Système ECO+ Surprise - INRAE Gotheron - EcoPêche 2
Conception du système
Le système a pour objectif de tester des stratégies de protection proche de ce qui est réalisé en agriculture biologique, tout en maintenant une fertilisation minérale. Ainsi, nous priorisons les produits de biocontrôle et les infrastructures agroécologiques. Le rang est enherbé et la tonte de l'inter-rang est déportée sur le rang en mulch pour limiter les à-coups de nutrition hydrique à l’origine de l’apparition des microfissures sur les fruits. Nous nous autorisons sur ce système une légère baisse de productivité et des résultats technico-économiques.
Mots clés :
Pêcher - Agroécologie - Efficience des traitements phytosanitaires - Biocontrôle
Caractéristiques du système
Espèce | Variétés | Porte-greffe | Mode de conduite | Distance de plantation | Année d'implantation | Valorisation | Circuit commercial |
Pêcher | Surprise | Cadaman | Gobelet | 3,75 x 5 m | 2011 | Frais | Circuit long |
Système d’irrigation : Micro-aspersion suspendue pour permettre la gestion de l'enherbement Gestion de la fertilisation : Fertilisation inférieure à la référence PFI (Production Fruitière Intégrée) (dernier apport post récolte supprimé) Infrastructures agro-écologiques : Lierre Protections physiques : Pas de protection physique |
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Le mot de l'expérimentateur
Le système ECO+ Surprise remplit très largement les objectifs de réduction des IFT de 75% par rapport à la référence PFI. Cependant, ces bons résultats environnementaux s'accompagnent de mauvaises performances agronomiques et économiques. En effet, les rendements et la marge partielle sont nettement réduits en comparaison avec le système PFI. De même, la conservation des fruits post récolte n'est pas satisfaisante.
Un tel système qui utilise une stratégie phytosanitaire compatible avec l'agriculture biologique mais qui ne peut pas prétendre à la certification en raison de l'utilisation de fertilisants chimiques n'apparait pas très durable. Il mériterait une transformation plus complète avec la substitution des fertilisants chimiques avec des fertilisants organiques pour pouvoir prétendre à une certification "agriculture biologique", ce qui permettrait de mieux valoriser les produits vendus.
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des adventices.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Broyage rang et inter-rang |
Le verger est totalement enherbé. Il est broyé lorsque l'herbe gène les interventions. Le broyage permet de limiter la concurrence hydrominérale exercée par l’enherbement. L’enherbement, quant à lui, facilite l’accès du verger aux machines et au personnel, et limite les pertes par lixiviation |
Le broyage du rang nécessite une bonne maîtrise des outils déportés (risque de blessures aux arbres). |
Mulch rang | Le mulch freine la croissance de l'enherbement sur le rang et limite ainsi la concurrence | Au printemps, nous laissons l'enherbement de l'inter-rang se développer pour former un maximum de biomasse. Avant l'éclaircissage nous broyons le rang puis nous broyons l'inter-rang avec un broyeur avec déport latéral qui va constituer un mulch sur le rang. Le mulch limite la concurrence jusqu'à la récolte. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des ravageurs.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Huile blanche | Asphyxie les formes hivernantes et les fondatrices de pucerons (notamment). | Les huiles donnent de bons résultats dans nos systèmes et appliquées juste avant fleur elles permettent de se passer d'autres interventions phytosanitaires contre les pucerons. |
Confusion sexuelle tordeuse orientale du pêcher | Limite la rencontre des tordeuses orientales mâles et femelles. La reproduction est ainsi fortement réduite. | Cette pratique montre une bonne efficacité. Sur ce verger, nous n'avons pas besoin de compléter systématiquement la lutte contre les tordeuses avec des insecticides. |
Bacillus thurengiensis | Induit la mort des chenilles (dans notre cas les tordeuses orientales et anarsia). | Traitement à positionner sur le pic d'émergence des larves. Nous le positionnons généralement sur le pic de la 1ère génération (G1) ou de la seconde génération (G2) si nécessaire. Certaines années le traitement n'est pas utile et donc pas réalisé (comptage). |
Piégeage massif | Permet de limiter la quantité de forficules présents dans le verger. | Les pièges sont positionnés 10 à 15 jours avant récolte et vidés chaque semaine, de 2020 à 2022. |
Glu | Limite la remontée des forficules dans la canopée. |
La pose de glu génère des temps de travaux importants. La glu ne pouvait pas être mise en place jusqu'en 2022 car nous laissions pousser du lierre sur les troncs. En 2023, nos règles de décision ont évolué, le lierre a été supprimé car jugé défavorable à la qualité sanitaire des fruits. |
Avertissement : seuls les principaux leviers mis en œuvre dans le cadre de l’expérimentation et permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Suppression des momies | Effectuer une prophylaxie du monilia sur le verger. Permet de limiter la présence de l'inoculum. | Il n'est pas possible de conclure sur l'efficacité de ce levier. Sa mise en œuvre est relativement simple une fois les feuilles chutées à l'automne. |
Hydroxyde de calcium | Barrière physique. | L'avantage de l'utilisation d'hydroxyde de calcium dans la lutte contre la cloque réside dans son positionnement assez souple (avant l'apparition de la pointe verte pour le premier passage). |
Oxyde de cuivre | Action multisite sur le développement de la cloque. | Pour limiter les doses de cuivre, nous réalisons généralement deux traitements à demi-dose. Les autres traitements contre les épisodes à risque de cloque sont réalisés avec du polysulfure de calcium. La mauvaise connaissance de l'épidémiologie de la maladie impose de protéger de la quasi totalité des épisodes pluvieux avec des variétés sensibles comme Surprise, au risque d'avoir de très fortes contaminations du verger (pouvant aller jusqu'à 100% de feuillage atteint). |
Polysulfure de calcium | Dessication puis mort des spores en cours de germination. | Le polysulfure de calcium est utilisé de manière préventive avant un épisode pluvieux mais aussi en rattrapage après une pluie non prévue et non protégée. |
Soufre |
Dessèchement des feuilles cloquées. |
Accélération de la chute des feuilles cloquées (intérêt à démontrer). |
Bacillus subtilis | Compétition avec les agents responsables des monilioses. | L'efficacité semble très aléatoire. |
Adventices | Pucerons | Tordeuses | Forficules | Cloque | Oïdium | Moniliose | ECA | Sharka | |
2019 | Grêle | ||||||||
2020 | |||||||||
2021 | |||||||||
2022 | |||||||||
2023 |
Légende :
Bonne maîtrise | Maîtrise moyenne | Maîtrise insuffisante | Non évaluable |
Les adventices sont gérées de manière satisfaisante avec le mulch issu de l'inter-rang déposé sur le rang. Il permet de limiter la concurrence sur les périodes les plus critiques vis à vis de la concurrence hydrominérale.
Concernant les ravageurs, le forficule est une problématique croissante d'année en année. Sur ce système de culture, on observe jusqu'à 10% des fruits mordus au moment de la récolte, ce qui constitue une forte perte. Jusqu'en 2022, le choix de laisser du lierre sur les troncs pour favoriser la biodiversité a offert un refuge et a limité les possibilités d'action (piégeage massif uniquement avant récolte). En 2023, nous avons supprimé ce lierre et mis en place de la glue, mais les dégâts ont tout de même été importants.
L'autre problématique forte de cette parcelle est liée aux monilioses sur fruits à la récolte et en conservation. Elle est liée en partie à la problématique forficule. En effet, les fruits mordus développent des monilioses, la morsure étant une porte d'entrée pour le champignon. Les années ont été humides (2021, 2023), il est particulièrement difficile de maîtriser le risque monilia sur ce système, que ce soit à la récolte ou en conservation.
Performance agronomique
Les rendements observés pour ce système de culture sont assez irréguliers. Cela est principalement lié à l'épisode de gel tardif du printemps 2021 qui a fortement impacté la production 2021 puis celle de 2022 (potentiel plus élevé).
La part des fruits non commercialisables en frais (industrie + déchets) est très importantes dans ce système. En effet, de nombreux fruits présentent des défauts (morsures, pourritures...) en lien avec une maîtrise sanitaire défaillante, notamment sur les monilioses.
Performance environnementale
Ce système présente des niveaux d'IFT hors biocontrôle qui correspondent à l'objectif de -75% par rapport à la référence PFI. Cela est donc particulièrement satisfaisant. Les seuls IFT hors biocontrôle qui se maintiennent à partir de 2020 correspondent à des traitements à base de cuivre contre la cloque du pêcher.
Notons en prime que nous ne retrouvons pas de résidus de produits phytosanitaires dans ces fruits.
Performance économique
La marge partielle (chiffre d'affaire - coût de production) est fortement impactée par les faibles niveaux de productions de fruits commercialisables et n'est pas compensée par des prix de vente valorisant les performances environnementales du système.
Note de 0 à 5 (0 pas satisfaisant, 5 très satisfaisant).
Le système est performant sur les aspects environnementaux et santé, mais est beaucoup moins performant sur les aspects technico-économiques. En effet, sur les aspects environnementaux et santé, la baisse marquée des IFT permet une meilleure préservation de la biodiversité, de la qualité de l'air et de l'eau. Cependant, cette diminution, dans le cadre de ce système, se traduit par des performances agronomiques en demi-teintes (moins bonne maîtrise de la cloque et du monilia, ce qui se traduit par une diminution du rendement et de la qualité des fruits).
La conservation des fruits post récolte est très importante pour la commercialisation des fruits. Sur ce système, il y a peu d'applications de produits de conservation avant récolte (Bacillus subtilis). Les résultats obtenus sont très variables selon les années. Les années pluvieuses génèrent de fortes contaminations. Par ailleurs, la problématique croissante des attaques de forficules contribue à des conservations de fruits parfois peu idéales.
Ce système de culture apparait comme ayant de bonnes performances environnementales.
Cependant, les objectifs très ambitieux de réduction des IFT et d'absence de résidus dans les fruits à la récolte génèrent des prises de risques qui peuvent être difficilement soutenables. Ce type de système pourrait ne pas être adapté à toutes les exploitations agricoles produisant de la pêche.
Concernant son efficacité pour ce qui est de la gestion de l'enherbement, le mulch déporté montre son intérêt. Les arbres ne semblent pas souffrir d'une concurrence de l'enherbement (c'est difficilement mesurable, mais des résultats allant dans le même sens sont observés sur un essai analytique) et l'utilisation du mulch permet de limiter le nombre d'interventions sur le rang ce qui permet de limiter les temps de travaux et de faire des économies de carburant.
Ce système induit, comme nous l'avons vu, des prises de risques importantes. Cependant, les prises de risques ne sont pas toujours compensées par les économies de temps de travail ou d'intrants. Or, les prix de vente ne valorisent pas les performances de ce système que ce soit sur le volet santé (absence de résidus), ou sur le volet environnemental (IFT très bas). La question pourrait se poser de faire basculer ce système vers l'agriculture biologique, dont il est très proche. Cependant cela nécessiterait d'utiliser des fertilisants bio, alors que ces derniers sont plus coûteux que ceux utilisés dans ce système.