inter-rang de plantation |
Un gyrobroyeur est utilisé pour contrôler l'enherbement des inter-rangs. |
Que ce soit en conventionnel ou en bio, le broyage est effectué de la même manière. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Impasses et utilisation de produits de biocontrôle (Psylle du prunier) |
Par rapport à une protection conventionnel, le système ECO est très peu traité contre le psylle du prunier (aucun insecticide chimique), notamment pour respecter la baisse de 75% de l'IFT (hors biocontrôle). Il y a une application de lait de chaux et un passage d'argile (de suite après la floraison pour ne pas marquer les fruits avec l'argile) pour perturber la reconnaissance des arbres par le psylle en créant une couche blanchâtre sur les organes de l'arbre. |
Quasiment aucune attaque d'ECA depuis le début du projet sur cette parcelle mais la pression d'ECA est relativement faible à la SEFRA depuis quelques années. Il n'est pas encore possible de conclure sur la bonne maitrise de ce ravageur avec ce levier. |
Produits de biocontrôle (pucerons) |
Le problème de pucerons que ce système a subit en 2022 nous a poussé à modifier la stratégie de lutte contre ce ravageur. En effet, l'absence d'insecticide à destination du psylle du prunier fait apparaître des ravageurs émergents comme le puceron. L'utilisation d'huile de paraffine (produit de biocontrôle) à deux reprises en fin d'hiver à pour objectif d'étouffer les œufs de pucerons et/ou les fondatrices au début de leur cycle de développement. |
Depuis l'utilisation de ces huiles, aucune autre attaque a été constatée sur la parcelle, à poursuivre dans le temps pour avoir plus de recul. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Réduction de la dose et du nombre de traitements |
Traiter à 60% de la dose homologuée pour gérer le monilia sur fleurs concernant les produits de synthèses (2 traitements). Substituer la dernière intervention avec le produit de synthèse par un produit biologique (polysulfure de calcium, voir schéma ci-dessus). |
Très bonne efficacité de cette technique sur le monilia sur fleurs, autant efficace que des traitements à 100% de la dose homologuée. |
Utilisation de produits biologiques |
Substitution des produits chimiques par des produits de biocontrôle (exemple du soufre pour gérer l'oïdium sur fruits verts). |
Excellente protection des fruits contre l'oïdium jusqu'à présent (2024) avec un taux d'attaque qui ne dépasse pas les 1% de fruits attaqués. Problèmes de rouille sur feuillage en fin de saison perturbant la mise en réserve des arbres. Il serait peut-être utile de rajouter un fongicide (biocontrôle) destiné à la rouille. |
Année |
Monilia sur fleurs |
Oïdium | Pucerons (Phorodon humulifoliae) | Forficules | Rouille sur feuillage | |||||
2021 |
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2022 |
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2023 |
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2024 |
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CONV | ECO | CONV | ECO | CONV | ECO | CONV | ECO | CONV | ECO |
En vert (maîtrise très satisfaisante), en jaune (maîtrise satisfaisante), en orange (maîtrise non satisfaisante), en rouge (ravageur non maîtrisé)
Le monilia sur fleurs et l'oïdium sur fruits ont très bien été contrôlés bien que nous ayons réduit l'IFT chimique de ces deux maladies.
En effet, l'IFT chimique a été diminué de 45% pour le monilia sur fleurs avec un résultat similaire à une conduite conventionnelle. Concernant l'oïdium sur fruits verts, aucun produit phytosanitaire de synthèse n'a été utilisé. La protection de cette maladie s'est faite exclusivement avec des produits de biocontrôle à base de soufre qui ont eu une bonne efficacité. Cependant, la pression de l'oïdium a été assez faible depuis le début du projet. Il serait alors judicieux d'attendre une pression élevée pour valider pleinement l'efficacité des produits de biocontrôle.
Une attaque d'un nouveau puceron (Phorodon humulifoliae) a causé la mort de 5% des arbres de la parcelle. En effet, pour atteindre l'objectif de réduction de 75% de l'IFT chimique, il n'y avait pas de traitement insecticide sur la parcelle. Afin de contrôler ce nouveau ravageur émergent, l'application d'huiles d'hiver à destination des œufs de pucerons ainsi que des traitements à base de savon noir sont effectués.
Le forficule ne pose pas de problème sur les fruits avec la pose de glu conventionnelle (seule et unique protection pour ce bioagresseur).
Le système ECO a subit des attaques de rouille importante sur son feuillage impactant le retour à fleurs des abricotiers certaines années. La protection mise en place était uniquement composée de produits utilisables en agriculture biologique avec un IFT moyen de 0,5 par an. Pour mieux contrôler cette maladie, il est possible d'effectuer un un traitement supplémentaire après la récolte (début ou mi juillet) en cas d'année humide.
Performance environnementale
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L'IFT chimique (hors produits bio) du système ECO a diminué de 86% par rapport au système témoin CONV. L'IFT total (IFT chimique + IFT vert qui regroupe l'ensemble des produits de biocontrôle) du système ECO a lui aussi diminué, de 35% par rapport au système conventionnel témoin. Il a été décidé de faire des impasses, de substituer les produits de synthèse par des produits de biocontrôle ou UAB et de réduire les doses de traitement lors de l'utilisation de produits chimiques pour diminuer l'IFT chimique. |
Performance agronomique
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La production cumulée du système ECO est inférieure de 42% par rapport au système conventionnel témoin. L'attaque des pucerons en est la cause principale avec 5% de mortalité dans le verger ECO entre 2022 et 2023. De plus, plusieurs arbres ont été fortement affaiblis suite à cette attaque (symptômes encore visibles en 2024). A cela, s'ajoute 10 % de mortalité à cause des campagnols (2022 & 2023) et du chancre bactérien (2024), ce qui a diminué le potentiel de rendement de la parcelle ECO.
Le second point pouvant expliquer cette différence de rendement est la présence de rouille sur feuillage chaque année (au mois d'octobre) dans le système ECO. Certaines années, les feuilles chutent prématurément ce qui ne permet pas aux arbres de pleinement constituer leurs réserves pour la saison suivante, ce qui perturbe le retour à fleurs de l'année suivante.
Performance économique
La marge brute est obtenue en soustrayant : le produit/ha - (charges opérationnelles/ha + amortissement/ha).
Pour bien comprendre ce graphique, il est possible de dire que lorsque la marge brute cumulée atteint le 0, le système est "à l'équilibre économiquement", puisque, depuis 2019, l'exploitant s'est versé un SMIC.
La courbe du système ECO décroche réellement en 2021 où la première récolte a eu lieu. Le système, n'ayant pas connu de bon rendement les années suivantes, n'a pas pu suivre la même évolution que le système CONV. En 6ème feuille, la marge brute cumulée est négative à hauteur de -5700 €/ha. Le retour à l'équilibre est envisageable en 2025, néanmoins, le système ECO est moins performant économiquement que le système témoin à cause d'une production plus faible.
Notation de 0 à 5 (0 : non satisfaisant, 5 : très satisfaisant)
Le système ECO donne satisfaction quant à la gestion du monilia sur fleurs (et de l'oïdium, en attendant une année à forte pression) malgré une baisse de l'IFT chimique importante pour contrôler ces maladies fongiques. De manière générale, la performance environnementale de ce système est bonne puisque l'IFT chimique a été réduit de 85% par rapport au système témoin conventionnel.
Cependant, le rendement de la parcelle est 40% (17 % de mortalité dans le verger) plus faible que le témoin, ce qui se traduit par une marge économique assez faible.
Plusieurs bio agresseurs sont capables d'affecter un verger d'abricotiers mais le monilia sur fleurs fait partie des maladies les plus redoutées par les producteurs d'abricots. En desséchant les rameaux fleuris, le monilia sur fleurs peut complètement anéantir la récolte de l'année et de l'année suivante.
Le levier utilisé sur le système ECO est la réduction de doses de produit de synthèse, c'est-à-dire que le produit appliqué sera le même que pour le système témoin mais la dose sera 40% plus faible. De plus, 3 traitements chimiques sont généralement effectués pour couvrir au mieux l'ensemble de la période de floraison. Le dernier traitement a été substitué par un fongicide bio (polysulfure de calcium) pour diminuer, une nouvelle fois, l'IFT chimique du système ECO.
CONV | ECO | |
2024 | 0 | 0,3 |
2023 | 0 | 0,2 |
Les résultats de ces deux dernières années montrent de très faibles attaques de monilia sur fleurs pour les deux systèmes. La réduction de dose en ECO a permis de parfaitement contrôler cette maladie. Il est alors envisageable de réduire les doses de traitement pour cette maladie sans prendre beaucoup de risque.
Les performances de production et économiques du système ECO sont inférieures au système témoin conventionnel à cause de la mortalité importante du verger due aux pucerons verts, aux campagnols et à la bactériose. En admettant que les pucerons peuvent maintenant être gérés (cf. gestion des ravageurs) par l'application d'huiles d'hiver et que les dégâts de campagnols ont diminué avec le piégeage manuel (piège Topcat), la performance économique d'un système de ce type pourrait être supérieure à la performance présentée actuellement dans ce projet avec le recul que nous avons à présent.
L'efficacité du système en réduisant de 86% l'IFT chimique vis-à-vis de plusieurs bioagresseurs doit être soulignée. Les leviers de substitution et de réduction de doses ont permis de très bien gérer les maladies, notamment le monilia sur fleurs en obtenant des résultats similaires au système témoin. Ces leviers peuvent être utilisés en exploitations agricoles sur cette maladie sont prendre trop de risques sur la production finale.
Le système ECO présente des aspects positifs avec la bonne gestion de certains bioagresseurs malgré la réduction de l'IFT chimique. Toutefois, plusieurs bioagresseurs ont impacté négativement la performance agronomique et économique du système :
- Les pucerons verts ont causé 5% de mortalité du verger. Ils sont maintenant gérés par l'application d'huiles blanches utilisées en fin d'hiver pour lutter contre les œufs hivernants.
- Le campagnol provençal qui a lui aussi provoqué la mort de 5% des abricotiers. Il a été piégé manuellement (piège Topcat) depuis 2022 à la SEFRA, ce qui semblerait avoir diminué les attaques en 2024. Cette méthode est efficace mais reste chronophage.
- Le chancre bactérien en 2024 qui a causé lui aussi la mort 5% des arbres du verger en raison d'une pression importante cette année là.
Des stratégies d'adaptation ont été mises en place face aux problèmes rencontrés avec une efficacité intéressante. A présent, en cas d'installation d'un système en économie d'intrants, les problèmes rencontrés sur ce projet pourraient être évités en mettant en place ces stratégies de lutte contre les pucerons verts et également contre le campagnol (si la pression est forte).
De plus, cet essai est conduit sans répétition, comme la plupart des expérimentations en arboriculture pour des raisons de coûts et de place disponible). Par conséquent, il n'est pas possible de rejeter l'hypothèse d'un biais qui pourrait exister entre les deux systèmes (CONV et ECO) concernant la qualité du sol, la pression en maladie, l'exposition au vent...