Système ECO2 - INRAE Avignon - EcoPêche 2
Conception du système
Lors de la plantation du système en 2013 (EcoPêche 1 : 2013-2018), la réduction de l’usage des pesticides reposait sur une reconception du système associant des choix de « design » à la plantation (densité et conduite des arbres, aménagements agro-écologiques, systèmes d’irrigation, paillage horticole) et des règles de décision pour gérer les itinéraires techniques utilisant au maximum les produits de biocontrôle disponibles, ainsi que des méthodes culturales devant réduire la sensibilité aux bioagresseurs (pilotage de l’irrigation…). L’hypothèse testée est que l’augmentation de la prise de risque doit être compensée par une augmentation de la résilience du système grâce à l’ensemble des leviers d’action mobilisés.
A partir de 2019 (projet Ecopêche 2 : 2019-2023), l'objectif sur S3-ECO2 est de réduire de 75% à 90% les IFT à base de produits de synthèse, en intensifiant en particulier l'usage des barrières physiques et/ou de produits de biocontrôle, mais aussi en installant une plante de services (menthe poivrée) sur le rang des arbres. L'effet de la menthe est étudié pour évaluer son rôle pour contrôler les pucerons via les composés organiques volatils (COV) et dans le contrôle des adventices. Un test du rôle de l'azote en association avec la menthe a été mis en place en 2020 et 2021 pour évaluer l'effet sur la maîtrise des populations de pucerons, ainsi que pour évaluer l'effet de compétition de la menthe sur la nutrition azotée des arbres.
Mots clés :
Pêche-Nectarine - Conduite des arbres - Plantes de service - Biocontrôle - Azote
Caractéristiques du système
Espèce | Variétés | Porte-greffe | Mode de conduite | Distance de plantation | Année d'implantation | Valorisation | Circuit commercial |
pêche-nectarine | Nectarlove | GF677 | Simple Y oblique | 5 x 2,20 m | 2013 | en frais | long/court |
Système d’irrigation : Microjet sur le rang depuis début 2020. Gestion de la fertilisation : Essai factoriel avec 4 niveaux d'azote inclus dans l'essai système. Infrastructures agro-écologiques : Haies composites au nord et au sud de la parcelle - bandes fleuries à l'Est et l'ouest - Plantation de Menthe poivrée sur le rang en 2020.
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Agronomiques |
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Environnementaux |
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Maîtrise des bioagresseurs |
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Socio-économiques |
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Sur pêche – nectarine, l’absence de variétés commerciales présentant un niveau de tolérance suffisant aux maladies et aux ravageurs est un véritable verrou technique. De ce fait, la faisabilité d’une réduction de -80 % des IFT chimiques tout en maintenant un niveau satisfaisant de performances agronomiques et technico-économiques est un vrai enjeu, notamment pour garantir la durabilité économique si l’on souhaite pouvoir commercialiser aussi sur les circuits commerciaux court et long. L'augmentation de la densité de plantation et le nouveau système de conduite en simple Y oblique a pour objectif d'augmenter le potentiel productif du système afin de compenser les risques de dégâts et de pertes de fruits par les bioagresseurs.
Le mot de l'expérimentateur
Le système Eco2 a rempli l’objectif de réduction de 80% des pesticides de synthèse sur la période 2019-2023. La stratégie de réduction est basée sur la substitution par des produits de biocontrôle. Aussi, les IFT totaux se maintiennent et sont parfois supérieurs au système de Référence, car il est nécessaire de réaliser plus d’applications de ces produits afin de garantir leur efficacité. Deux à trois interventions avec des pesticides de synthèse sont encore nécessaires pour la gestion de la cloque, sans lesquels le contrôle de cette maladie est très difficile. L'introduction de menthe poivrée au pied des pêchers a permis d'économiser 3 IFT verts comparativement au système Eco1, sans qu'une augmentation des dégâts ne soit observée.
On observe une réduction de la marge partielle de 30 % par rapport au système de Référence (moyenne sur la période 2019-2023), car les pertes à la récolte sont plus importantes. Cela est surtout dû aux dégâts causés par les ravageurs (pucerons et forficules), qui induisent des défauts visuels sur les fruits. Ce système est économiquement plus satisfaisant que le système Eco1, mais reste bien inférieur au système de Référence.
Leviers | Principes d'action | Enseignements |
Désherbage mécanique | Empêcher la levée et le développement des adventices | Technique efficace, nécessitant cependant d'avoir un système d'irrigation adapté : le système d'irrigation a été changé pour permettre l'irrigation de la menthe poivrée sur une partie du système, ce qui a compliqué le passage de l'intercep. |
Menthe poivrée sur le rang | Entrer en compétition (spatiale et nutritionnelle) avec les adventices | La menthe poivrée n'a pas un pouvoir couvrant suffisant pour maintenir une pression faible d'adventices et son développement est trop tardif. Il est possible qu'un désherbage manuel les 2 premières années après implantation de la menthe aurait pu permettre de maintenir un niveau d'infestation plus faible (remarque : cette plante de service a été surtout choisie pour ses propriétés répulsives vis-à-vis des pucerons et non pour sa capacité couvrante). |
Leviers |
Principes d'action |
Enseignements |
Réduction irrigation et fertilisation |
Maîtriser la vigueur des arbres (une trop forte vigueur peut induire une plus forte appétence des pucerons) |
Sur le long terme, baisse de la vigueur des arbres comparativement au système de Référence, mais efficacité non vérifiée vis-à-vis des pucerons car de nombreux autres paramètres entrent en jeu (forme des arbres et densité de plantation, pression de l'année, positionnement des interventions phytosanitaires...). |
Haies composites et bandes fleuries |
Créer un environnement favorable à l'installation et au maintien des ennemis naturels |
Plus forte présence d'ennemis naturels dans le système Eco 2 comparativement au système de Référence, mais l'activité de régulation n'a pas pu être vérifiée avec la pose et le relevé de cartes de prédation. |
Menthe poivrée |
Emettre des composés organiques volatiles (COV) ayant des effets répulsifs sur les pucerons |
Bon développement de la menthe en verger, mais trop tardif par rapport aux premières infestations de pucerons. Mêmes niveaux d'infestations que pour le système Eco1, mais 3 traitements insecticides ont été supprimés pour voir les effets possible de la menthe poivrée dans le système Eco2 (donc un léger effet de la menthe poivrée, ou dépendant d'autres facteurs ?...). |
Huiles blanches |
Asphyxier les ravageurs en recouvrant les formes hivernantes d'un film huileux qui obstrue leurs canaux respiratoires |
Traitements assez efficaces qui contribuent à réduire les populations de pucerons, à condition de bien positionner les interventions (baisse d'efficacité si applications tardives). |
Talc |
Constituer une barrière physique |
Traitements à efficacité modérée et variable, dépendant du positionnement par rapport aux dynamiques des thrips (si les ravageurs sont déjà installés, l'efficacité sera limitée). |
Virus granulose et Bt |
Provoquer l'arrêt de l'alimentation et de la mobilité des ravageurs par l'ingestion de particules virales (pour le virus) ou de toxines (pour le Bt) |
Traitements à efficacité modérée et variable, dépendant des conditions météorologiques et du positionnement par rapport aux pics de vols de la tordeuse orientale (bien identifier les dynamiques). |
Confusion sexuelle |
Empêcher les tordeuses orientales de trouver leurs partenaires sexuels |
Très bonne efficacité, indispensable. |
Glu et bandes pièges |
Constituer une barrière physique et concentrer les forficules dans les pièges dans l'arbre pour pouvoir ensuite les évacuer |
Peut être efficace si glu et pièges positionnés assez tôt dans la saison : une pose début juin est trop tardive pour pouvoir espérer réguler les forficules. La glu BIO a une faible rémanence. |
Leviers |
Principes d'action |
Enseignements |
Réduction irrigation et fertilisation |
Limiter l'humidité sous le couvert et donc les conditions favorables au développement des maladies, en réduisant les apports d'eau et le développement végétatif des arbres |
Efficacité non vérifiée car de nombreux autres paramètres entrent en jeu (pression de l'année, positionnement des interventions phytosanitaires...). |
Ramassage des momies |
Limiter les sources d'inoculum de la moniliose |
Efficacité non vérifiée, de récents travaux ont plutôt souligné que le ramassage des fruits pourris pourrait favoriser l'inoculum : pratique à arrêter ? |
Lait de chaux (BNA) |
Constituer une barrière physique |
Bonne efficacité, utilisé en alternance avec le cuivre en début de saison. L'impasse ou le décalage des traitements du fait du mistral a entraîné de fortes contaminations au verger. Application contraignante, le produit bouche les buses du pulvérisateur. |
Cuivre |
Dessécher les champignons |
Bonne efficacité, il est indispensable pour protéger contre la cloque. L'impasse ou le décalage des traitements du fait du mistral a entraîné de fortes contaminations au verger. |
Soufre |
Bloquer le développement du tube germinatif des spores de champignons et prolonger leur dormance |
Les pressions d'oïdium sont faible à Avignon, les interventions à base de soufre permettent de bien maîtriser la maladie (ne pas appliquer par temps couvert). |
Levures |
Entrer en compétition (spatiale et nutritive) avec la moniliose |
Efficacité très limitée, le développement de la moniliose semble plutôt dépendant des conditions météorologiques de l'année. Manque de données sur les conditions d'efficacité de ces traitements (humidité et température). |
Adventices |
Pucerons |
Tordeuse |
Thrips |
Cicadelle |
Forficules |
Cloque |
Oïdium |
Moniliose |
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2019 |
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2020 |
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(pas de confusion : confinement) |
(pas d’observations : confinement) |
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2021 |
désh. méca. |
menthe |
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(pas de fruits : gel) |
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2022 |
désh. méca. |
menthe |
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2023 |
désh. méca. |
menthe |
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Légende : satisfaisant, moyennement satisfaisant, peu satisfaisant
Gestion des adventices satisfaisante avec le désherbage mécanique (même si contraignant du fait d’un système d’irrigation peu adapté avec la micro-aspersion) et peu satisfaisante pour la menthe poivrée qui est peu couvrante.
Gestion des pucerons plus satisfaisante depuis 2021 (meilleure positionnement des traitements, moins de pucerons farineux).
Bonne maîtrise de la tordeuse orientale, surtout grâce à l'efficacité de la confusion sexuelle.
Les thrips peuvent être plus difficiles à gérer sur ce système comparativement au système Eco 1 (hypothèse : forme des arbres).
Pression de cicadelles assez faible mais en augmentation les 2 dernières années (2022 et 2023)
La pression de l'oïdium reste très faible sur le site.
Gestion des forficules qui reste difficile (rémanence de la glu, besoin de commencer les piégeages au bon moment et passer ensuite très régulièrement).
Gestion de la cloque et de la moniliose encore difficile également (stratégie partiellement efficace, positionnement des traitements).
Performances agronomiques
Les rendements commercialisables montrent une grande variabilité interannuelle, principalement due aux aléas climatiques et aux pressions variables des bioagresseurs. Comparativement au système de Référence, les rendements sont statistiquement inférieurs sur le système Eco2 en 2020 et supérieurs en 2023, pour les autres années ils sont équivalents (à noter qu’en 2021, le gel a entraîné la perte totale des récoltes).
Comparativement au système de Référence, les pertes s’avèrent significativement supérieures sur le système Eco2 en 2019, 2020 et 2023. Les écarts de tri sont majoritairement dus aux défauts d’épiderme (liés à des bioagresseurs comme les thrips, les escargots, les pucerons, ...) mais aussi à des phénomènes physiques (frottements), et des morsures de certains bioagresseurs (essentiellement des guêpes et des forficules dans nos conditions expérimentales).
Sur les 4 années de production, le système Eco2 s’avère légèrement plus performant que l'autre système économe testé (système Eco 1, voir page système dédiée) sur le critère du rendement.
Performances environnementales
Les IFT chimiques (pesticides de synthèse) ont été réduit de 91% en moyenne dans le système Eco2. La majorité des IFT totaux sont représentés par les insecticides puis par les fongicides. Quelques pesticides de synthèse sont maintenus dans le système Eco2 pour la gestion de la cloque, qui reste très difficile sans pesticides chimiques (produits à base de cuivre).
Pour être représentatif des pratiques de producteurs, le système de Référence a progressivement introduit des produits de biocontrôle dans sa stratégie de protection.
Performances économiques
La marge partielle est calculée comme étant la différence entre le chiffre d’affaire (bord verger, c'est-à-dire avant emballage) et les coûts de production. Elle est globalement très basse pour tous les systèmes (aléas climatiques, pressions des bioagresseurs). Les très faibles récoltes (notamment gel en 2021, sécheresse en 2022 et dégâts importants en 2023) ont directement impacté les marges partielles, quel que soit le système. Seule l'année 2019 a été relativement satisfaisante, avec néanmoins une réduction de 8% de la marge partielle sur le système Eco2 comparativement au système de Référence. Ce système a subi une perte moyenne de 27% de sa marge partielle sur la période, hormis en 2023 où le système Eco2 a vu sa marge partielle multipliée par 4 comparativement au système de Référence.
Pour les coûts de production, les coûts liés à la main d’œuvre représentent 77% des coûts totaux. Ils sont plus élevés que pour l'autre système économe testé (système Eco 1, voir page système dédiée) du fait d’un plus grand nombre d’arbres à l’hectare. La réduction des coûts liés à l’utilisation de pesticides chimiques est très marquée (-95 %), mais pratiquement compensé par les coûts des produits de biocontrôle.
Echelle de 1 à 5 (1 = très défavorable, 2 = défavorable, 3 = peu favorable, 4 = favorable et 5 = très favorable)
Sur les 4 années de production, le système REF est plus satisfaisant que les systèmes ECO en termes de marge partielle, de tenue des fruits à la conservation et de temps de travail. La marge partielle et le temps de travail sont peu favorables pour le système REF et défavorables pour les systèmes ECO, le système Eco 1 est un peu moins satisfaisant que le système Eco 2. La tenue des fruits est favorable pour le système REF et peu favorable pour les systèmes ECO.
Les systèmes ECO sont plus satisfaisants que le système REF en ce qui concerne les résidus de pesticides, ils sont favorables contrairement au système REF qui est peu favorable. Ces systèmes ECO sont aussi plus satisfaisants que le système REF en ce qui concerne les IFT chimiques fongicides, ils sont peu favorables alors que le systèmes REF est très défavorable.
La tenue des fruits à la conservation n’est pas prise en compte dans les calculs économiques. Il est à noter cependant que les fruits du système Eco2 ont des durées de conservation inférieures au système de Référence (en moyenne 12 jours pour le système Eco2 contre 17 jours pour le système Référence).
Les objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides de synthèse sont atteints avec le système Eco2. Cependant, cette forte réduction a pénalisé les performances agronomiques et technico-économiques des systèmes. Néanmoins, certains leviers alternatifs aux pesticides de synthèse se sont avérés efficaces et facilement transférables chez les producteurs :
- Le soufre en remplacement de fongicides de synthèse pour gérer l’oïdum (à noter que dans nos conditions expérimentales, la pression oïdium reste faible), simple et peu coûteux.
- L’utilisation de la confusion sexuelle contre la tordeuse orientale, simple à adopter. Elle constitue un levier incontournable.
- La gestion des pucerons est particulièrement déterminante avant la floraison. L’application d’huile blanche sur les stades hivernants des ravageurs en sortie hiver conditionne la pression des pucerons en cours de saison.
Pour d’autres leviers, l’efficacité et l’utilisation reste encore délicate :
- La cloque et la moniliose sont particulièrement pénalisantes sur la production. Leur gestion reste difficile sans l’utilisation de pesticides de synthèse.
- L’efficacité du virus de la granulose et de Bacillus thuringiensis sur la tordeuse orientale reste très variable, car dépendante des conditions climatiques.
- Le désherbage mécanique est plus coûteux et l’utilisation des outils de désherbage nécessite un temps de prise en main.
- L’utilisation de plantes de service sur le rang, comme la menthe poivrée, peut constituer un levier intéressant pour sécuriser la gestion des pucerons, il peut se substituer à des traitements en cours de saison seulement si la pression pucerons reste faible. La mise en place de plantes de service nécessite des aménagements éventuels (micro-aspersion) et une surveillance de l’enherbement (désherbage les 2 premières années pour éviter la concurrence avec les adventices).
Dans cette expérimentation, la stratégie de réduction des pesticides de synthèse a reposé essentiellement sur la substitution par des produits de biocontrôle. Cette stratégie n’a pas permis de maintenir systématiquement des performances agronomiques et technico-économiques satisfaisantes dans les systèmes Economes. Ces performances sont néanmoins supérieures avec le système Eco2 comparativement au système Eco1, du fait d’une plus forte densité de plantation qui a compensé les pertes de production par arbre. L’expérimentation met également en évidence l’efficacité de certains leviers alternatifs aux pesticides de synthèse (soufre, confusion sexuelle, huiles blanches sur les stades hivernants des ravageurs). Afin d’améliorer les performances des systèmes Economes, il semble nécessaire :
- de concevoir et mettre en place des systèmes de culture en rupture (choix de porte-greffe et de variétés adaptées au contexte de réduction des pesticides, forme des arbres et densité de plantation…)
- de trouver des pistes de valorisation permettant de compenser les pertes engendrées (valorisation des fruits de plus petits calibre, avec défauts…).