Conception du système

Les vergers de pêchers français sont déjà très performants dans le cas d'une conduite classique. L'objectif de cet essai est de reconcevoir un verger de pêchers afin de pouvoir actionner des leviers susceptibles de permettre la réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires sans diminuer les performances économiques et agronomiques des vergers.

Mots clés :
Pêche - Reconception verger - Biocontrôle - Pulvérisation tangentielle - Performance

 Caractéristiques du système

Système d’irrigation : Goutte-à-goutte sous la bâche tissée Gestion de la fertilisation : Ferti-irrigation avec fertilisation liquide. 1er apport d'ammonitrate solide, puis complet Infrastructures agro-écologiques : Haies composites, abris pour serpents, nichoirs, palox aménagés Protections physiques : Bâches tissées pour la gestion des adventices

Pour chaque année et chaque maladie, l'efficacité de la stratégie déployée est présentée dans ce tableau où  :

• le vert atteste d'une bonne efficacité
• le jaune révèle une efficacité avec des dégâts acceptables
• le orange atteste des dégâts ayant une perte de récolte ou une attaque sérieuse en verger 
• le rouge montre une perte sérieuse de récolte ou la mise en péril du verger                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

Sur le Thrips, les stratégies alternatives n'ont pas tout le temps bien fonctionné à cause d'une pression moyenne constante et aucun insecticide n'a été déclenché contre ce ravageur. 

En revanche, pour le pucerons, durant les années 2020 et 2022 il a fallut s'appuyer sur des insecticides pour permettre une bonne gestion de ce ravageur. Les stratégies alternatives sont un échec à cause 1) de leur efficacité intermédiaire  et 2) d'une mauvaise concordances de cycles biologiques entre celui des pucerons et celui des auxiliaires. L'arrivée de ces derniers était souvent trop tardive et l'infestation trop importante pour pouvoir être gérée. L'insecticide utilisé en ultime recours est un produit appelé à disparaitre prochainement. La problématique puceron risque donc de prendre de l'importance dans le futur. 

Il semblerait que les ravageurs puissent se gérer plus facilement que les maladies fongiques, à l'image de la cloque et les maladies de conservations. Le tableau permet de bien mettre en évidence que ces deux bioagresseurs ont été compliqués à gérer avec des solutions alternatives. Les leviers mobilisés n'ont pas été assez efficaces en condition de pression moyenne à forte.  Ce sont deux problématiques récurrentes en agriculture biologique également.
Le levier génétique serait une piste à tester pour contenir ces deux maladies, ou bien une meilleure connaissance de leur cycle biologique, qui pourrait amener à tester de nouveaux leviers innovants. 

La bâche permet une très bonne gestion des adventices. Malgré le coût élevé de sa mise en place, elle permet de supprimer les herbicides dès la plantation, sans nécessiter l'achat d'outil de travail du sol et sans alourdir les temps de travaux, notamment les passages de tracteur. 

 Performance  environnementale

Les performances environnementales du dispositif Eco-Innovant sont mesurée par l'IFT. Le détail de ce dernier par catégorie de produit permet de voir si les objectifs de réduction ont été atteints.

IFT par modalité et par cible (20219 -2022)

La composition de l'IFT chimique est la même en PFI au fil des années : une utilisation équivalente d'insecticides et de fongicides, quelques IFT verts et 1 à 2 IFT herbicides. La notion de protection raisonnée se vérifie puisque la quantité d'IFT est variable selon les années, selon les pressions exercées.
La réduction exercée par année est variable. En moyenne on mesure une diminution de -80 de l'IFT chimique sur la durée du projet.
La suppression des insecticides n'a pas pu être réalisée et ce quelle que soient les années et les pressions exercées, mais son utilisation a fortement diminuée. De même, les fongicides ont été fortement réduits. Ces réduction ont été majoritairement permises grâce à la substitution avec des produits de biocontrôle et à une diminution des doses utilisées. 

Performance  agronomique

Les performances agronomiques sont mesurées par de multiples indicateurs. Les plus parlants et représentatifs de la qualité pour comparer les deux systèmes sont la production et la répartition de calibre, qui influent grandement le chiffre d'affaires. 

En 2019, l'année a été qualifiée de "facile" sur le plan phytosanitaire. Les productions des deux systèmes sont donc très proches. 
A partir de 2020, les pressions augmentent, ce qui se ressent dans les performances. Une diminution d’environ 35% de la production est observée en 2020 et 2022 dans le système ECO. Les principales causes de cette baisse sont la cloque et les maladies de conservations. 

Moyenne pondérée de la répartition des calibres

Les deux calibres les mieux valorisés en pêches nectarines de bouche sont les calibres A et 2A. Le calibre 3A reste mieux valorisé que le B. Aussi, pour évaluer la performance du système, l'indicateur % de A et + permet de se faire une bonne idée de la qualité de production de chaque système. Le % de A et + est proche pour les deux modalités, bien qu'il soit plus avantageux de 12% en PFI. La proportion de calibre B est supérieure en ECO. 

Malgré la production plus faible, l'impact des maladies sur la vigueur n'a pas permis au dispositif ECO de compenser son manque de production avec une meilleure répartition de calibre.

Performance économique

L'objectif de ce projet est de maintenir une performance économique équivalente, si possible, ou pas trop déficitaire, à celle du système PFI. 
L'un des indicateur utilisé ici est la marge partielle.

MARGE PARTIELLE =  Chiffre d'Affaires (quantité produite X (prix de vente- conditionnement)) - Coûts de production (main d'œuvre + coût mécanisation + coût des intrants (phyto, ferti, eau)).  

Ecopêche : Indicateurs économiques de 2019 à 2022 en €/ha

Lors de l'analyse économique on retrouve les "catastrophes" des années 2020 et 2022.
En 2019, peu d'écarts sont constatés. En revanche, à partir de 2020 la modalité ECO n'est pas à son avantage et creuse chaque année l'écart avec le système PFI. Même si en 2021 les productions étaient plus proches qu'en 2020 et 2022, la répartition de calibre moins avantageuse ne permet pas de limiter l'écart entre les deux modalités, encore un peu plus marquée avec la campagne 2022.

Au final, sur les quatre années de production, l'écart de marge partielle cumulée est de 45% en défaveur de la modalité ECO. 
On peut tolérer un déficit de  marge partielle de 5 à 10% mais pas au delà. L’écart est donc trop important ici. Ainsi, le système Eco-Innovant ne rempli pas la condition du maintient de le performance économique. 

Satisfaction du pilote vis-à-vis du ​ système selon plusieurs indicateurs

Note de 1 à 5 ( 1:Très défavorable ; 2:Défavorable ; 3:Peu favorable ; 4:Favorable ; 5:Trés favorable )

Les deux dispositifs tirent leurs avantages dans des secteurs bien distincts. 
Le dispositif ECO est très performant concernant les indicateurs environnementaux mais est plus décevant concernant les indicateurs de performance agronomique et en particulier économique. 
Ces deux dispositifs semblent être deux extrêmes auxquelles il faudrait trouver un intermédiaire qui permette d'élever les performances agronomique et économique du système Eco-Innovant, tout en élevant les performances des indicateurs environnementaux du PFI. 

Sur un plan purement pratique, il semble possible de diminuer les IFT sans trop impacter la production et l'économie à condition de repenser son verger. 

La densification de la modalité ECO a même permis de régulariser un peu plus la production. Les performances agronomiques restent à améliorer, pour tenter d'atteindre la rentabilité plus rapidement sur ce verger aux investissements plus élevés. 

La pulvérisation à flux tangentiel est un levier prometteur. Elle permet d’améliorer les performances environnementales tout en garantissant une protection phytosanitaire chimique suffisante pour produire convenablement. En revanche, la bâche tissée est un succès sur cet essai système.

Sur l'espèce abricotier et en mobilisant les leviers tels qu'ils l'ont été dans cet essai, il semble envisageable de conclure favorablement quant à la possibilité d’une production durable avec une diminution d'IFT de 50 à 60%.

Attention, des impasses techniques persistent encore sur certains bio-agresseurs majeurs en cas de moyenne et forte pression. Avec le changement climatique tout n'est pas acquis et le travail demande à être poursuivi notamment avec le levier génétique qui reste une piste intéressante qu'il faudrait plus largement explorer, permettant peut-être de sortir des impasses techniques plus facilement.

Le nouveau dispositif ECO et BIO+ de MIRAD tentent d'apporter des réponses sur ce levier.