Virus phytopathogènes et Protection intégrée des cultures

Fréquents lors de la culture de nombreux végétaux, les phyto-virus peuvent s’attaquer à l’ensemble des organes des plantes, provoquant ainsi leur dépérissement.
Selon la classification actuelle, il existerait trente-trois genres de virus affectant les plantes, répartis en neuf familles ; on en connaît plus de mille différents.
Les virus sont des entités infectieuses infiniment petites, invisibles au microscope optique. Leur structure est simple : une coque protéique, la capside, renfermant un acide nucléique qui est bien souvent de l’ARN (acide ribonucléique) chez les virus phytopathogènes. Les virus sont obligés de vivre dans les cellules de leur plante hôte dont ils détournent le système enzymatique à leur profit. Ils sont alors à l'origine de viroses = maladies qui se développent lors de l'infection d'une plante par un virus. Consulter le site Ephytia pour en savoir plus sur les virus en général : ici ou là.














Dégâts provoqués par les virus végétaux
Les phyto-virus peuvent infecter les tissus des racines, des tiges ou ceux des feuilles; entrainant une maladie généralisée du végétal.
- Dégâts sur le feuillage : Souvent, le feuillage prend un aspect de « mosaïque » : coloration irrégulière des feuilles. Les feuilles peuvent aussi se déformer : taille réduite, aspect gaufré ou longiligne, apparition de cloques… Enfin, elles peuvent se nécroser, jaunir et sécher.
- Dégâts sur la floraison et la fructification : Les fleurs se nécrosent et avortent. Il n'y a donc plus ou très peu de fruits ou légumes. Ceux qui persistent sont plus petits et nécrosés, mûrissent plus lentement et sont peu appétissant.
- Dégâts sur les tiges : la croissance des tiges ralentit et des nécroses apparaissent également. Les plants s'étiolent.
Les phyto-virus peuvent se transmettre de deux façons :
- soit à partir de tissu végétal issu d'une plante infectée : boutures, graines, multiplication de tubercules, rhizomes ou bulbes ;
- soit par vecteur = organisme vivant capable de prélever, transporter et inoculer un virus à une plante-hôte (définition Ephytia) : il s'agit principalement d'insectes piqueurs-suceurs (pucerons, cicadelles, cochenilles, thrips…), mais aussi d'acariens, de champignons microscopiques ou de vers.
La transmission est différente selon que le virus a la capacité de se multiplier dans le vecteur (mode persistant) ou non (mode non persistant), ou de persister dans l'appareil digestif de celui-ci sans pour autant s'y multiplier (mode semi-persistant). (Source Universalis)
Facteurs favorisant les viroses végétales
- environnement des cultures, surtout s'il favorise la présence d'insectes piqueurs-suceurs et de plantes réservoirs
- climat : des hivers doux favorisent la précocité et l'importance d'épidémies à virus car ils mettent en présence simultanée des plantes adventices et des parasites; alors que des hivers plus rigoureux, détruisent ces réservoirs de vecteurs et de virus, réduisant ainsi leur fréquence et leur importance. Le ruissellement et l'érosion peuvent faire circuler un virus transmis par des vecteurs situés dans le sol comme les nématodes.
- présence de vecteurs très mobiles tels que les pucerons ailés augmentera la vitesse de diffusion de ces virus à toute une parcelle de terrain cultivée en quelques semaines, alors que d'autres vecteurs qui se déplacent très peu, tels que des nématodes, ne les diffuseront que de quelques mètres par an.












Méthodes de lutte
Il n'existe pas actuellement de traitements curatifs des viroses végétales, il est donc essentiel de mettre en place des méthodes préventives.
Lorsqu'un nouveau virus émerge, un dispositif de surveillance, lutte et prévention peut être mis en place au niveau national pour contrer son arrivée sur le territoire. C'est ce qui se passe en ce moment pour le virus ToBRFV de la tomate, dont le dispositif est détaillé ci-contre.
Un programme de contrôle et de certification des plants et semences permet de vérifier leur état sanitaire au moment de leur achat ou importation. La certification atteste ainsi de la qualité sanitaire des plants et semences. Plus de détails en Arboriculture (Nouvelle Réglementation Certification fruitière 2017), et en Viticulture (Certification des bois et plants de vigne), et en Grandes Cultures et Cultures Légumières (article ci-contre).
De nombreux laboratoires travaillent à la reconnaissance et au repérage des phyto-virus : consulter la brochure sur le laboratoire du Pôle National Matériel Végétal de l’IFV par exemple.
Regarder la vidéo sur les risques associés au commerce mondial de plantes : "L'Institut allemand Julius Kühn (JKI) lance son programme pour l'Année Internationale de la Santé des Plantes" (1'29).
Les variétés résistantes et tolérantes aux virus constituent une stratégie de lutte efficace. Cependant, face à l'utilisation massive de telles variétés, des contournements de résistances peuvent apparaître. Il est donc essentiel de mettre en place des stratégies de gestion des résistances à l'échelle des territoires. La lutte contre la rhizomanie de la betterave est un exemple qui illustre bien ce propos (cf. article ci-contre).
L'utilisation de variétés résistantes ou tolérantes est une solution préconisée, pour laquelle il existe une action CEPP : "Lutter contre le virus de la jaunisse du navet sur colza en choisissant une variété assez résistante" (cf. article ci-contre). L'outil myVar développé par Terres Inovia est alors très utile pour sélectionner la variété la plus adaptée à son contexte en colza, tournesol, pois, lin, soja, chanvre et féverole.
Grâce au contrôle des végétaux, on ne trouve dans le commerce que des végétaux garantis sans virus par leurs fournisseurs. Mais il faut tout de même être vigilant et n'acheter, ne planter et ne multiplier que des végétaux dont on est sûr qu'ils sont exempts de virus, qu'il s'agisse de graines, de bulbes, de tubercules ou de rhizomes. L'hygiène des outils est un levier important pour éviter la propagation des virus.
En ce qui concerne l'environnement cultural, il est important d'éliminer les réservoirs ou vecteurs potentiels aux abords des cultures. Des mesures agronomiques peuvent également être prises, comme c'est le cas pour lutter contre le virus du Court Noué (consulter l'article).
Point sur la recherche et l'innovation
Le projet de recherche ABCD_B a pour objectif d’évaluer des solutions pour la protection contre les maladies à virus transmises par des pucerons sur les principales grandes cultures : céréales à paille (B/CYDV), colza (TuYV), betterave (BMYV). Deux stratégies sont à l'étude : la voie génétique (résistances et tolérances variétales) et les produits de biocontrôle pour lutter contre les pucerons et la propagation des viroses dans les parcelles cultivées. Plus de détails dans la description du projet ci-contre.
Le projet PLANTSERV, quant à lui, prévoit de comparer deux régions (Pays de Loire-Bretagne) pour produire une méthode de lutte contre le virus de la JNO (Jaunisse Nanisante de l'Orge) grâce aux plantes de services. Plus de détails ci-contre.
D'autres travaux de recherche sont présentés dans la vidéo ci-contre : l'équipe de virologie de l'INRAE d'Avignon cherche à mieux connaître et détecter les virus des plantes légumières et ornementales. Ils recherchent et évaluent des moyens de lutte, dont deux principalement :
- La perturbation des pucerons vecteurs sur des parcelles de plein champ, via l'implantation de bandes fleuries : rôles de filtre à virus et de régulation par les ennemis naturels.
- La prémunition, qui consiste à inoculer de jeunes plants avec une souche peu virulente du virus étudié
Pour en savoir plus, consulter la vidéo et l'article associé : "Alternatives aux pesticides contre les virus des plantes potagères".





Il existe quelques virus qui peuvent servir pour lutter contre des insectes ravageurs ou des virus. Cette technique alternative est détaillée dans les leviers PIC ci-contre ainsi que sur le site GECO : consulter l'article "Pratiquer la lutte biologique en verger - pulvérisation de micro-organismes".
Parmi les virus utiles en termes de biocontrôle, on recense (liens vers Ephy):
- des insecticides biologiques qui permettent de lutter contre les chenilles phytophages (Virus de la granulose : Adoxophyes orana GV strain BV-0001, Helicoverpa armigera nucleopolyhedrovirus, et Spodoptera littoralis nucleopolyhedrovirus) et contre les chenilles foreuses des fruits (Cydia pomonella granulosis virus, qui a plusieurs isolats permettant de mieux gérer les résistances).
- des stimulateurs de défenses des plantes qui permettent de lutter contre des virus via le mécanisme de la "protection croisée". On introduit des isolats peu virulents du virus qui colonisent les plantes rapidement et les protègent contre de nouvelles attaques par des isolats agressifs du même virus. Une plante infectée par un isolat d’un certain virus ne peut plus être infectée avec un autre isolat du même virus. Cela concerne actuellement deux virus : le virus de la mosaïque du Pépino (Pepino Mosaic Virus, CH2 strain, isolate 1906, Mild pepino mosaic virus isolate VC1, Mild pepino mosaic virus isolate VX1) et le virus de la mosaïque jaune de la courgette (Zucchini Yellow Mosaik Virus, weak strain)
L'utilisation de virus en tant que biopesticides est préconisée pour lutter contre certains lépidoptères. Deux actions CEPP existent à ce propos (cf. articles ci-contre). Pour en savoir plus sur les baculovirus, consulter le site Ephytia.
Dans un autre registre que le fameux Covid19, les virus phytopathogènes induisent des dégâts importants et de fortes contraintes pour les agriculteurs qui souhaitent s'en préserver, entre autres : gestes barrières, confinement, attestations de déplacement pour les plants...