Des infrastructures agro-écologiques pour plus de régulation naturelle
Les Infrastructures Agro-Ecologiques constituent des éléments fixes du paysage et des habitats semi-naturels situés à proximité des parcelles cultivées. Ces infrastructures sont entretenues par l’homme à des fins de services pour les cultures et pour l’environnement.
Jean-Pierre Sarthou (INRAE) propose une définition détaillée à retrouver dans le dictionnaire de l’agroécologie ou en vidéo ci-dessous. Les IAE peuvent avoir diverses formes :
- (i) linéaire comme les alignements d’arbres et leurs bandes herbeuses au bord ou dans les parcelles, les lisières forestières, haies, talus, murets, bords de fossé, de ruisseaux…
- (ii) surfacique comme les prairies inondables, prés-vergers, parcours, friches, bosquets, zones humides…
- (iii) ponctuelle comme les mares, sources, arbres isolés, rochers… (Source : Dictionnaire d'Agroécologie).
Les 2 approches PIC en lien ci-dessous détaillent les leviers PIC à mobiliser pour mieux prendre en compte les auxiliaires et les pollinisateurs dans son agro-écosystème.
Les IAE participent à la préservation de la biodiversité de différentes manières :
- en favorisant la biodiversité fonctionnelle. A ce sujet, le Vinopôle Bordeaux Aquitaine a réalisé une vidéo (voir ci-dessous), qui est une présentation d'Adrien Rusch (INRA), travaillant sur les relations entre agriculture, biodiversité et fonctionnement des écosystèmes.
- en permettant la connectivité des milieux, et ainsi la circulation des espèces.
- en constituant des lieux de rencontre pour le brassage génétique favorisant l’évolution des espèces et leur adaptation aux changements climatiques.
- en fournissant un habitat et de la nourriture pour le développement de ces espèces, dont les auxiliaires de cultures.
Solagro a publié, en 2009, une brochure dédiée aux infrastructures agroécologiques, dans laquelle les IAE sont décrites selon leur nature et leurs intérêts, et illustrées dans différentes régions françaises : consulter la brochure.
Les IAE rendent deux principaux services écosystémiques, utiles aux différentes cultures :
1. La régulation biologique, notamment par la lutte par conservation. En effet, les IAE permettent d’étendre l’habitat de certains auxiliaires de cultures, et s’inscrivent donc dans une démarche préventive pour le développement d’organismes utiles afin de réguler les bioagresseurs très tôt dans le cycle de culture. Elles peuvent aussi participer à la lutte curative par maintien des bioagresseurs à un niveau en dessous du seuil de nuisibilité. Par exemple, une étude de l'ITAB (2004) démontre l'intérêt des haies et zones enherbées en viticulture. Pour aller plus loin sur le sujet, consultez Herbea : Habitats à Entretenir pour la Régulation Biologique des Exploitations Agricoles qui est un site internet collaboratif pour promouvoir la lutte biologique par conservation.
2. La fourniture de ressources pour les cultures. Des IAE à proximité des cultures permettent d’améliorer la fertilité des sols, sont un frein à l’érosion et au ruissellement et peuvent créer des microclimats favorables aux cultures.
Le projet QUESSA « Quantification des services écosystémiques pour une agriculture durable » propose une brochure (en français) faisant état de l’évaluation des services écosystémiques, de leur cartographie et de résultats sur différentes cultures en matière de pollinisation et de régulation biologique (voir ci-dessous). Une synthèse INRAE étudie l'efficacité des bandes fleuries et des haies en tant qu'IAE (voir ci-dessous).
Grâce à ces différents atouts, l’implantation d’IAE peut entrainer la diminution des usages de certains intrants (produits phytopharmaceutiques, engrais, eau…) et s’inscrit donc dans une démarche stratégique étant donnés les investissements à engager.
Approche à l'échelle des territoires
Les infrastructures agroécologiques sont des éléments constitutifs du paysage qui influencent la présence des ravageurs mais aussi celle de leurs ennemis naturels : les auxiliaires de culture. Des chercheurs de l'INRAE travaillent sur l'impact de la composition des paysages sur l’abondance des ravageurs et de leurs ennemis naturels. Ils soulignent l'importance d'organiser les parcelles à la manière d’une mosaïque et de développer une plus grande biodiversité cultivée (consulter l'article ci-contre). Un ouvrage traite aussi de ce sujet : "Paysage, biodiversité fonctionnelle et santé des plantes".
D'autres projets de recherche ont une approche territoriale à ce sujet :
- Le projet LISEA OCEALIA Biodiversité visait à accroitre les habitats et les ressources alimentaires sur un territoire afin de préserver les pollinisateurs. Grâce à une approche collective et pluriannuelle, ce projet permettra de mesurer la trajectoire d’évolution du nombre d’abeilles sauvage sur un territoire grâce à l’introduction de haies (consulter l'article ci-contre).
- En Écosse, le James Hutton Institute a développé un site dédié dans lequel un espace est consacré à la gestion des habitats et à l’ingénierie écologique (en anglais). Les chercheurs de l’institut ont notamment participé au programme Pure. Plusieurs publications sont disponibles dans la rubrique « Ingénierie écologique pour la protection intégrée : du champ à l’habitat naturel ».
Enfin, le kit pédagogique Ruralis est intéressant pour adopter une approche collective et pour parler des IAE, de la biodiversité, de la transition agroécologique, des paysages… Il s'agit d'un jeu de plateau pédagogique pour s’approprier les IAE et leurs bénéfices sur une exploitation (consulter l'article ci-contre).
Approche à l'échelle de l'exploitation
L'aménagement d'IAE nécessite une réflexion globale à l'échelle de son exploitation afin de placer ces aménagements là où ils seront les plus utiles : maillage, corridors biologiques, abri pour un auxiliaire précis, etc. Il peut être intéressant de réaliser un diagnostic d'exploitation en utilisant l'outil Diagagroeco : outil de diagnostic agroécologique des exploitations agricoles destiné à aider à réfléchir sur les performances d’une exploitation, les pratiques et les démarches d’un agriculteur et à estimer son degré d’engagement dans l’agroécologie (consulter l'article ci-contre).
Comment aménager ou implanter des IAE ?
Les projets IBIS, "Intégrer la Biodiversité dans les Systèmes d’exploitation agricoles" et AUXIMORE, "Cultivons les auxiliaires", ont permis la création de guides et de fiches pour mieux diagnostiquer son exploitation et aider à l'aménagement ou l'implantation d'IAE (consulter les articles ci-contre). Les fiches techniques de l'outil GECO seront aussi très utiles pour implanter et gérer différentes IAE. Ces ressources sont accessibles directement sur les publications des Leviers PIC consacrées aux IAE accessibles ci dessous.
Pour aller plus loin, un article web sur la plateforme Osaé se consacre également à cette question : "Mise en place d’Infrastructures Agroécologiques - Approche Top down". Et un ouvrage dédié à la biodiversité fonctionnelle propose des conseils simples pour pouvoir préserver et enrichir les auxiliaires en quantité et en diversité jusqu’au centre des parcelles :
Le réseau DEPHY nous propose des ressources mettant en avant des retours d’expérience :
- Guide d'aménagements pour la biodiversité, GEPACO - Aménagements paysagers pour favoriser la biodiversité fonctionnelle en agriculture, Février 2020
- Fiche Trajectoire DEPHY grande culture : céréalier dans le calvados en plaine de Caen, Bruno Soenen a mis en place un observatoire de la biodiversité sur son exploitation, et implanté diverses IAE qui lui ont permis de réduire et mieux raisonner ses traitements insecticides.
- Fiche Trajectoire DEPHY viticulture : Claude Mesnard, viticulteur en appellation Anjou a mis en place un enherbement inter-rang et des bandes fleuries dans ses vignes, ainsi que diverses haies dans son exploitation. Il procède lui aussi à l’observation des insectes présents, et n’applique aucun insecticide sur la moitié du vignoble.
- Fiche Système DEPHY arboriculture Ecophyto 2 Bio : Implantation d’une haie haute en bordure de parcelle pour favoriser le refuge des auxiliaires, ainsi qu’ajout d’abris à hulotte et à chauves-souris et d’un hôtel à insecte pour favoriser la régulation naturelle des ravageurs.
- Focus thématique DEPHY cultures légumières : Implantation de Dispositif Agro-Ecologique en parcelle maraîchère : les DAE
Solagro a réalisé deux vidéos qui mettent en avant des pratiques agroécologiques permettant de faciliter l’installation et le développement des pollinisateurs et des auxiliaires.
- Comment favoriser les auxiliaires de culture sur mon exploitation - Regards croisés d’acteurs sur la lutte biologique par conservation des habitats – herbea.org
- Alex Franc : Lutte biologique par conservation - aménagement du verger de pommes, réfléchi pour offrir des habitats variés aux pollinisateurs sauvages mais également aux prédateurs et parasitoïdes du carpocapse et des pucerons – vidéo Osaé – osez-agroecologie.org
En Agriculture Biologique, la préservation de la biodiversité constitue un objectif prépondérant pour contribuer à la régulation naturelle des bioagresseurs notamment. Plusieurs documents ont été réalisés dans ce contexte et permettent d'avoir une approche dédiée à la biodiversité incluant la mise en place d'IAE :
- Guide pratique sur la biodiversité dans les fermes bio, FNAB, 2020
- Fiche "Favoriser les auxiliaires naturels en agriculture biologique", RMT DevAB, 2009
- Dossier "Biodiversité et Agriculture biologique", ALTER AGRI n°85, 2007
Agreenium en partenariat avec l’ACTA-les instituts techniques agricoles, propose un cycle de webinaires à destination de professionnels, mais aussi d’enseignants et d’étudiants, sur des sujets porteurs d’innovation, sur l'agroécologie notamment.
Deux webinaires ci-contre sont en lien avec le sujet des IAE :
- "L’équilibre agri-écologique, un nouveau regard sur les prairies" 13 octobre 2020
- "La lutte biologique par conservation, l’exemple des bandes enherbées" 24 Novembre 2020
La recherche française et européenne est très active dans le domaine de la connaissance des services écosystémiques des habitats. De nombreux projets se consacrent à cette question (voir le carrousel ci-contre) :
- des projets du réseau DEPHY EXPE : RESCAM, R2D2, COSYNUS
- des projets CASDAR : IBIS, BIODIVLEG, AUXIMORE, ARENA, BIOCONTROL
- des projets européens : QUESSA, EcoSTACK, FRAMEwork
- un RMT : le RMT Biodiversité et Agriculture qui a comme objectif général de contribuer au développement et à la promotion de systèmes agricoles respectueux de l'environnement, fondés sur la biodiversité et les régulations naturelles qu'elle favorise.
- une UMR INRAE : l'UMR Agroécologie. Les recherches développées par les partenaires visent à progresser dans la connaissance des interactions biotiques (en particulier plantes-plantes et plantes-microorganismes) au sein des agrosystèmes afin de concevoir des systèmes de culture innovants respectueux de l’environnement.
Les Infrastructures AgroEcologiques et leurs multiples intérêts environnementaux et pour la protection intégrée des cultures, sont amenées à tenir une place de plus en plus importante dans nos paysages et dans les exploitations agricoles à l'avenir. La recherche a cependant encore beaucoup à faire pour mieux évaluer et faire connaitre les rôles et l'efficacité de ces infrastructures.
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